La chorégraphe grecque Lenio Kaklea déploie une pièce à l’académisme ciselé, qui s’inscrit dans une filiation des représentations de volatiles dans l’histoire de la danse, tout en alertant sur la disparition du vivant.
Dans l’histoire de la danse occidentale, les oiseaux ont souvent inspiré les chorégraphes. Du ballet classique, avec Le Lac des cygnes ou L’Oiseau de feu, à la danse postmoderne, avec Beach Birds (1992) de Merce Cunningham. Aujourd’hui, cette figure est réinvestie par les artistes contemporains pour alerter sur la destruction des écosystèmes. Naguère allégorie de l’envol et de la légèreté, il est devenu le symbole d’une prise de conscience écologique, comme en témoigne Extinction Room (2021) du chorégraphe roumain Sergiu Matis, où il représentait, avec ses comparses, des espèces disparues ou en voie de disparition. Avec Αγρίμι (Fauve), créé en 2023, Lenio Kaklea interrogeait déjà la fragilité des écosystèmes en convoquant une forêt imaginaire avec des barres de pole dance. Elle poursuit sa réflexion écologique en invoquant à son tour la figure de l’oiseau. Toujours dans un style sobre, elle dévoile un ensemble académique, qui fait écho aux esthétiques des années 1990, tout en abordant des préoccupations sociales contemporaines.
Au centre de la scène, un performeur bascule son buste en avant, les jambes tendues, et fait onduler sa colonne vertébrale. Lui succède une danseuse qui arbore un grand arabesque. Une des jambes de son pantalon camel est sertie de plumes, et elle porte un grand faux cil sur l’oeil gauche. Par groupes de deux et trois, les interprètes effectuent des phrases dansées dans un vocabulaire classique (jeté, temps levé, saut de chat) façon postmoderne (bras le long du corps et minimalisme dans l’exécution des gestes). Leur danse rappelle les bustes quasi rigides de Merce Cunningham, les enchainements aériens de Lucinda Childs, l’élan de Trisha Brown, tous représentants de la postmodern dance américaine, mais aussi la danse classique revisitée de Dominique Bagouet, figure de la nouvelle danse française des années 1980. Leur danse tenue et millimétrée et leurs imitations des oiseaux à travers des poses étranges et inclinaisons de la tête pourraient être une adaptation contemporaine de Beach Birds.
Devant un fond de scène tour à tour orange et rouge, qui évoque des paysages abstraits, des trajectoires complexes se déploient, où tous les interprètes se croisent dans une sorte de manège. Cette première partie, accompagnée par un beat électronique discret, évolue vers une ambiance plus pesante. Seul, suspendu à un trapèze, un danseur tient des postures bien gainées. Un drone survole la salle, filme les interprètes, dont les maquillages et costumes étranges, comme ce serre-tête à ailes dorées, rappellent aussi des volatiles. Leurs visages en gros plan s’affichent en fond de scène. La perspective s’inverse : serait-ce les oiseaux qui observent les humains ou le contraire ? Dans Les Oiseaux, c’est la fragilité de ces espèces, bientôt rayées des écosystèmes à cause de l’activité humaine, qui surgit.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Les Oiseaux
Chorégraphie et mise en scène Lenio Kaklea
Avec Nefeli Asteriou, Liza Baliasnaja, Amanda Barrio Charmelo, Luisa Heilbron, Louis Nam Le Van Ho, Dimitri Mytilinaios, Jaeger Wilkinson
Texte Lou Forster d’après Les Guérilleres de Monique Wittig et Les chimères de Gérard de Nerval
Composition sonore et direction technique Éric Yvelin
Scénographie Clio Boboti
Lumières Jean-Marc Ségalen
Costumes Olivier Mulin
Assistante scénographe Angeliki Vassilopoulou-Kampitsi
Réalisation décor Angeliki Baltsaki
Interlocuteur scientifique Thierry Aubin, Directeur de la Bioacoustique au CNRS, Université Paris-Saclay
Instructrice trapèze Christina SougioultziProduction abd
Coproduction Biennale de Charleroi Danse / Centre chorégraphique de Wallonie et de Bruxelles, MOCA Los Angeles, Festival d’Automne à Paris, CCN Ballet de Lorraine, Théâtre de la Vignette Scène conventionnée , NEXT Festival, CCN Ballet National de Marseille
Avec le soutien pour la mise à disposition des studios du Festival Montpellier Danse, du CDCN/Atelier de Paris et du Carreau du Temple
La compagnie abd reçoit l’aide aux conventionnements à deux ans par la DRAC Île de France, ainsi que le soutien de la Consultation 2025 de la Convention Institut français Ville de Paris.
Durée : 1h30
Vu en juillet 2025 au KLAP Maison pour la danse, dans le cadre du Festival de Marseille
Charleroi danse, La Raffinerie, Bruxelles (Belgique)
les 4 et 5 octobreMOCA, Museum of Contemporary Art, Los Angeles (États-Unis)
du 7 au 9 novembreBUDA, Kortrijk (Belgique), dans le cadre du NEXT Festival
le 17 novembreChaillot Théâtre national de la Danse, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 20 au 22 novembreMusée de l’Orangerie, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
le 24 novembre
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