À la MAC Créteil, Élise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo présentent leur dernier spectacle, tiré de la pièce de Roland Schimmelpfenning. Une variation gentiment délirante autour du métier de comédien qui vaut moins pour son propos que pour la performance de la belle brochette d’acteurs qu’elle convoque.
« Le Royaume des animaux » est un spectacle épuisé, en fin de course. Après six années de représentations ininterrompues, cette comédie musicale animalière, dont le succès fut, devine-t-on, sans conteste, doit s’arrêter. Les producteurs ont décidé de la remplacer par « Le Jardin des choses », qui s’annonce, avec sa bouteille de ketchup, son œuf au plat, sa poivrière et son pain toasté, bien moins animé que l’ambiance de la savane. Une décision qui provoque l’ire et l’inquiétude des comédiens quant à leur devenir. Dans les loges, chacun se préoccupe de son sort car l’incertitude règne sur la distribution du prochain projet. D’autant, qu’en six ans, les acteurs ont eu le temps de fusionner avec leurs rôles. Alors que dans la pièce, le lion, féroce et rusé, et le zèbre, juste et mesuré, s’affrontent pour devenir le roi des animaux, Pierre (Maillet) et Marcial (Di Fonzo Bo) ont importé cette rivalité dans la coulisse, et se mènent une guerre larvée au vu et au su de tous.
Tiré de la pièce de Roland Schimmelpfenning, le spectacle d’Elise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo navigue constamment entre la réalité et le jeu, la coulisse et le plateau, le vrai et le faux. Une sorte d’envers du décor du métier de comédien, une plongée dans les coulisses où, malgré les apparences scéniques, les acteurs doivent jongler avec leurs inimitiés, leurs doutes et un esprit de troupe déliquescent. La partition du dramaturge allemand, largement méconnu en France, est particulièrement complexe à manier. Son propos, sous-entendu, et son écriture, particulièrement épurée, laissent une large place aux metteurs en scène. A charge, pour eux, de s’en emparer et d’en démontrer toute la pertinence.
Un défi qu’Elise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo peinent à relever. Comme s’il n’en avait pas trouvé la clé, le tandem ne parvient jamais à faire décoller ce substrat textuel proche de la parabole. Alors qu’ils auraient pu chercher à en pousser les feux, à le faire basculer dans un délire total, l’ensemble reste gentiment foutraque et semble, rapidement, naviguer à vue, voire tourner à vide. Cette « pièce incisive où le théâtre est le miroir des vanités humaines », selon le descriptif de L’Arche, son éditeur français, donne alors l’impression de se complaire dans un propos autarcique, où les comédiens se contentent de parler aux comédiens.
Heureusement, la performance de la belle brochette d’acteurs convoqués pour l’occasion tente de donner corps et âme à ce spectacle sans boussole. En solistes, plutôt qu’en véritable troupe, chacun réussit à tirer son épingle du jeu, notamment Marlène Saldana et Pierre Maillet, habitués aux pièces en dehors des sentiers battus. Quoiqu’un peu sous-exploités, l’un comme l’autre transforment leurs répliques en prétextes à sourire. Grâce à leur présence et à leur goût pour la dérision, renforcée par les beaux costumes de Cécile Krestchmar, ils font de l’antilope et du lion le couple royal du plateau. Dommage que ce talent et cette énergie ne soient pas mis au service d’un propos plus substantiel et d’une intention plus claire.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Le Royaume des animaux
de Roland Schimmelpfenning
Traduction Hélène Mauler et René Zahnd
Mise en scène Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier
Avec Gautier Boxebeld, Marcial Di Fonzo Bo, Pierre Maillet, Marlène Saldana, Thomas Scimeca, Élise Vigier, et les musiciens Enguerran et Lancelot / BAFANG
Décor Catherine Rankl
Masques et costumes Cécile Krestchmar
Musique BAFANG
Lumières Bruno Marsol
Dramaturgie Guillermo Pisani
Assistante à la mise en scène Lou Valentini
Assistante costumes Charlotte Le Gall
Stagiaire costumes Enrique Medrano Feliu
Décor et accessoires construits par les ateliers de la Comédie de Caen sous la direction de Benoit Gondouin et Patrick Demière
Production Comédie de Caen-CDN de Normandie
Coproduction MAC Créteil, Le Volcan-Scène Nationale du Havre, Théâtre des Célestins – Lyon, Les Théâtres-Gymnases-Bernardines – Marseille, en co-réalisation avec le Théâtre de La Croix-Rousse – Lyon
Durée : 1h40
MAC Créteil
du 13 au 15 janvier 2020Comédie de Caen
du 28 au 31 janvier, puis les 5 et 6 décembre
Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon
du 12 au 16 mai
Le Trident, Scène nationale de Cherbourg
les 8 et 9 octobreThéâtre du Gymnase de Marseille
du 19 au 21 novembreLe Volcan, Scène nationale du Havre
les 1er et 2 décembre
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !