Le Retour signe la prise de fonction de Luc Bondy à la tête de l’Odéon – Théâtre de l’Europe. Pour cette pièce de Harold Pinter, le metteur en scène suisse, a rassemblé un casting digne d’un long métrage, et a commandé une nouvelle traduction à l’écrivain Philippe Dijan. Un Retour réussi.
On doit à Claude Régy la première mise en scène du Retour sur une scène française en 1966 avec Pierre Brasseur, Claude Rich et Emmanuelle Riva. On imagine le choc à l’époque devant tant d’amoralité. Pinter dépeint une famille de mecs misogynes dirigé par le patriarche Max (Bruno Ganz) et composée de son frère Sam (Pascal Greggory) et de ses deux fils, Joey boxeur minable (Louis Garrel) et Lenny, maquereau tout aussi pitoyable (Michal Lescot). Le frère ainé Sam (Jérôme Kircher) revient en Angleterre après un exil aux Etats-Unis avec sa femme Ruth (Emmanuelle Seigner).
La maison de Max sent la crasse et la moiteur. Max, l’ancien boucher fait régler l’ordre, à sa manière, sur fond de menaces et de coups de poing. Aujourd’hui le texte de Pinter ne met plus mal à l’aise. Alors Luc Bondy et Philippe Djian ont choisi de faire résonner la langue du Prix Nobel de Littérature. On entend les silences de l’écriture.
Luc Bondy a sculpté avec minutie chacun des personnages, on sent le formidable travail d’approche psychologique sur lequel ont du plancher chaque comédien. Il y a d’abord Bruno Ganz dont c’est le premier rôle en français au théâtre. Quelle présence ! Avec clame et pugnacité, Max empoigne chaque membre de sa famille pour les façonner à sa manière et les tenir dans cet abîme de la perversité. Louis Garrel, cheveux coupés, faux nez de boxeur est tout simplement méconnaissable. Pascal Greggory (quelle dégaine !) est irrésistible dans la composition du frère Sam, chauffeur de taxi, seul homme un peu sensible de la bande. Micha Lescot est envoutant, inquiétant et confirme son statut de très grand comédien. Jérôme Kircher, lui aussi méconnaissable campe un homme soumis et vulnérable. Et puis il y a Emmanuelle Seigner. Discrète au théâtre (on ne l’a pas vu depuis 2003 et Hedda Gabler), elle est littéralement emportée par cette troupe de comédiens de talent. Lorsqu’elle apparait dans la première scène, derrière la vitre crasseuse de la maison, on est saisi par sa beauté. Tout en confiance, guidée par Luc Bondy, elle va faire des ravages chez ces hommes et devenir leur chose, avec fragilité, comme aspirée par cette secte. Au contact de ces hommes sans scrupules, Ruth va se transformer et devenir un objet sexuel. Le retour est une pièce démoniaque. La tension est ici magnifiquement bien restituée par la mise en scène de Luc Bondy.
LE RETOUR de Harold Pinter
mise en scène Luc Bondy
création
traduction
Philippe Djian
décor
Johannes Schütz
costumes
Eva Dessecker
lumière
Dominique Bruguière
maquillage / coiffure
Cécile Kretschmar
avec
Bruno Ganz Max
Louis Garrel Joey
Pascal Greggory Sam
Jérôme Kircher Teddy
Micha Lescot Lenny
Emmanuelle Seigner Ruth
production
Odéon-Théâtre de l’Europe, Wiener Festwochen-Vienne, les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Schauspielhaus – Zürich, MC2 Grenoble, Théâtre National de Bretagne-Rennes, Piccolo Teatro di Milano
Durée: 2h20 avec un entracte de 15 minutes
18 octobre – 23 décembre 2012
du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h
relâche le lundi
14 et 15 janvier 2013, Grand Théâtre de la Ville du Luxembourg
23 au 25 janvier, Schauspielhaus Zürich
31 janvier au 2 février, Théâtre National de Toulouse
6 au 10 mars, Théâtre National de Nice
18 au 27 mars, Théâtre National de Bretagne, Rennes
4 au 6 avril, Maison de la culture de Grenoble
8 au 12 mai , Piccolo Teatro di Milano / Teatro d’Europa
18 au 24 mai, Wiener Festwochen, Vienne
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