L’Opéra national de Paris a présenté plusieurs spectacles de danse et de chant lyrique, et a mené de nombreux ateliers à destination de la jeunesse, de Cayenne à Saint-Laurent-du-Maroni. Un partenariat engagé sur plusieurs années. Alexander Neef a par ailleurs annoncé la création prochaine d’un grand orchestre lyrique de jeunes artistes en liaison avec les Conservatoires d’Île-de-France.
À la sortie de chacun des spectacles présentés dans l’auditorium de l’EPPC Les Trois Fleuves à Cayenne, les sourires des spectateurs, adultes ou scolaires, sont lumineux. L’attente était forte depuis que Myriam Mazouzi, la directrice de l’Académie de l’Opéra, a imaginé il y a plusieurs années déjà cette première tournée en Guyane. La première pierre d’un engagement sur trois ans, en lien étroit avec le tissu culturel très riche en Guyane comme le Conservatoire de Musique, Danse et Théâtre de Guyane, le Centre de développement chorégraphique de Guyane (Touka Danses), l’Adaclam (Association de danse artistique classique et moderne) ou encore Plantation des Arts (danse classique). Le projet a été financé par la société Meridiam à hauteur de 300.000 euros.
Myriam Mazouzi a imaginé cette coopération en janvier 2018, frappée par les émeutes de décembre 2007 en Guyane. « À l’époque, ça n’intéressait personne », explique la directrice de l’Académie. « On a envoyé le projet au secrétariat d’Etat des Outre mer et on n’a eu aucune réponse ». Myriam Mazouzi remise le projet dans ses cartons, et le ressort lors de la la nomination d’Alexander Neef qui souhaite partir à la rencontre de nouveaux publics. « Cela fait partie de nos obligations de partager avec le plus grand nombre de français le patrimoine lyrique et chorégraphique, précise le directeur général de l’Opéra national de Paris. Je pense que c’est vraiment l’essentiel de notre mission de service public de ne pas se contenter des publics qui nous sont acquis, mais de créer l’envie, de raconter nos histoires à des publics qui ne sont pas encore les nôtres. »
Tout a été rendu possible grâce à la complicité des actrices et acteurs culturels en Guyane dont Michaëlle Ngo Yamb Ngan, la directrice du Conservatoire de Musique, Danse et Théâtre, qui partage le même bâtiment que la salle de spectacle des Trois Rivières, dans laquelle se sont produits les artistes invités par l’Opéra : les danseuses étoiles Laura Hecquet et Ludmila Pagliaro, le tout jeune retraité Stéphane Bullion, Mathieu Contat, Marion Gautier de Charnacé, Takeru Coste, ainsi que les chanteurs issus de l’Académie, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur et Timothée Varon, accompagnés par les pianistes Jeff Cohen et Frédéric Vaysse-Knitter. Toutes et tous ont donné de leur temps après les concerts et ont mené des ateliers avec des élèves du Conservatoire et de nombreuses associations de danse réparties sur tout le territoire guyanais.
Cette première tournée de l’Opéra national de Paris s’est glissée dans la programmation de la 18e édition du festival Danse Métisses, créé par la chorégraphe Norma Claire qui dirige Touka Danses, labellisé Centre de développement chorégraphique national depuis 2015, le premier de l’Outre-mer, et qui mène des actions de création, diffusions, formations et de sensibilisation à la danse sur tout le territoire, dans plus de 15 communes de Guyane. La chorégraphe estime que cet intérêt de l’Opéra national de Paris pour la Guyane est une « aubaine » : « Cela participe au développement culturel et éducatif de la Guyane. Cela va nous aider à professionnaliser encore plus nos compagnies, à former, et à accompagner les structures et même des municipalités sur des projets culturels liés à la danse. Cela vient renforcer la priorité qui est la nôtre depuis des années. C’est un coup de projecteur sur tout le territoire ».
Il s’agit aussi pour l’Opéra national de Paris de détecter de nouveaux talents. « Ils existent partout » assure Alexander Neef. « Encore faut-il les chercher ! Parce qu’évidemment, si on cherche toujours au même endroit, on va toujours trouver les mêmes personnalités. En élargissant le périmètre, on va trouver, je le crois profondément, une grande richesse de talents qui aujourd’hui ne font pas partie de notre monde. Pour cela, il faut établir des relations de confiance avec nos partenaires ici qui nous aident à ouvrir des portes ».
Mais la Guyane n’a pas attendu l’Opéra pour faire émerger ses talents. Depuis 1974, Jeanine Verin mène un travail de fourmi dans son école de danse, l’Adaclam, dont sont issus Yannick Lebrun, danseur de la compagnie Alvin Ailey, ou Gladys Demba – membre du Centre chorégraphique national de Tours – dont les premiers spectacles ont été financés par Touka Danses. Norma Claire espère que ce nouveau partenariat avec l’Opéra sera un levier pour que l’Hexagone comprenne mieux la complexité de la Guyane, son éloignement. « Il n’y a pas de Ouigo ici » , explique dans un éclat de rire la chorégraphe. « Il me faut de l’argent pour les transports pour faire venir les artistes. Tout est plus cher ici ! ». La directrice de Touka Danses espère qu’elle sera entendue par le Ministère de la Culture, afin que son budget soit abondé en conséquence, pour faciliter le déplacement des artistes.
La prochaine pierre imaginée par Myriam Mazouzi sera la déclinaison de l’opération OpérApprentis, un programme d’éducation artistique et culturelle qui existe depuis cinq ans en Île-de-France, ouvert à de jeunes adultes en apprentissage dans des domaines aussi variés que la vente, la pâtisserie, la mécanique, la coiffure, la verrerie, la bijouterie, la peinture ou encore la couture, et qui va trouver sa déclinaison en Guyane. « Tout sera évidemment pris en charge par l’Opéra de Paris », souligne la directrice de l’Académie, cheville ouvrière passionnée de cette opération, qui espère trouver les financements pour faire venir les jeunes apprentis à Paris.
L’Opéra national de Paris va poursuivre en parallèle ses programmes d’éducation artistique dans l’Hexagone, à Paris, en banlieue et dans d’autres départements. Au cours de son voyage à Cayenne, Alexander Neef a annoncé la création prochaine d’un grand orchestre lyrique de jeunes artistes en liaison avec les Conservatoires d’Île-de-France. « Cela répond à une autre ambition d’engager un plus grand nombre de jeunes dans les pratiques artistiques de notre maison », conclut-il.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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