« Je me rendis compte que deux choses seulement pouvaient me sauver : l’amour d’une femme et la création artistique. Il me semblait avoir droit à l’amour comme tous les autres hommes sur terre et quant à la création artistique j’étais convaincu d’y être porté par la nature de mes goûts et par un talent que, dans mes moments d’optimisme, je croyais posséder. »
Dès les premières pages de L’amour conjugal, Silvio, le personnage principal, s’adresse au lecteur d’une voix douce et délicate. Il dresse le portrait de sa femme, Léda, d’une beauté singulière et se présente au lecteur comme un esthète. Son désir le plus grand serait d’écrire et d’être publié. Pour accomplir son dessein, il décide que sa femme devienne sa Muse à lui. L’écrivain se lance à corps perdu dans le récit de leur union : l’histoire de leur mariage. Finalement l’histoire écrite, celle que nous lirons dans le roman d’Alberto Moravia, sera le récit d’une trahison : celui de cette femme qui se donna, une nuit, à un barbier.
En adaptant ce roman pour la scène, j’ai tenu à préserver les différents niveaux de langue et la multiplicité des adresses de son auteur. Non pas en opérant un passage systématique au discours direct mais en conservant l’alternance entre un discours intérieur, un discours ouvertement adressé au lecteur et les scènes dialoguées.
En resserrant l’intrigue autour du couple, j’ai préféré susciter l’évocation du barbier à sa présence effective sur le plateau. La trahison se révèle d’autant plus violente qu’on se contente de la décrire par les yeux de cet homme trahit. Le rôle de la femme se révèle alors central, énigmatique et insaisissable : un pivot autour duquel gravite toutes projections.
Le dispositif scénographique plonge les spectateurs au cœur même de l’intrigue : ils sont invités à partager l’espace intime du couple : leur salle à manger. Dans un rapport bi-frontal, chacun des spectateurs écoute, à l’aide d’un casque audio, le texte de la pièce.
Cette proximité physique avec le corps et la voix des acteurs accentue le rapport d’intimité que le lecteur entretient avec son livre. Ce dispositif permet un travail de grande précision de spatialisation du son qui rend compte de la multiplicité des adresses du roman. Il permet de jouer des effets de « zoom » tout en opérant une dissociation sensible entre ce qui peut-être dit, penser, vécu ou encore intérioriser par le narrateur, en regard de ce qui se joue dans le quotidien du couple. Note d’intention de Matthieu Roy
L’amour conjugal
d’après le roman d’Alberto Moravia
Traduit de l’italien par Claude Poncet
Avec Johanna Silberstein et Philippe Canales
Metteur en scène Matthieu Roy
Scénographie Gaspard Pinta
Espaces sonores Mathilde Billaud
Lumière Manuel Desfeux
Costumes Noémie Edel Régie
son Laurent Savatier
Texte traduit par Claude Poncet
Visuel Jean Louis Fernandez
Production La Cie du Veilleur Coproduction REPRISE 2016 Le Théâtre de Thouars, Scène conventionnée, Le Théâtre du Fil de l’eau – Ville de Pantin.
Première création en décembre 2008 avec le soutien de la Comédie de Reims, du Théâtre de Thouars, Scène Conventionnée, de la DRAC Poitou-Charentes, de la Région Poitou-Charentes et la participation artistique du Jeune Théâtre National (JTN).PARIS Scène Thélème
Du 3 au 20 octobre 2018
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