Dans la richesse qui composent les Métamorphoses d’Ovide, Aurélie Van Den Daele s’est attachée à raconter trois mythes avec les codes esthétiques du 21ème siècle dans une traduction du poète anglais Ted Hugues. Elle donne un sacré coup de jeunesse à Ovide, dans un esprit rock et surréaliste.
Un prologue, trois chapitres, un épilogue. On est rassuré d’entrée par le découpage choisi par Aurélie Van Den Daele qui fait œuvre de simplification pour ne pas larguer les spectateurs dans ces histoires éloignées de notre imaginaire. Térée, Phaéton, Erysichton ; on n’en parle pas tous les jours !
C’est dans une salle des fêtes qu’elle convoque ces personnages. Nous assistons d’abord au mariage de Térée et Porgné. Le père de Porgné joue dans l’orchestre du bal. Térée chante pour sa femme, Et si tu n’existais pas de Joe Dassin. Cette première scène donne le ton du spectacle: léger, coloré, décalé, généreux et musical. Pendant que Térée trompe sa femme avec sa sœur Philomèle, on entend du Niagara ou du Jean-Jacques Goldman. C’est Ovide en chantant. Aurélie Van Den Daele ne perd pas pour autant le fil de l’histoire, Progné aura la langue coupée pour ne pas évoquer sa liaison avec Térée, mais Porgné se venge et découpe son fils en morceaux pour le donner à manger à son mari. Cette première histoire pourrait s’apparenter à un fait divers sordide d’aujourd’hui.
Puis on suit l’histoire de Phaéton, fils d’Hélios – le soleil. Il cherche à savoir qui est son père. On le retrouve lors de plusieurs de ses anniversaires. Il ira le rejoindre dans les étoiles, muni d’un scaphandre de cosmonaute. Phaéton est comme beaucoup d’adolescents d’aujourd’hui – rêveur – et prêt à toutes les expériences pour accomplir son but.
Enfin arrive Erysichton. C’est un artiste d’art contemporain, un peu fou. Comme tous les artistes ? On le retrouve dans un musée, avant le vernissage de son exposition. Il finalise sa dernière installation ; la reconstitution d’un chêne antique, une nature – vraiment morte – avec tête de sanglier et renard aplati. Sa folie l’entraine jusqu’au supplice ultime : il se dévore le corps. C’est à mourir de rire ; du grand burlesque surréaliste. Point d’orgue d’un spectacle magique aux images formidablement bien travaillées par le collectif INVIVO pour la lumière, la vidéo, la scénographie et son. Ces légendes grecques à la sauce rock n’roll nous parlent des passions amoureuses, des pulsions enfouies, des névroses sanguinaires et mortelles.
Les quatre interprètes caméléons – Alexandre Le Nours, Mara Bijeljac (comédiens), Christophe Rodomisto (guitare) et Tatiana Mladenovitch (batterie) – sont remarquables dans leur capacité de travestissement. Après un diptyque prometteur autour de deux huis clos, après un Angels in America politique, Aurélie Van Den Daele réussit une épopée fantastique et onirique sur des figures mythiques de la tragédie grecque, ancrée dans notre époque. Un spectacle qui parle de notre siècle; de la famille, de l’adolescence et de la place de l’artiste dans la société. C’est à la fois décapant et maîtrisé. Serait-ce le spectacle de la maturité ?
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Métamorphoses
Projet du DEUG DOEN GROUP d’après Les Métamorphoses d’Ovide et Contes d’Ovide de Ted Hughes (Editions Phébus),
mise en scène Aurélie Van Den Daele assistée de Julie Le Lagadec, dispositif scénique et technologique collectif INVIVO (lumière, vidéo, scénographie, son) Julien Dubuc – Chloé Dumas – Grégoire Durrande, dramaturgie Sidney Ali Mehelleb, costumes Elisabeth Cerqueira
avec Alexandre Le Nours et Mara Bijeljac (comédiens), Christophe Rodomisto (guitare) et Tatiana Mladenovitch (batterie)
production > DEUG DOEN GROUP avec le soutien d’ARCADI Île-de-France, de l’ADAMI, de la SPEDIDAM, du Conseil départemental des Yvelines et de CREAT YVE. Coproduction > Théâtre de l’Aquarium, Théâtre Montansier à Versailles, La Ferme de Bel Ébat-Théâtre de Guyancourt
Durée: 1h50Création le 23 et 24 février 2017 à la Ferme de Bel Ebat-Théâtre de Guyancourt.
Théâtre de l’Aquarium
du 1er au 26 mars 2017
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h
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