Il est le nouvel Ivanov au cœur d’une distribution éblouissante sur la scène de l’Odéon dans la mise en scène de Luc Bondy au côté de Marcel Bozonnet, Christiane Cohendy, Victoire Du Bois, Ariel Garcia Valdes, Laurent Grévill, Marina Hands…La merveilleuse troupe de cette version sombre et captivante de la première pièce de Tchekhov n’a pas été épargnée par les tragiques attentats du début de l’année qui ont pesé sur les derniers jours de répétition. Rencontre avec le comédien dans sa loge à l’issue de la première.
On a rarement entendu cette pièce comme cela, elle est d’une violence inouïe !
Oui inouïe, c’est sa première pièce, et je crois que cela correspond au moment où il fait une dépression et c’est un homme complexe Tchekhov, d’une grand générosité. Et là on ressent comme un défouloir. Il écrit la pièce à 25 ans, et Ivanov c’est lui 10 ans plus tard. Il arrête de jouer le jeu social.
Et Ivanov est un personnage ignoble, d’ailleurs il se déteste
Mon but n’est pas de le juger. Je peux juger les choses atroces qu’il dit à sa femme et son comportement lâche. Il se détruit dès le début. Il est honnête. Ce n’est pas un menteur. Le seul moment où il sort de ses gonds c’est quand sa femme le traite de menteur. On peut le voir comme un type atroce. Il faut aussi voir ce qu’il a été avant. On sent qu’il a été quelqu’un de bien. Il faut que l’on comprenne pourquoi des femmes tombent amoureuses de lui.
Est ce que la noirceur est venue dès le départ lorsque vous avez travaillé à la table avec Luc Bondy ?
Oui mais elle n’était pas aussi efficace que maintenant. Je suis d’abord venu avec une espère de petite tristesse, de plainte. C’était mon idée de départ. Et là c’est le génie de Luc Bondy qui m’a entraîné vers un endroit beaucoup plus insaisissable et vers une froideur, vers une ironie qui glace. Et l’on perçoit beaucoup mieux le désespoir d’Ivanov. Il faut laisser un peu d’air et ne pas toujours coller à l’état du rôle. Et à l’intérieur de cela je cherche une lumière et de joie mais si ce n’est pas ce que l’on voit sur le plateau. Quand j’étais tristounet cela ne marchait pas du tout.
Dans ce côté glaçant il y a le 3ème acte et vers la fin vous êtes très proche du public pour un monologue saisissant
Il faut être complètement dans le présent, parler aux spectateurs, et s’absenter un peu. Ivanov prend à partie. C’est vraiment écrit comme cela. Il est encore plus honnête. Et l’on perçoit sa propre émotion. Cela a été un moment délicat à travailler.
Ce que l’on entend bien, c’est l’antisémitisme de la société qu’il décrit. Et cela résonne encore plus avec les événements du début d’année.
Les derniers jours de répétition ont été très étranges. On a été terrorisé et bouleversé. Il a fallu répéter cette pièce qui n’est pas ambiguë face à cette question là car Tchekhov s’est engagé. Il était Dreyfusard ce qui n’était pas le cas de beaucoup de russes. Il dénonce cela d’une manière très noire. Je n’arrivais pas à le dire. J’avais honte. Il faut avoir honte pour le dire.
Et quand vous dîtes « Sale juive » à Marina Hands, c’est fort !
C’est atroce. Et on ne peut pas le comprendre. On ne peut pas l’expliquer. On voit cet espèce d’enchaînement terrible et tragique qui fait que ce type dit cela à sa femme. Il répète ce que les gens disent d’elle. Je ne pense pas qu’il soit antisémite. C’est aussi fort que lorsqu’il se suicide à la fin. On voit qu’il est foutu.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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