Mobile Home, errances et trajectoires de l’adolescence

photo Solotiana

Grâce à l’humour de la langue de Sarah Carré et la mise en scène vive de Matthieu Roy, Mobile Home peint, dans une petite forme tendre et touchante, les forces contraires qui jalonnent l’adolescence.

Deux ados nous attendent, affalés dans un canapé sans forme et jouent avec un briquet. Installés dans un espace sans murs, un refuge abandonné, une cabane, un grenier, ou bien un mobile home, trois amis se sont donnés rendez-vous. Loin des oreilles adultes, ils savent qu’ils peuvent tout se dire. Ils y fument leurs premières cigarettes, en toussant, décapsulent quelques bières avec les dents et savourent l’ennui adolescent qu’ils savent bientôt défendu. 

Ici, ils peuvent s’inventer des quolibets, de nouvelles identités. Ils se charrient, s’appellent Côtelette, Dino, Poney.  Ils ont une quinzaine d’années et sont conscients qu’ils sont à un moment charnière de leur vie. D’ailleurs Côtelette a grossi, son pote Dino le lui fait remarquer. C’est normal, elle a un secret. Un secret qui va changer son destin : elle attend un enfant. Et elle veut le garder. C’est décidé, ni ses parents ni ses amis ne la feront changer d’avis. Il existe des embranchements comme ceux-ci qui sont décisifs, l’adolescence en est rempli.

Confrontées à cette déflagration provoquée par la jeune fille, les aspirations souterraines de Dino et de Poney vont finir par éclore. Et s’ils partaient, tous les trois, ailleurs ? Et si Dino assumait enfin de présenter ses textes de rap qu’il écrit en cachette dans sa chambre ? Et si Poney cessait de jouer le père de substitution dans une famille mono-parentale débordée ? S’ils se barraient “d’ici”, enfin ? Un “ici” qui n’est pas nommé, mais que l’on suppose situé dans une ruralité en déclin, endroit de repère autant qu’un repoussoir pour les trois amis qui cherchent, chacun à leur manière, à faire foyer ailleurs, ou bien autrement. De quitter le nid, en somme.

Le rythme est soutenu au coeur de ce noeud décisif de leur existence. Un sentiment d’urgence qui est souligné par l’unité de lieu, de temps et d’action où tout semble se jouer. Les trois amis s’invectivent, sautent sur le canapé, s’envoient des gentilles insultes à la figure. Déjà plus des enfants, pas encore totalement des adultes, ils miment leurs parents, étouffants, abusifs, défaillants, se moquent d’eux-mêmes autant qu’ils célèbrent les liens d’amitié qui les unit. Des balles de tennis traînent un peu partout et à l’image des répliques, s’entrechoquent comme autant de vérités.

Le texte, commande d’écriture de Culture Commune, scène nationale du Bassin Minier du Pas-de-Calais, est le fruit de rencontres entre Sarah Carré et les collégiens de quatre établissements du département. Une matière première qui résonne particulièrement aux oreilles des scolaires présents dans la salle, qui rient, réagissent et poursuivent avec enthousiasme la discussion en bord plateau à l’issue de la représentation. Chacun y va alors de ses interrogations : Côtelette est-elle véritablement enceinte ? N’est-ce pas seulement un stratagème pour s’émanciper de ses parents ? La scénographie, épurée, permet de s’adapter hors les murs et peut se déployer dans les établissements scolaires, afin de venir parler, au plus près, au public concerné.

Sans véritable parti pris audacieux, mais avec une réelle justesse dans l’incarnation de la jeunesse, qui n’est ici ni mimée ni contrefaite, mais plutôt sobrement suggérée, sans grand sentiment ni discours verbeux à l’endroit de cet âge charnière, la proposition a su avec humour, simplicité et une certaine tendresse prendre la main du jeune public à qui elle est destinée.

Fanny Imbert – www.sceneweb.fr

Mobile Home 
Texte Sarah Carré
Mise en scène et dispositif scénique Matthieu Roy
Collaboration artistique Johanna Silberstein
Costumes HOLOGRAM®
Lumière Manuel Desfeux
Distribution Anthony Jeanne, Clara Thibault et Théophile Sclavis
Production Veilleur®
Coproduction Culture Commune Scène nationale du Bassin Minier du Pas-de-Calais
Avec le soutien de La Scène Maria Casarès
Le spectacle est créé en résidence à Culture Commune.

Durée : 50 m

le 12 et 13 avril 20234
L’Escapade, Hénin-Beaumont

Du 15 au 19 avril 2024
Tournée hors les murs, Culture commune – Scène nationale du Bassin-minier, Loos-en-Gohelle