Sceneweb
  • À la une
  • Actu
  • Critiques
    • Coup de coeur
    • A voir
    • Moyen
    • Décevant
  • Interviews
  • Portraits
  • Disciplines
    • Théâtre
    • Danse
    • Opéra
    • Cirque
    • Jeune public
    • Théâtre musical
    • Marionnettes
    • Arts de la rue
    • Humour
  • Festivals
    • Tous les festivals
    • Festival d’Avignon
    • Notre Best OFF
  • Cliquez pour ouvrir le champ de recherche Cliquez pour ouvrir le champ de recherche Rechercher
  • Menu Menu

« Le Roi Lear » sans grandeur de Mathieu Coblentz

Brest, Guingamp, Les critiques, Lorient, Moyen, Paris, Quimper, Théâtre, Vannes
Mathieu Coblentz monte Le Roi Lear d'après Shakespeare au Théâtre du Soleil
Mathieu Coblentz monte Le Roi Lear d'après Shakespeare au Théâtre du Soleil

Photo Fabrice Robin

Fondée sur une nouvelle traduction d’Emmanuel Suarez, qui élague et restructure la pièce d’origine, la version que le metteur en scène Mathieu Coblentz livre du chef-d’oeuvre de Shakespeare fait le pari de la limpidité au détriment de la profondeur.

Dans la petite salle du Théâtre du Soleil où, en cette fin du mois d’octobre, les spectatrices et spectateurs sont obligés de s’équiper de couvertures pour affronter le froid nocturne, Lear apparaît tel qu’en lui-même, ou plutôt selon l’image d’Épinal que l’on peut se faire de lui. Coiffé d’une perruque style Louis XIV et d’une mini couronne, drapé dans un ensemble d’étoffes disparates qui dissimulent son torse nu et un imposant collier en or massif, le monarque dispose encore de tous les attributs du pouvoir dont il ne va pas tarder à se dépouiller. Autour de lui, légèrement en surplomb, campent, à la manière d’oiseaux voraces guettant leur proie, ses filles aînées, Goneril et Régane, alors que la petite dernière, Cordélia, fait (déjà) bande à part. Lorsque leur père leur réclame une déclaration d’amour en échange d’un morceau de son royaume, les deux premières ne se font pas prier et usent, et abusent, de superlatifs pour contenter la vanité d’un patriarche qui, on le devine, a toujours joui de l’emprise qu’il exerce sur elles ; mais, quand vient le tour de Cordélia, un seul mot résonne : « Rien ». Ce silence, qui va bientôt se transformer en machine de guerre – pour reprendre les termes qu’Olivier Py avait affichés en lettres capitales sur le mur de la Cour d’Honneur du Palais des Papes lors de sa mise en scène du Roi Lear au Festival d’Avignon en 2015 –, n’a été pensé ni comme une gifle ni comme un crime de lèse-majesté, mais bien comme une marque de sincérité d’une fille envers un père qu’elle aime comme tel, « ni plus ni moins ». Fou de rage devant ce qu’il perçoit comme du désamour de la part de son enfant chérie, Lear réagit avec la démesure aveugle qui le caractérise : malgré les mises en garde de son fidèle Kent, il déshérite sa benjamine, la répudie et l’envoie, sans dot, dans les bras du roi de France qui, ému par sa franchise, accepte de l’épouser.

