La chorégraphe Marina Gomes a présenté au Festival de Marseille, la 2e partie de son triptyque consacré à la jeunesse. Après Asmanti [Midi-Minuit], elle a créé Bach Nord [Sortez les guitares], un contre pied au film de Cédric Jimenez, Bac Nord. Passionnée de culture urbaine depuis l’enfance, c’est au sein du quartier du Mirail, à Toulouse, que Marina fait ses premières armes au sein du mouvement hip-hop. Sa compagnie Hylel est désormais installée à Marseille. C’est la découverte de ce début de festival.
Le Théâtre de la Sucrière était debout pour la première de Bach Nord. Vous attendiez-vous à un tel succès ?
Je suis émue. Je suis très heureuse. Car ce projet est fou, on l’a monté en quelques ateliers seulement avec les danseurs de ma compagnie et ces jeunes des quartiers Nord. Tout le monde me disait que c’était impossible en seulement deux semaines de résidence. Je suis trop contente parce que c’est vraiment une histoire d’amour, pourtant, je ne dis pas souvent ce mot là !
Comment avez-vous formé ce groupe ?
J’ai toujours fait plein d’ateliers, c’est l’une des bases de mon travail chorégraphique : la médiation. Avant que ma compagnie n’existe, je faisais travailler des danseurs dans des centres sociaux. Pour ce spectacle, je me suis rendue en milieu scolaire, dans des classes où des professeurs m’ont ouvert les portes. J’ai demandé aux enfants: « Qu’avez-vous envie de dire en tant que jeunes des quartiers Nord ? » Beaucoup de jeunes sont venus, certains sont repartis, d’autres sont restés. On arrive à ce groupe homogène de 25.
Et tout de suite dans les discussions, il y a eu cette envie de parler de la violence dans les quartiers Nord ?
Oui et sans nier le drame, parce qu’il est là. Il nous impacte tous les jours et particulièrement en ce moment à Marseille. Cela aurait été malhonnête de présenter un tableau idyllique des quartiers Nord. En ce moment, on souffre beaucoup, c’est dur, mais malgré ça, il y a de la force et de la créativité. Dont le mouvement Hip-Hop est le meilleur témoin. C’est une culture qui se renouvelle sans cesse.
Comment est née l’idée de répondre au film Bac Nord ?
C’était presque une blague. Il y a beaucoup de choses, dans mes créations, qui partent de blagues. J’aime bien rigoler. Si je fais ce métier, c’est pour m’amuser. Donc oui, c’est parti d’une blague, comment répondre au film ? Avec Jean-Sébastien Bach, Bach noir ! J’ai demandé à Arsène Magnard de créer une bande de sons à partir de Bach. On a rajouté nos petites épices à nous. Et voilà, Bach Nord, une réponse à ce film qui nous a blessé sincèrement, mais comme plein d’autres. Il nous a heurté, parce que l’image qu’il a montré de la jeunesse des quartiers Nord est déshumanisante. Elle justifie une police qui ne respecte pas la loi. Je ne jette pas la pierre au réalisateur car son œuvre est artistique. C’est la récupération politique qui a été dure pour nous. Comme si cette oeuvre de fiction était un documentaire. Avec une idée simpliste : « Regardez, les policiers, en fait, n’ont pas d’autre choix que de ne pas respecter la loi ».
Etes-vous étonnée de faire l’ouverture du Festival de Marseille ?
Oui et c’est une chance incroyable de les avoir comme coproducteur. Ca va au delà de la danse. Cela permet de dire à la jeunesse des quartiers Nord, que gràce à la culture, elle fait partie de la même ville. Souvent, le théâtre manque à mon goût de diversité, malgré les efforts et les initiatives des programmateurs. Pour amener un public diversifié, il faut aussi présenter des œuvres qui lui ressemblent. Et là, le Festival de Marseille a pris ce risque. Le projet a été signé alors que la pièce n’était pas écrite. C’est vraiment une preuve de confiance qui me touche sincèrement.
Et le résultat se voit dans ce Théâtre de la Sucrière avec ce public mélangé !
C’est la fonction du spectacle vivant, d’instaurer des espaces de dialogue. Je veux faire de la danse qui crée un pont entre les quartiers et les autres milieux sociaux. Et c’est pour ça que Bach Nord est symbolique. On se montre tel que l’on est. Je n’aime pas trop le mot « intégration » qui renvoie à l’idée que l’on peut pas se comprendre. Mais la culture doit permette à chacun de se respecter, de se connaître, pour que nous puissions contruire ensemble la même société, avec des gens qui viennent d’horizons différents. Parce que si on est aujourd’hui dans cette situation dramatique à Marseille, cela signe un échec qui est global. Ce n’est pas seulement l’échec des quartiers, ni celui des parents. C’est un échec global. On a des minots qui s’entretuent pour de l’argent. On doit toutes et tous se questionner sur notre responsabilité.
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !