La compagnie Robert de Profil adapte My dinner with André, un texte de Wallace Shawn et André Grégory, au théâtre Dunois. Une immersion intime de deux heures dans un restaurant new-yorkais, qui peine pourtant à inviter correctement le public à sa table.
Nicolas Liautard et Magalie Nadaud, co-fondateur de la compagnie Robert de Profil adaptent My dinner with André, un texte de Wallace Shawn et André Grégory, accompagnés de Fabrice Pierre. Écris en 1979, le texte met en scène un dîner dans un restaurant new-yorkais entre André Grégory, prestigieux metteur en scène et Wallace Shawn alors auteur à la peine. Le texte a été adapté au cinéma par Louis Malle en 1981, puis au théâtre par la compagnie tg STAN, qui a connu plusieurs années de tournées en Belgique et aux Pays-Bas avant d’être présenté au Théâtre de la Bastille en 2005 et repris en 2014. Sur scène, les deux convives dégustent des plats cuisinés sur le plateau en temps réel par Magalie Nadaud. Les effluves d’épices ou de café se mêlent donc au texte et accompagnent le public tout au long de la pièce.
Le dialogue entre Wallace Shawn et André Grégory a pour vocation de dénoncer “l’endormissement des consciences, la transformation de l’humain en animal passif, la disparition de l’émerveillement, le sujet devenu objet et son corollaire l’avènement d’un monde aberrant et malheureux”. D’un côté, André est un metteur en scène névrosé, égocentrique et perpétuellement déprimé, avec une certaine fascination pour les expériences mystiques. Quant à Wallace, ancien professeur de latin, il est un auteur pantouflard et pragmatique. Au fil de leur dialogue, tout y passe : la nécessité ou la vacuité du théâtre, la vie et sa réalité, la mort comme horizon et la responsabilité de l’amour.
Bien que les tentatives d’inviter le public à la table du restaurant où dînent les deux compères soient multiples, le spectateur peine pourtant à se sentir inclus dans ce huis clos intime. Les lumières sont allumées dans le public dès le début de la pièce. On nous interpelle, on s’adresse directement à nous. La cuisine nous offre des effluves olfactifs qui sont censés briser le quatrième mur. Un désert (fraises et sorbet) est même offert à un heureux élu dans le public. Mais plus le spectacle avance, plus les lumières s’estompent et plus le public est exclu du dialogue entre les deux artistes. Même la cuisine, pourtant élément central de la proposition, reste en retrait. Magalie Nadaud n’intervient que pour distribuer les différents plats, quand on aimerait être véritablement invité derrière les fourneaux, que cette cuisine vive pleinement de ses bruits et prenne davantage de place. Le cadre enfin, est figé dans un plan serré très cinématographique sur la table du restaurant, sans variation. Où est le théâtre ?
C’est une interprétation assez littérale d’un texte qui pouvait pourtant porter des variations oniriques et poétiques, absente sur la scène du théâtre Dunois. La valse finale entre les deux compères à la lumière des bougies ne suffit pas à convaincre. Pour un face-à-face entre Fabrice Pierre et Nicolas Liautard, on pouvait s’attendre à davantage de parti-pris et de relief. On ressort le ventre vide, on aurait aimé un menu plus copieux.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
My dinner with André
Cie Robert de Profil
Fabrice Pierre, Nicolas Liautard, Magalie Nadaud interprétation
Christophe Battarel réalisation et lumièreProduction Compagnie Robert de profil
Coréalisation Théâtre DunoisDurée : 2h
Au théâtre Dunois
du 9 au 17 mai 2023
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