Combinant huis-clos familial et entrée dans le monde des sourds, Tribus mis en scène par Mélanie Leray est un spectacle original qui laisse un goût d’inachevé.
Mélanie Leray aime beaucoup le théâtre anglais. On l’avait découverte avec une Mégère apprivoisée décoiffante, qui avait également révélé Laetitia Dosch. Elle a connu la saison dernière un beau succès avec la dernière pièce écrite par Dennis Kelly, Girls and boys, récompensée par le Molière du seul en scène remis à Constance Dollé. Et elle reprend cette année, à la patinoire de la Manufacture, Tribus de Nina Raine qu’elle avait monté en 2017. Texte issu d’une commande du Royal Court Theatre, ce huis-clos familial, comme le théâtre en produit beaucoup, développe progressivement une thématique beaucoup plus rare sur les planches, celle du handicap, et plus particulièrement de la surdité. Le tout sur fond de questions claniques. Comme son titre l’indique, Tribus traverse le besoin qu’a chacun d’appartenir à une communauté, mais aussi, souvent, de la quitter.
Du huis-clos qui occupe la première partie de la pièce, émane une drôle d’impression. Cette famille-là est dominée par un père, universitaire à la retraite, gueulard et se défiant de tout conformisme. On y trouve également une mère écrivaine sur le tard qui essaye vaguement d’arrondir les angles, un fils thésard en linguistique, ancien bègue excentrique et un brin obsédé, qui ne cesse de se disputer avec sa sœur, chanteuse un peu ratée et moins intello que le reste de la tribu. Au milieu d’eux, discret, le cinquième élément, Billy, sourd de naissance, peine à trouver sa place. Il est interprété par Luca Gelberg, acteur malentendant qui a débuté dans La famille Bélier, dont le jeu tranche et enrichit singulièrement le chaos tumultueux, et un rien fatiguant, de cette famille explosive.
Disons-le clairement, les conflits à coups d’insultes, de saillies ironiques et de propos outranciers de cette famille peinent à convaincre. On ne comprend pas où cela nous mène. Le trait est forcé, sans qu’on tombe dans la comédie, mais trop épais pour qu’on y croit. Puis le spectacle bascule lorsque Billy ramène à la maison sa fiancée, une jeune fille issue d’une famille de sourds, entendante à la naissance, mais en passe d’être rattrapée par sa génétique. Avec elle, arrivent le langage des signes, la naissance d’enjeux dramaturgiques plus clairs et d’une thématique originale, si bien que la pièce reprend singulièrement de l’intérêt. Leslie Bouchet et Luca Gelberg y prennent de la place au plateau comme dans l’histoire, et imposent une théâtralité différente et incomparablement stimulante. La normalité de leurs personnages tranche avec l’hystérie des entendants. Le langage des signes et l’oralité de Gelberg, son jeu aussi, particulier et émouvant, en accord parfait avec celui de la touchante Leslie Bouchet, l’entrée dans des problématiques insoupçonnées liées à la surdité éveillent un intérêt grandissant. A tel point que l’on regrette que cette seconde direction n’ait pas été prise plus tôt pour davantage se développer.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Tribus
de Nina Raine
Mise en scène Mélanie Leray
Avec Leslie Bouchet , Luca Gelberg, Bernadette Le Saché, Anaïs Muller Thomas Pasquelin, Jean-Philippe Vidal
Traduction, Theo Hakola avec le concours de Mélanie Leray
Traduction et coach, LSF Boucif Moussa
Assistants à la mise en scène, Vincent Voisin et Claire Ingrid Cottanceau Lumières, Christian Dubet et Tugdual Tremel
Vidéo, Cyrille Leclercq
Son, Jérôme Leray
Scénographie, Jean-Pierre Girault
Costumes, Danila Fatovitch et Mélanie LerayProduction déléguée Cie 2052
Coproduction MCB° Bourges-Scène Nationale, MC2 Grenoble, Le Canal – Théâtre du pays de Redon
Soutiens Ministère de la Culture – DRAC Bretagne, Région Bretagne, ARTCENA, Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre, Ville de Rennes, Comité de Lecture du Rond-Point – Paris, Agefiph.Cette série de représentations bénéficie du soutien financier de Spectacle vivant en Bretagne, de la MCB° Bourges et de la MC2 Grenoble.
L’Œuvre est représentée par Renauld & Richardson dans les pays francophones en accord avec United Agents London.Durée : 2 heures, trajet en navette compris
Festival Off d’Avignon 2019
La Manufacture La Patinoire
du 5 au 25 juillet, relâche les 11 et 18 juillet, à 19h25
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