Le chorégraphe Olivier Dubois dévoile un solo imaginé pour la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot, d’après Le Sacre du printemps de Stravinsky, où il interroge, en surface, les rouages du star-système.
Son visage se dessine dans l’obscurité, comme flottant dans l’air ; l’expression déterminée, les traits presque durs. Marie-Agnès Gillot se prête au jeu d’Olivier Dubois, qui révèle le troisième volet de sa collection inspirée du Sacre du printemps de Stravinsky et Nijinski pour les Ballets russes (1913), précédé d’un duo avec Édouard Hue, Prêt à baiser (2012), et d’un solo pour la chorégraphe Germaine Acogny, Mon Élue Noire (2014). La danseuse étoile, qui a pris sa retraite de l’Opéra de Paris en 2018, devient la muse du chorégraphe à la patte sombre, provocante et mystique, qui s’est fait connaître avec le galvanisant Tragédie (2012).
Considérée comme l’une des œuvres ayant fait entrer la danse dans la modernité, Le Sacre du printemps met en scène un rituel païen et le sacrifice d’un élu, en rompant avec les codes de la chorégraphie du début du XXe siècle. C’est l’une des pièces les plus reprises de notre époque, devenue presque un passage obligé pour les chorégraphes : Maurice Béjart, Pina Bausch, Martha Graham, Angelin Preljocaj ou encore Jean-Claude Gallotta en ont livré leur version. Olivier Dubois s’inscrit dans cet héritage en faisant de Marie-Agnès Gillot son élue.
Assise sur un banc en bois, vêtue d’une armure rappelant une tenue de samouraï ou de l’armée chinoise – l’image est un poil exotisante –, Marie-Agnès Gillot, l’air fier, campée sur ses appuis, se prépare au sacrifice. Alors que la lumière, caressante, intimiste, révèle l’espace du plateau, une structure en bambou se dévoile. Serait-ce une prison ? Sur les envolées de la composition de Stravinsky, la danseuse se débat, fait des allers-retours autour de sa cage, s’enroule autour d’une corde, enlace le banc, déploie des grands développés, pirouettes et grands jetés avec la force gracieuse qui la caractérise. Des souvenirs de la danse de Nijinski cohabitent avec les gestes de la danse classique. Cette élue proche du sacrifice est baladée entre différentes forces, comme si les fantômes du Sacre l’entouraient, l’assaillaient, la malmenaient, sans que nous puissions les voir, dans un chaos brouillon.
Si For Gods Only est une version du Sacre pour Marie-Agnès Gillot, elle a surtout comme sujet central la danseuse étoile et ce qu’elle représente. Elle orchestre le processus de mort qui engendrerait la naissance d’un monstre sacré, tissant des liens entre sacrifice antique et star-système actuel. Pour présenter son spectacle, Olivier Dubois écrit : « Devenir une légende, c’est être volé de son lendemain, de son adieu, de sa disparition. C’est être dépossédé de sa destinée. C’est devenir le musée de soi-même. » Plus qu’un hommage, le chorégraphe mettrait en scène l’entrée de Gillot dans le panthéon de la danse – et par la même occasion de lui-même ? Ce sacrifice public apparaît néanmoins plus hagiographique et égocentrique que révélateur des rouages d’un processus de mise à mort des artistes pour les faire entrer dans le mythe. Peut-être était-on en droit d’en attendre plus de cette collaboration divine ?
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
For Gods Only – Sacre #3
Création et conception Olivier Dubois
Avec Marie-Agnès Gillot
Assistanat à la création Cyril Accorsi
Musique François Caffenne et Le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky
Création et régie lumière Emmanuel Gary
Régie son François Caffenne
Scénographie et costumes Morgane Tschiember
Direction technique et régie plateau François MichaudelDiffusion Les Visiteurs du Soir
Production COD – Compagnie Olivier Dubois
Coproduction Bolzano Danza | Tanz Bozen ; L’Onde – Scène conventionnée d’intérêt national Art et Création pour la Danse ; Théâtre Gymnase-Bernardines (Marseille)
Soutiens Centre chorégraphique national de Caen (Normandie) ; La Briqueterie – CDCN du Val-de-Marne.
Résidence en simple prêt à La Briqueterie CDCN du Val-de-Marne
Résidence au Centre Chorégraphique National de Caen en Normandie
En partenariat avec MycoWorks (costumes) et ColAAb (scénographie)Olivier Dubois est actuellement artiste associé au CENTQUATRE-PARIS et à L’Onde – Scène conventionnée d’intérêt national Art et Création pour la Danse avec sa compagnie COD. COD – Compagnie Olivier Dubois reçoit le soutien de la DRAC Île-de-France et de la Région Île-de-France.
Durée : 50 minutes
Théâtre du Rond-Point, Paris
du 28 novembre au 7 décembre 2024
Grand Théâtre d’Angers
le 20 décembreanthéa, Antipolis Théâtre d’Antibes
le 29 janvier 2025
Théâtre des Bernardines, Marseille
du 6 au 8 mars, puis du 13 au 15 mars
Théâtre de la Chaudronnerie, La Ciotat
le 1er avril
Espace Michel Simon, Noisy-le-Grand
le 4 avril
Théâtre Municipal, Roanne
le 12 avril
Le Carreau, Scène nationale, Forbach
le 16 mai
L’Onde – Scène conventionnée d’intérêt national Art et Création pour la Danse, Vélizy-Villacoublay
les 5 et 6 juin
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