Zaïde, une barbare éprise de liberté

Zaïde © Laurent Guizard

A Rennes, avant Nantes, Quimper et Besançon, l’opéra de jeunesse de Mozart, revisité de façon assez inaboutie par Louise Vignaud, embarque aux confins d’un imaginaire d’heroic fantasy pas si éloigné de l’esprit des Lumières cher au compositeur.

Après avoir dépoussiéré La Dame Blanche de Boieldieu, le duo d’artistes que forment le chef d’orchestre Nicolas Simon et la metteuse en scène Louise Vignaud revisite Zaïde de Mozart. L’œuvre laissée inachevée et jamais donnée du vivant du compositeur pose, par son caractère lacunaire, d’évidents problèmes pour sa représentation et nécessite une prise en main drastique. C’est ce à quoi s’est attelée avec plus ou moins de réussite la jeune équipe. La dramaturge Alison Cosson a réécrit l’entièreté du texte parlé et le compositeur Robin Melchior signe quelques pages de musique additionnelle, notamment l’ouverture et le final manquants.

William Shakespeare et James Cameron semblent planer sur cette nouvelle Zaïde quand apparaît devant le rideau de scène, une créature ancestrale, mix du magicien Prospero féminisée et du personnage d’Avatar à la peau bleuie. Elle est la gardienne de l’île déserte et hostile qui sert de décor à l’intrigue bien affranchie de la « turquerie » originelle, mais au cœur de laquelle se laissent toujours observer l’impossible tyrannie de Soliman (qui n’est plus sultan) et l’opposition peu farouche de Zaïde, son esclave (mais aussi sa sœur), fière représentante de la force combative des femmes qui triomphera dans la future trilogie Da Ponte.

De grosses roches sombres et sauvages délimitent l’univers étriqué duquel Zaïde cherche à s’évader après avoir fait la connaissance de Gomatz, un naufragé échoué sur sa terre barbare et inhospitalière. Le scenario un brin simpliste demeure proche de ceux des contes philosophiques. Il traite de l’aspiration à la liberté, à la découverte du vaste monde et de l’altérité, autant de thèmes colorés des plaisantes envolées orchestrales proches de la musique de film ou de la comédie musicale. En fosse, le chef Nicolas Simon tire des partitions amalgamées autant de fougue et de subtilité que possible.

Restée méconnue, Zaïde a néanmoins bénéficié d’une mise en scène très politique et militante de Peter Sellars qui transposait son action dans un atelier de couture clandestin où travaillaient des immigrés sans-papiers. L’esthétique est tout autre chez la jeune Louise Vignaud. Moins frontalement ancrée dans notre contemporanéité, l’imagerie va néanmoins à l’encontre de l’orientalisme qu’il est convenu d’attendre pour s’ouvrir vers un ailleurs lointain et légendaire d’inspiration préhistorique ou médiévale, teintée de fantastique. Est-ce en hommage à Chéreau dont elle se réclame beaucoup que Louise Vignaud a planté un massif rocher qui rappelle vaguement celui sur lequel était juchée Brunehilde dans le mythique Ring de Wagner ? La metteuse en scène n’a semble-t-il pas retenu de son illustre modèle toute la finesse et l’acuité de la direction d’acteurs. La sienne est assez faible, ce qui est dommage compte tenu que l’œuvre, pensée comme un singspiel, accorde une part quasi égale à la musique et aux dialogues parlés. Dans le chant comme dans le jeu, le quatuor de jeunes chanteurs réunis se montre un peu trop vert malgré le bel engagement déployé.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Zaïde de Mozart

Direction musicale Nicolas Simon

Composition/orchestration Robin Melchior

Mise en scène Louise Vignaud

Dramaturgie Alison Cosson et Louise Vignaud

Assistance mise en scène Sarah Kristian

Scénographie Irène Vignaud

Costumes Cindy Lombardi

Lumières Julie-Lola Lanteri

Livret original Johann Andreas Schachtner

Livret parlé Alison Cosson

Zaïde Kseniia Proshina, soprano

Gomatz Kaëlig Boché, ténor

Soliman Mark Van Arsdale, ténor

Allazim Niall Anderson, baryton

Inzel Marief Guittier, comédienne

Orchestre National de Bretagne

Opéra en français et en allemand, surtitré en français

Durée : 1h40

Opéra de Rennes
Lundi 6, mercredi 8 et vendredi 10 février à 20h, dimanche 12 février à 16h

Théâtre Graslin de Nantes
du 26 février au 4 mars 2023

Quimper – Théâtre de Cornouaille
15 et 16 mars 2023

Besançon Les 2 Scènes
24 et 25 mars 2023