La suite de la terrible histoire shakespearienne est bien connue et, dans l’adaptation resserrée qu’il en livre, Mathieu Coblentz ne déroge à aucune de ses grandes lignes. Tandis que, en parallèle, au château du comte de Gloucester, le bâtard Edmond se joue de son père et du légitime Edgar pour gagner la part d’héritage auquel, en théorie, il n’a pas droit, Goneril et Régane récupèrent chacune la moitié du royaume de leur père, mais le vieil homme, qui a gardé son titre de roi, se montre rapidement des plus encombrants. Accompagné de cent chevaliers, de son fou et, sans le savoir, de Kent qui, déguisé, s’est fait embaucher comme son serviteur, il se brouille avec Goneril, chez qui il habite, et met le cap vers la demeure de Régane où il espère recevoir un accueil autrement plus chaleureux. Las, l’héritière ne veut pas de l’imposante et turbulente escorte de son patriarche sous son toit et se ligue avec sa soeur pour réclamer qu’il renonce purement et simplement à l’aréopage qui l’accompagne. Vexé, se sentant trahi par ces deux filles à qui il a tout offert, Lear décide de mettre les voiles et s’aventure dans la lande où l’orage et la tempête font rage. C’est là, dans une grotte où il trouve asile en compagnie de son fou et de Kent, qui a fait le nécessaire pour avertir Cordélia de la situation, qu’il croise la route du fameux « pauvre Tom », cet homme lunaire et désoeuvré que Lear, très progressivement gagné par la folie, qualifie de « philosophe ».

À cette traversée d’un entre-deux-mondes en capilotade, coincé entre un univers ancien qui précipite sa propre fin et une époque nouvelle qui peine à advenir, entre deux générations qui, sous leurs dehors aimables, se livrent une guerre à couteaux tirés, Mathieu Coblentz offre une belle limpidité. Épaulé par Emmanuel Suarez, qui a réalisé une nouvelle traduction du texte shakespearien, et, à cette occasion, a effectué de nombreuses coupes et réduit la cohorte de personnages à une dizaine – en redistribuant, notamment, quelques répliques du duc d’Albany et du duc de Cornouailles, les époux respectifs de Goneril et de Régane, à leurs femmes –, le metteur en scène a, semble-t-il, voulu rendre ce chef-d’oeuvre du théâtre classique accessible au plus grand nombre – y compris aux pré-adolescents, à partir de 13 ans –, quitte à sacrifier une partie de son ampleur et de sa profondeur. Sous sa houlette, Le Roi Lear se présente alors comme une pièce les deux pieds ancrés dans le sol et les yeux à peine tournés vers le ciel, alors que la part métaphysique du texte d’origine lui confère une large partie de sa beauté. Du strict point de vue de la langue, qui constitue l’un des réacteurs de l’oeuvre shakespearienne, son adaptation ne sait d’ailleurs jamais vraiment à quel saint se vouer. Ni franchement romantique, comme la traduction dépassée de François-Victor Hugo, ni radicalement poétique, comme la version d’Yves Bonnefoy, ni éhontément vulgaire, comme celle d’Olivier Py, elle tente d’être un peu tout cela à la fois sans réussir à saisir le meilleur de chacun de ces registres. Résultat, elle tombe dans un entre-deux, clair à l’écoute, souple à l’usage, mais sans éclat ni saveur particulière.

Sa patte artistique, Mathieu Coblentz tente de l’apposer à travers un parti-pris esthétique, à mi-chemin entre les univers baroque et glam rock, porté par la composition musicale de Jo Zeugma. Las, ce qui aurait pu permettre au plateau de se gorger d’énergie scénique accouche rapidement d’une souris, et s’avère même, à la longue, contre-productif. Trop rares pour ne pas servir uniquement d’enluminures, les quelques chansons disséminées çà et là manquent d’envergure, quand le côté pseudo-baroque de la mise en scène donne à l’ensemble un côté un brin vieillot et suranné qui, au lieu de rapprocher Lear de nous, le cantonne dans un lointain passé. La noirceur inhérente à l’oeuvre de Shakespeare, qui se répand, en théorie, à vitesse grand V à la manière d’un sombre magma dévorant tout sur son chemin, peine alors à se diffuser, et le pari de la théâtralité à tous crins – estrade, rideau et petit théâtre dans le théâtre faisant foi – enraye la montée en puissance tragique et oblige parfois les comédiennes et les comédiens à passer en force, voire, à de très rares moments, à frôler le grotesque – comme stade terminal du baroque. Exception faite de Lear, qui se fait de plus en plus convaincant et subtil à mesure qu’il s’enfonce dans la folie, les actrices et les acteurs surjouent alors plus qu’ils n’incarnent des personnages aux méandres intérieurs un peu trop sinueux pour eux, et passent parfois à côté de ce qui fait leur sel dramaturgique, à l’image de Goneril et Régane rendues insuffisamment cruelles et avides de pouvoir. Ainsi, même lorsque Shakespeare leur livre des petits bijoux littéraires d’anthologie, à l’instar de cette toute dernière réplique d’Albany ici attribuée à Edgar, tout souffre d’un manque de souffle, de force, de nécessité, de réflexivité et de naturel humain, trop humain, et tombe, malheureusement, assez largement à plat.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Le Roi Lear
d’après William Shakespeare
Mise en scène Mathieu Coblentz
Avec Florent Chapellière, Maud Gentien, Julien Large, Laure Pagès, Camille Voitellier, Florian Westerhoff, Jo Zeugma
Traduction Emmanuel Suarez
Scénographie et création lumières Vincent Lefèvre
Composition musicale Jo Zeugma
Création costumes Patrick Cavalié
Régie sonore Simon Denis
Régie polyvalente Julien Crépin

