Mayerling, le ballet en trois actes de Kenneth MacMillan entre au répertoire du ballet de l’Opéra de Paris, dévoilant une technique qui met en valeur la narration et la psychologie des personnages, un terrain d’interprétation fertile pour les solistes de la compagnie. Toutefois, la représentation de la violence, à travers le prince Rodolphe, personnage principal, penche plus vers l’érotisation que la dénonciation.
En 1889, Rodolphe d’Autriche-Hongrie, le fils de l’impératrice Elisabeth « Sissi » et de l’empereur François Joseph se donne la mort dans le pavillon de chasse de Mayerling, juste après avoir tué son amante Mary Vetsera. Presque un siècle plus tard, en 1978 le chorégraphe britannique Kenneth MacMillan s’emparait de ce moment sordide de l’histoire, dans un ballet en trois actes créé pour le Royal Ballet, qui se déplie à la manière d’une fresque. Un découpage qui rappelle le cinéma, où l’on découvre les circonstances d’un mariage arrangé du prince avec la princesse Stéphanie de Belgique, alors que celui-ci sombre dans la folie. Mayerling fait cette année son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris, ballet aux décors et costumes qui nous plonge en plein XIXe siècle et où la technique classique est au service de la narration. Une occasion pour les solistes de dévoiler une interprétation théâtrale, notamment l’étoile Hugo Marchand (l’un des quatre princes de la production) qui se saisit de la psychologie du personnage de Rodolphe.
Le sexe et la violence sont omniprésents dans les ballets de MacMillan et Mayerling ne fait pas exception à la règle. Il décrit la cour de Hofburg comme une micro société gangrénée par la folie de Rodolphe, violeur, consommateur de drogue, menaçant avec ses armes à feu, le tout sur la musique romantique de Franz Liszt, dans des décors et des costumes luxueux de Nicholas Georgiadis (longues robes lourdes sous lesquelles apparaissent les pointes) qui rappellent le film éponyme (interprété par Catherine Deneuve et Omar Sharif), à travers de nombreuses scènes intimistes (notamment dans les appartements de Rodolphe) ponctuées d’autres plus mondaines (salles de bal ou taverne).
Chaque geste nourrit la progression de l’intrigue par son expressivité, ou renseigne sur les relations avec les personnages, comme les pas de deux enflammés et les portés physiques et complexes, qui font office de dialogue entre les interprètes. Chorégraphie et qualité des mouvements confèrent à l’ensemble une dimension théâtrale, un espace d’interprétation qu’Hugo Marchand investit de manière plutôt convaincante, dévoilant une palette d’émotion, sans occulter les autres solistes, notamment Dorothée Gilbert dans le rôle de Mary Vetsera, avec qui il fait preuve d’une jolie complicité. Que faire toutefois de la question qui sous-tend la pièce : Comment le prince Rodolphe a-t-il été conduit au double-suicide ? Regardé aujourd’hui, l’érotisation de la violence déployée dans Mayerling – car l’ensemble séduit plus qu’il ne dérange – et incarné par le personnage de Rodolphe, star du spectacle, semble à contre-courant, détaché des questionnements actuels.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Mayerling
Musique :
Franz Liszt – (1811‑1886)Livret :
Gillian FreemanChorégraphie :
Kenneth MacMillanDirection musicale :
Martin YatesArrangements et orchestration :
John LanchberyDécors :
Nicholas GeorgiadisCostumes :
Nicholas GeorgiadisLumières :
John B. ReadLes Étoiles, les Premières Danseuses, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra
Orchestre de l’Opéra national de ParisAvec
Prince Rudolf :
Stéphane Bullion,
Mathieu Ganio,
Hugo Marchand,
Paul MarqueBaronne Mary Vetsera :
Dorothée Gilbert,
Myriam Ould-Braham,
Ludmila Pagliero,
Hannah O’NeillComtesse Marie Larisch :
Laura Hecquet
Héloïse Bourdon
Hannah O’NeillPrincesse Stephanie :
Silvia Saint-Martin
Marine Ganio
Charline Giezendanner
Eleonore GuérineauEmpereur Franz Joseph :
Yann Chailloux
Grégory DominiakImpératrice Elizabeth :
Laura Hecquet
Héloïse Bourdon
Roxane Stojanov
Fanny GorseMitzi Caspar :
Valentine Colasante
Roxane Stojanov
Bleuenn Battistoni
Eleonore GuérineauBratfisch :
Paul Marque
Francesco Mura
Marc Moreau
Axel MaglianoColonel Bay Middleton :
Pablo Legasa
Jérémy-Loup Quer
Thomas DocquirPrincesse Louise :
Naïs Duboscq
Charline Giezendanner
Aubane Philbert
Caroline RobertDurée 2h45 avec 2 entractes
Palais Garnier
du 22 octobre au 12 novembre 2022
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