Donné au Théâtre des Quartiers d’Ivry dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin , Stück Plastik de Marius Von Mayenburg est une mauvaise satire bête et méchante que sauvent Maïa Sandoz et ses remarquables acteurs pleins de peps et de folie.
La première originalité de la représentation est de disposer le public de telle sorte à ce qu’il encadre un espace scénique quadrifrontal où, sans échappatoire, des personnages évoluent surexposés, au centre, en pleine lumière. Le procédé est à la fois jubilatoire et bien cruel car il fait observer ce qui se joue, écouter ce qui se dit, avec une attention redoublée, exigée, qui ne requiert pas l’indulgence lorsqu’elle se voit éclaboussée par un propos bourré de médiocrité. On est comme de plain pied dans le salon branché et joliment éclairé des variations chromatiques de quatre néons qui le surplombent. Lorsque Maïa Sandoz s’amuse à saccager son bel espace d’un noir purin qui se répand, s’étale, sur le linoléum et le mobilier blancs, puis laisse ses acteurs en tenues chics et pimpantes patauger dans cette merde ; là, c’est un pur régal.
Pourquoi est-ce un si grand plaisir d’assister à une telle dégradation ? Parce que la pièce ne mérite pas meilleur traitement. Sur un ton poliment boulevardier qui fait mieux passer la pilule, Mayenburg se repaît de la plus basse, de la plus sale facette de l’humanité. Pour tenter de sauver leur couple pris dans les affres d’un quotidien débordé, Judith et Michael décident d’engager une nouvelle femme de ménage. C’est Maïa Sandoz qui joue elle-même Jessica et qu’on espère vite revoir dans un rôle plus gratifiant. Cette figure extérieure à leur classe bobo et arty va cristalliser leurs noires humeurs et aspirations et révéler leur monstruosité. Ils se défendront pourtant de toute inconvenance : ils ne prétendent pas vouloir faire étalage de leur richesse, redoublent d’idées bien-pensantes sur l’étranger, le défavorisé, l’Autre. Travailler dans l’art contemporain, s’engager dans l’action de Médecins sans frontière, lire Eribon le soir sur le sofa ne peut paraître suspicieux. Et pourtant, leur humanisme de façade s’effrite dans des dialogues indigestes où sont balancées les pires vacheries, les pires acrimonies.
Il faut toute la folie contrôlée d’Aurélie Verillon et de Paul Moulin, elle en acariâtre et intolérante maîtresse de maison, lui en mari fuyant et sexuellement éteint, pour susciter un poil d’empathie pour ce couple infernal et leur environnement tout aussi détestable constitué d’un patron de galerie mégalomane et inhumain (Serge Biavan) et d’un mioche pré-pubère aux élans voyeuristes et à l’identité troublée (Maxime Coggi).
Dans une implosion sans relâche, la troupe est au diapason d’une mise en scène réglée au cordeau pour restituer le caractère impulsif de la pièce. Les ingrédients sont réunis pour déclencher un rire vain car seulement facile et moqueur. L’auteur allemand, artiste associé de la vénérée Schaubühne de Berlin, veut brocarder la suffisance et l’inconsistance de la morale bien-pensante d’une classe aisée et libérale issue de la société néo-capitaliste mais ne se hisse pas au dessus de son sujet. Très caricaturale, sa pièce en plastique souffre d’une univocité appuyée.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Stück Plastik de Marius von Mayenburg
Mise en scène : Maïa SANDOZ
Traduction : Mathilde SOBOTTKECollaboration à la mise en scène :
Élisa BOURREAU, Gilles NICOLASAvec Serge BIAVAN, Maxime COGGIO,
Paul MOULIN , Maïa SANDOZ et Aurélie VERILLON.Création Son : Christophe DANVIN
Création Lumière : Julie BARDIN
Scénographie et costumes : Catherine COSME
Collaboration artistique : Paul MOULIN, Guillaume MOITESSIERRégie Générale: Thibault MOUTIN
Administration et production : Agnès CARRÉ
Diffusion : Olivier TALPAERT – En votre Cie© L’Arche Éditeur
L’Arche est éditeur et agent théâtral des pièces représentéesProduction — Théâtre de L’Argument avec l’aide à la production d’ARTCENA, avec l’aide à la création de la DRAC Île-de-France
Coproduction — Le Théâtre de Rungis,MC2 Grenoble, Le Théâtre des Quartiers d’Ivry Centre Dramatique National du Val-de-Marne, les théâtrâles Charles Dullin Edition 2018 , du Jeune Théâtre National.
Durée du spectacle: 1h40
Théâtre des Quartiers d’Ivry
05 > 16 NOV 2018 / La Fabrique
Dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin, édition 2018
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