Après le personnage de Nora dans « La maison de poupée » d’Ibsen, Stéphane Braunchweig s’attaque à un autre personnage féminin, Lulu de Frank Wedekind, et continue de faire confiance à Chloé Réjon. On peut mesurer entre les deux spectacles le chemin parcouru par la comédienne. Dans Lulu elle prend une dimension importante, son jeu évolue avec l’action de la pièce, son physique se transforme. La pièce de Wedekind se déroule sur plusieurs années. Lulu, jeune fille prostituée, vogue de mariages en enterrements. Elle voit ses maris mourir les uns après les autres. Frank Wedekind a écrit sa pièce entre Paris et Londres, c’est dans ces deux villes qu’il situera l’action de la fin de son récit. Lulu est rarement joué au théâtre. Il y a eu la version de Peter Zadek en 1988. De l’œuvre de Wedekind on connaît surtout l’opéra de Berg et le film de Pabst. Dans sa version définitive, Lulu comprend deux pièces L’Esprit de la Terre et La Boîte de Pandore. Stéphane Braunchweig est allé puiser dans l’une et l’autre.
Pendant la première heure du spectacle la mise en scène de Stéphane Braunchweig oscille entre Feydeau et Guitry. Le premier mari de Lulu (Philippe Faure) décède d’une crise cardiaque, le deuxième (Christophe Maltot – pas assez peintre maudit comme on pourrait l’imaginer) se suicide parce qu’il découvre une Lulu volage. Malgré le dispositif astucieux (une tournette qui permet d’aller et venir d’une pièce à l’autre), le spectacle reste assez classique et ne parvient pas à décoller. Et puis tout s’accélère avec l’entrée en scène de la comtesse Marta von Geschwitz incarnée par l’excellent Claude Duparfait. Il est génial et fait basculer l’action dans un autre monde. Marta est amoureuse de Lulu.
On passe alors d’un spectacle « bourgeois » à un spectacle plus trash qui plonge dans la transgression. Comme une ombre, Marta va accompagner la pièce jusqu’au déclin de Lulu qui entraine son entourage dans l’échangisme, la luxure, le sexe et la mort. Stéphane Braunschweig se décide enfin à ne plus être sage (enfin presque, car il aurait pu pousser encore un peu plus la descente aux enfers du personnage). Lulu prend son envol, sa liberté, ce qui va la conduire à sa perte. Tout s’accélère entre Paris (décor froid d’une boîte de nuit hype) et les bas-fonds de Londres (une vieille mansarde miteuse) dernière demeure de Lulu qui rencontre sur son chemin un Jack sanguinaire (Philippe Girard parfait). Dans un coin du décor, Marta observe meurtrie la déchéance de son amour…Et tandis que le portrait de Lulu qui aura été suspendu pendant tout le spectacle disparait dans un effet magique dont seul le théâtre la secret, Lulu gît par terre, le sexe en sang.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Lulu – une tragédie-monstre
de Frank Wedekind
mise en scène et scénographie
Stéphane Braunschweig
collaboration artistique Anne-Françoise Benhamou
costumes Thibault Vancraenenbroeck
lumières Marion Hewlett
son Xavier Jacquot
peintures et vidéo Raphaël Thierry
collaboration à la scénographie Alexandre de Dardel
assistante à la mise en scène Caroline Guiela
assistante aux costumes Isabelle Flosi
maquillages et coiffures Karine Guilhem
avec
Jean-Baptiste Anoumon Rodrigo Quast, acrobate,
Koungou Poti, prince héritier de Ouaoubée
John Arnold Schigolch
Elsa Bouchain Madeleine de Marelle
Thomas Condemine Alwa Schön
Claude Duparfait La Comtesse Marta von Geschwitz
Philippe Faure Le docteur Goll, Le banquier Puntschuh
Philippe Girard Ludwig Schön, rédacteur en chef, Jack
Christophe Maltot Edouard Schwarz, portraitiste,
Le chevalier Casti-Piani
Thierry Paret Le journaliste Heilmann, L‘agent en civil, Mister Hopkins
Le Prince Escerny, explorateur en Afrique
Claire Rappin Henriette, femme de chambre,
Kadéga, fille de Madeleine de Marelle
Chloé Réjon Lulu
Grégoire Tachnakian Ferdinand, chauffeur chez Schön,
Le docteur Bernstein, Le professeur Hilti, Bob, groom chez Lulu
Anne-Laure Tondu Bianetta Gazil, Le modèle du peintre
production La Colline – théâtre national
Durée: 4 h avec entracte
du 4 novembre au 23 décembre 2010
La Colline – théâtre national
15 rue Malte-Brun Paris 20e
le mardi, le mercredi, le vendredi et le samedi à 19h30, le dimanche à 15h30
(relâche le lundi et le jeudi sauf les jeudis 4 novembre et 23 décembre)
MC2 Grenoble – du 7 au 13 janvier 2011
Le Grand T Nantes – du 19 au 22 janvier 2011
Théâtre national de Toulouse – du 27 au 30 janvier 2011
J’ai vu cette pièce hier. Un désastre de 3h30. De la cuisine bourgeoise sans saveur.