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Voyage au bout de la nuit 2.0

À la une, Les critiques, Moyen, Paris, Théâtre

© Emilie Zeizig

Comment montrer au théâtre ces réseaux sociaux qui dévorent nos vies ? A l’heure où Marion Siéfert présente Daddy à l’Odéon, Maëlle Dequiedt met en scène au Théâtre Paris-Villette Trigger warning (lingua ignota) d’un tout jeune auteur, Marcos Caramès-Blanco. Une pièce en langue des réseaux qui traverse les thématiques contemporaines du genre et des violences sexuelles en ligne et hors-ligne. Une expérience.

Il y a 10 ans, Maëlle Dequiedt, la metteuse en scène de Trigger Warning (lingua ignota), rejoignait l’école du Théâtre National de Strasbourg (TNS). Il y a 5 ans seulement, Marcos Caramès-Blanco intégrait lui le département écriture de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT). C’est dire combien ce spectacle est l’œuvre d’une jeune génération qu’on est heureux de voir porter son temps au plateau.

Plus d’une heure de dérive nocturne sur les réseaux sociaux vus à travers le personnage de Zed – @tothezed pour pseudo – structure ce spectacle qui pousse loin le curseur en termes de langage numérique. « Sweep up », « Sweep gauche » (balayages de l’écran) et autres « déconnexion – écran noir » rythment incessamment ce récit où les mots servent à dire ce qui se passe sur l’écran du smartphone de Zed, et au passage comment jusqu’au langage nous numérisons nos vies, non sans humour lorsqu’il s’agit de relater l’adresse in extenso d’un lien youtube avec ses slashes et autre anarchique et interminable succession de lettres, de signes et de chiffres.

A l’aide du dossier de presse, on comprend mieux l’action. Prise d’insomnie, il est 3h58, Zed lance un ask, autrement dit une live session ouverte aux questions de ses abonné.e.s. Si l’on a connu le Minitel et les cabines téléphoniques à pièces, on arrive à suivre quand même, mais pas aussi clairement que sur le papier. Il faut dire que ça sweep, ça scroll, ça zappe à toute vitesse, au même rythme que la succession des plan dans un Fast and Furious. Des récurrents traversent ainsi l’histoire : Bae, qui fait des livestream de maquillage dragqueen, Lila, amie d’enfance dont la story balance, et @manconfused, pénis à la main qui est comme ce qu’il cherche – pas très net et on ne sait pas exactement quoi. Sur scène, Lucas Faulong, cheveux perox avec mèches et tour des yeux rosis, short moulant qui affirme progressivement ses formes, interprète Zed en perdition dans sa chambre. Orane Lemâle incarne les autres personnages qui entrent en interaction numérique avec @tothezed, via Insta, Whatsapp et autre Twitter. Au centre du plateau, le lit kingsize sur lequel s’échoue Zed et l’écran vidéo en fond de scène qui délivre quelques indication narratives mais surtout de beaux passages cinématographiés doublant en décalage les gestes de cellui-là.

Tout n’est pas convaincant dans ce spectacle. La « lingua ignota », langue inconnue en latin, langue numérique trépidante et codifiée, à force de répétitions, se clarifie progressivement mais n’en dit pas beaucoup plus alors que l’expérience artistique qu’elle produit et les codes générationnels qu’elle véhicule. Le zapping, l’enfermement, la désorientation aussi, quand même, et, par contraste, le plaisir des quelques parenthèses enchantées quand le rythme s’apaise et que le réel revient par la fenêtre – discussions orales prolongées ou descriptions concrètes des images où revient l’humanité. « Lingua ignota », c’est aussi le nom d’une musicienne américaine prise dans le tourbillon des violences à caractère sexuel qui irriguent le spectacle, via une vidéo youtube sur les victimes de viol, les désirs menaçants d’hommes en quête ou les commentaires brutaux de haters en tous genres.

Plus que celui d’une génération, c’est un microcosme que semble faire exister sur scène ce Trigger Warning. Celui d’une communauté du Web un peu interlope, sauvage, électrisée par ses gimmicks – anglicismes à foison et images de soi survitaminées – la nuit et les interactions numériques. A l’heure où Marion Siéfert mêle pédophilie et jeux en réseaux, le Web apparaît donc comme un domaine de perdition pour les êtres en quête de soi, d’identité et de regards des autres que nous sommes toutes et tous. Rien de nouvellement éclairant en soi, mais l’affirmation sur scène des univers d’aujourd’hui qui cherchent et trouvent des traductions théâtrales. Une aventure passionnante à laquelle Trigger Warning apporte une audacieuse contribution, dans sa capacité à renouveler une esthétique qui n’en reste pas moins parfois conventionnelle, dans les thématiques contemporaines qu’elle traverse et un usage parfois convenu de la théâtralité – on pense notamment aux intermèdes musicaux. Ses deux interprètes portent sur scène, en revanche, de manière très convaincante, le trouble de la fluidité des genres et le tourbillon d’une génération qui compose entre la libération sexuelle et des esprits, et celle, incontrôlée, de la violence numérique.

Eric Demey – www.sceneweb.fr

Trigger Warning (lingua ignota)
texte Marcos Caramés-Blanco

mise en scène Maëlle Dequiedt

jeu Lucas Faulong et Orane Lemâle

costumes Noé Quilichini

création lumières et régie générale Laurine Chalon

régie lumières Amandine Robert

son Joris Castelli

création vidéo Grégory Bohnenblust

régie vidéo Matéo Esnault

scénographie Coline Gaufllet et Rachel Testard

© Emilie Zeizig

production : ENSATT-Lyon

production déléguée : Cie La Phenomena

Durée : 1h 30

Théâtre Paris Villette
du 24 mai au 3 juin 2023

25 mai 2023/par Eric Demey
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