A Chaillot, Thomas Lebrun célèbre sa compagnie et la danse dans une vaste pièce, fort généreuse mais inégale, qui se veut festive mais où l’ardeur et la jubilation tardent un peu à venir.
En 2020-2021, le chorégraphe et interprète devait fêter l’anniversaire de sa compagnie Illico fondée vingt ans plus tôt. La pandémie ne lui a pas permis de concrétiser dans les temps son beau projet ; c’est désormais chose faite avec la pièce Mille et une danses, présentée au Festival Montpellier Danse au début de l’été et actuellement à Paris. Celle-ci réunit sur un plateau nu, une importante troupe de quinze interprètes auxquels s’ajoutent des invités épisodiques. Venus d’horizons variés, toutes et tous illustrent une des grandes forces de l’artiste Thomas Lebrun dont le geste revendique une non-assignation aux canons esthétiques classiques pour mieux privilégier la diversité comme la fluidité des générations et des identités. Différents âges, différents corps, différentes cultures se laissent donc contempler avec une belle évidence. D’abord en ligne en fond de scène, puis éparpillés dans l’espace en groupes ou isolément, les nombreux danseurs seront amenés à traverser des climats et des états diamétralement opposés.
Thomas Lebrun déclare son intention de vouloir délivrer une « épopée dansée et émotionnelle, un marathon des sensations ». Il y a bien une dimension épique dans son travail sensible et multi-référencé. On pérégrine entre de nombreuses sources d’inspiration à commencer par les Ballets Russes desquels se revisite un sacre primitif tandis que réapparait un faune revigoré. On reconnaît l’énergie d’Ohad Naharin, la vitalité de Pina Bausch. Le directeur du CCN de Tours n’a pas lésiné sur l’aspect composite de sa pièce portée par un élan qui combine came et urgence, décontraction et précision, grande simplicité et sophistication.
Mille et une danses est un programme copieux, foisonnant, débordant, excessif, qui mêle dans un même geste l’épure et l’outrance, le grâce et le trivial. Il s’assume comme tel mais en fait sûrement trop. L’ensemble comporte fort heureusement des fulgurances mais aussi pas mal d’errances.
Mélancolique et crépusculaire, sa première partie s’apparente à un long adagio qui ne cherche étonnamment pas à dissimuler une certaine froideur. Une danse marmoréenne, assez étale et sculpturale, ouvre le bal. Les lignes abstraites et les contours manquent de contrastes. Ce n’est que très progressivement que la dynamique croît au fil de la représentation. La playlist éclectique du spectacle qui fait entre autres entendre Purcell et Beethoven, Elvis Presley et les Doors, n’est pas avare en climax musicaux chatoyants. L’arrivée soudaine d’une forme plus proche de la danse-théâtre permet de voir advenir davantage d’aspérités, des corps franchement plus expressifs, gagnés par plus d’humour et d’humeurs, plus emprunts de sensualité, d’organicité. Le propos est le désir, homosexuel comme hétérosexuel, traité avec autant de tendresse que de sauvagerie au plateau. L’ensemble se débride aussi définitivement que tardivement à l’occasion d’un final pailleté électro-disco à l’euphorie vraiment bienvenue.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Mille et une danses (pour 2021)
conception et Chorégraphie Thomas Lebrun
Lumière Françoise Michel
Son Maxime Fabre
Costumes Kite Vollard, Jeanne Guellaff
Régie générale Xavier Carré
montage son Yohann Têté
Extraits musicaux Alphaville, Laurie Anderson, Ludwig van Beethoven, Pierre Chériza, Noël Coward, Roberto De Simone,Claude Debussy, The Doors, Maxime Fabre, Bernard Herrmann, Dean Martin,W.A. Mozart, Nutolina, Elvis Presley,Henry Purcell, Sergeï Rachmaninov
textes Carolyn Carlson, Kenji MiyazawaAvec Antoine Arbeit, Maxime Aubert, Julie Bougard, Caroline Boussard, Raphaël Cottin, Gladys Demba, Anne-Emmanuelle Deroo, Arthur Gautier, Akiko Kajihara, Thomas Lebrun, Cécile Loyer, José Meireles, Léa Scher, Véronique Teindas, Yohann Têté et 5 invité.es
PRODUCTION Centre chorégraphique national de Tours
COPRODUCTION Festival Montpellier Danse 2021 / Les Halles de Schaerbeek, Bruxelles / Scène nationale d’Albi / Équinoxe, scène nationale de Châteauroux / La Rampe-La Ponatière, Scène conventionnée, Échirolles / Théâtre La passerelle – Scène Nationale de Gap et des Alpes du Sud / MA scène nationale – Pays deMontbéliard / La Maison-Nevers, scène conventionnée / Scène nationale d’Orléans
Le Centre chorégraphique national de Tours est subventionné par le ministère de la Culture – DGCA – DRAC Centre-Val de Loire, la ville de Tours, le Conseil régional Centre-Val de Loire, le Conseil départemental d’Indre-et-Loire et Tours Métropole Val de Loire.
L’Institut français contribue régulièrement aux tournées internationales du Centre chorégraphique national de Tours.Chaillot – Théâtre national pour la Danse, Paris
Du 6 au 9 avril 2022
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