Mathieu Bauer adapte la comédie de Nanni Moretti, mais ne parvient pas à insuffler suffisamment de vie au personnage en pleine crise existentielle incarné par Nicolas Bouchaud.
La cuisine nous donne des leçons de vie, et celles-ci sont parfois cruelles. Avec de la pancetta, du Parmigiano Reggiano et des œufs frais, on peut rater des pâtes à la carbonara ; avec du mascarpone Galbani, les meilleurs boudoirs du monde et du rhum de qualité, on peut quand même louper un tiramisu. Las, entre la cuisine et le spectacle vivant, le plan de travail et les planches de théâtre, les règles sont souvent les mêmes : avec un très grand comédien (Nicolas Bouchaud), une belle référence de cinéma (Palombella Rossa de Nanni Moretti) et un excellent duo de musiciens (Mathieu Bauer à la batterie et à la trompette ; Sylvain Cartigny aux guitares et à la basse), on peut quand même passer à côté d’une pièce.
Il était audacieux de la part de Mathieu Bauer d’adapter cette drôle de comédie italienne. Sortie sur les écrans en 1989, elle raconte la vie de Michele, un député communiste qui perd la mémoire à la suite d’un accident de voiture et la retrouve par bribes au fil d’un match de water-polo. Au long de cette trame singulière, Nanni Moretti aborde une multitude de sujets par autant de touches impressionnistes : un homme de cinquante ans en pleine crise existentielle, la pertinence du parti communiste au moment de l’effondrement de l’URSS, une société qui s’apprêtait à se vendre au système Berlusconi. C’était audacieux, car les techniques de cinéma permettent cet entrelacs entre le passé et le présent grâce au montage, l’individu et la foule grâce au gros plan, la tendresse et la nervosité grâce au jeu si particulier de Nanni Moretti dans le rôle-titre. Au théâtre, c’est plus compliqué ; au théâtre, il faut du monde, des effets et des idées de mise en scène. Autant d’éléments qui font ici défaut.
Dans une scénographie faite pour évoquer une piscine olympique et ses gradins, les comédiens semblent jouer seuls, le va-et-vient entre les moments de la vie du héros est un peu brouillon, les personnages secondaires sont à peine esquissés, et tout se déroule sur le même plan. C’est une étrange impression de vide qui domine, comme s’il manquait une troisième dimension. Nicolas Bouchaud, qui brille habituellement pour la tension qui l’habite, la précision de sa diction et sa façon de mettre la pensée en mouvement, est complètement à côté de ses pompes, et semble de ne savoir jouer ce personnage. C’est bien la première fois qu’on le voit ainsi démuni.
On sauve tout de même la musique, tant pour les compositions que pour leur interprétation. Comme tous les spectacles de Mathieu Bauer, celui-ci est ponctué par de nombreuses plages musicales travaillées, sophistiquées et habitées, quelque part entre le rock, le jazz et les titres de pop italienne. On admire en particulier l’alchimie entre les musiciens, et leur façon d’adapter le volume de leurs instruments pour ne pas parasiter les scènes. Un véritable concert aurait peut-être été plus approprié pour raconter la vie de ce Michele.
Igor Hansen-Løve – www.sceneweb.fr
Palombella Rossa
d’après le scénario de Nanni Moretti et des textes d’Anne-James Chaton
Adaptation et mise en scène Mathieu Bauer
Composition musicale et collaboration artistique Sylvain Cartigny
Avec Mathieu Bauer, Sylvain Cartigny, Nicolas Bouchaud, Matthias Girbig, Gulliver Hecq, Clémence Jeanguillaume, Jeanne Lepers
Scénographie et costumes Chantal de la Coste
Création sonore Alexis Pawla
Création vidéo et régie générale Florent Fouque
Création lumières et régie Stan-Bruno Valett
Images Matthias Girbig
Assistanat à la mise en scène Anne SoissonProduction déléguée Compagnie Tendres Bourreaux
Coproduction MC93 – Maison de la culture de Seine-Saint-Denis ; Le Manège – Scène nationale de Maubeuge ; L’Empreinte – Scène nationale de Brive-Tulle ; Grand Théâtre – Scène nationale d’Albi-Tarn ; TAP – Scène nationale du Grand Poitiers ; L’Archipel – Scène nationale de Perpignan ; Théâtre La Passerelle – Scène nationale de Gap
Avec le soutien du Jeune Théâtre National, du département de la Seine-Saint-Denis et de la Ville de Paris au titre du dispositif artistes et sportifs associés et de la Région Île-de-France au titre de l’Olympiade CulturelleDurée : 2h
Théâtre auditorium de Poitiers, Scène nationale du Grand Poitiers
les 10 et 11 octobre 2024Théâtre Molière, Scène nationale de Sète
le 14 janvier 2025Théâtre l’Archipel, Scène nationale de Perpignan
les 17 et 18 janvierMC 93, Bobigny
du 7 au 14 févrierLieu Unique, Nantes
les 26 et 27 févrierGrand Théâtre, Scène nationale d’Albi-Tarn
les 10 et 11 marsL’Empreinte, Scène nationale de Brive-Tulle
le 13 marsLe Montfort, Paris
du 3 au 14 juin
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