Michel Bouquet fête aujourd’hui ses 92 ans. Son élève Michel Fau l’a convaincu de remonter une dernière fois sur scène dans Tartuffe. Il est à la fois Orgon et Molière sur la fin de vie. Rencontre avec le comédien dans sa loge .
C’est un peu à cause de vous que Michel Fau a eu envie de monter ce Tartuffe et de vous proposer ce rôle d’Orgon, car vous avez souvent évoqués ensemble la pièce.
Je suis ravi qu’il ait reçu ce choc ! Car c’est une des pièces les plus curieuses du répertoire. Elle n’est pas esclave de l’écriture. Elle est composée de règlements de compte entre tous les personnages de la vie de Molière. C’est une pièce tragique.
Est-ce que c’est une pièce anticléricale ?
En tout cas elle lui a causé beaucoup de soucis car il a attendu 13 ans pour qu’elle soit tolérée par le Prince et ensuite divulguée au public. C’est anticlérical si on veut, mais elle n’a pas été écrite pour cela. Molière entend dénoncer les entreprises qui entendent dire la vérité à tout prix et les abus de l’église sur le mental des citoyens. Mais la pièce n’est jamais diffamatoire
Comme jugez-vous la mise en scène de Michel Fau ?
Elle n’est pas mièvre. Elle est éclatée. Elle est fantaisiste. C’est très subtil. Elle est percutante.
Que dire du personnage d’Orgon ?
Il est très beau dans la deuxième partie. Attaqué de toutes parts, il essaie de se démêler de tout ça. La pièce raconte sa déconfiture. C’est aussi celle de Molière. Mais cela nous arrive à tous quand nous vieillissons. On est angoissé, on est perdu, on n’a plus de force, on monte les escaliers difficilement. Il y a quelque chose de terrible dans cette fin de vie. C’est tragique.
Vous êtes présent pendant toute la durée du spectacle. Michel Fau n’a pas choisi de vous ménager !
Il a tout à fait raison. La pièce est active. Le personnage est condamné, il ne va pas faire de vieux os ! Il n’en n’a plus pour longtemps !
Ce qui n’est pas votre cas car vous aimez jouer.
Oh si c’est mon cas. J’ose l’avouer. Je vais fêter mes 92 ans et il me faut vraiment l’amour de Michel Fau et des gens du Théâtre de la Porte Saint-Martin où j’ai joué L’Avare et le Malade pour prendre le risque de jouer encore trois mois. C’est un rôle très fatigant. Et à mon âge c’est homérique.
Mais vous êtes une sacrée force de la nature !
Malheureusement non, mais d’une certaine manière j’ai plus de ressources dans le maniement de cette impossibilité qu’en auraient d’autres plus costauds. Il faut une philosophie très grande pour continuer et se dire que rien ne m’attend, que tout ira bien. Je prends le temps de relire le texte. Je prends le temps d’être prêt physiquement pour tenir l’effort de la pièce pour arriver au bout.
Les spectateurs vous adorent, ils sont debout tous les soirs. Sentez-vous cette admiration ?
Je suis très touché. Mais pas trop fier quand même.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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