Production Compagnie Théâtre Amer
Coproduction Théâtre National Populaire de Villeurbanne ; EMC, Saint-Michel-sur-Orge ; Archipel-Pôle d’action culturelle de Fouesnant-les-Glénan ; Maison du Théâtre de Brest en coréalisation avec Le Quartz, Scène nationale de Brest ; Centre culturel-Fougères agglomération ; Théâtre de Morlaix-Scène de territoire pour le théâtre ; Théâtre du Champ au Roy, Guingamp ; L’Athéna, Centre culturel d’Auray ; Espace Michel-Simon, Noisy-le-Grand ; Quai Neuf, Lanester ; Le Théâtre de Saint-Malo

La compagnie Théâtre Amer est conventionnée par la DRAC Bretagne-Ministère de la Culture et bénéficie du soutien du Conseil Régional de Bretagne au titre du projet culturel et artistique.

Durée : 2h15

Théâtre du Soleil, Paris
du 22 octobre au 15 novembre 2025

Centre culturel Athéna, Auray
le 29 novembre

L’Archipel, Pôle d’action culturelle, Fouesnant-les Glénan
le 2 décembre

Théâtre du Pays de Morlaix
les 4 et 5 décembre

Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge
le 22 janvier 2026

Espace Michel-Simon, Noisy-le-Grand
le 29 janvier

Théâtre du Champ au Roy, Guingamp
les 2 et 3 février

Quai 9, Lanester
le 5 février

Centre culturel Fougères Agglomération
le 10 février

Théâtre de l’Arche, Tréguier
le 12 février

Théâtres de Saint-Malo
les 12 et 13 mars

Le Quartz, Scène nationale de Brest, en partenariat avec La Maison du Théâtre
du 5 au 7 mai

25 octobre 2025/par Vincent Bouquet
Partager cette publication
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur X
  • Partager sur WhatsApp
  • Partager sur LinkedIn
  • Partager par Mail
  • Lien vers Instagram
Vous aimerez peut-être aussi
Titanic par Les moutons noirs
L’amitié contre l’enfer
Le cabaret des indociles de Margot Thery
Paula Giusti met en scène Luz d’après le roman d’Elsa Osorio
Marie Ballet adapte Les ailes du désir d’après le film de Wim Wenders
Maxence Jonas Odile Grosset-Grange met en scène Jimmy et ses frères de Mike Kenny
Soleïma Arabi met en scène La grande valse brillante de Drago Jančar
Mathieu Coblentz adapte Peter Pan Un « Peter Pan » lyrique et rock’n’roll
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans le moteur de recherche, plus de 22 000 spectacles référencés

Search Search
© Sceneweb | Création site et Maintenance WordPress par Limbus Studio
  • L’actualité du spectacle vivant
  • Qui sommes-nous ?
  • Newsletter
  • Politique de confidentialité
  • Signaler un abus
  • Contact
  • Politique de cookies (UE)
Faire défiler vers le haut Faire défiler vers le haut Faire défiler vers le haut