L’Europe de Gaudé et Auzet hurle en vain

Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

A partir du texte Nous, l’Europe, banquet des peuples qu’a dernièrement fait paraître Laurent Gaudé, Roland Auzet orchestre un pensum poussif et anti-productif sur l’Europe d’hier et aujourd’hui.

Pour répondre à la nécessite de « construire un récit européen », l’écrivain Laurent Gaudé a choisi les larges dimensions d’un long poème, écrit en vers libres, que l’on retrouve adapté à la scène d’une manière tout aussi pléthorique par le metteur en scène et compositeur Roland Auzet. Plus de soixante interprètes occupent le grand plateau de la Cour du Lycée Saint-Joseph. Amateurs et professionnels, ils forment une vaste foule bigarrée qui assène, questionne, apostrophe frontalement sur l’état de l’Europe. Comme pour toute épopée, la parole est proliférante et véhémente, elle est portée, braillée, slamée, vociférée sans discontinuer par un chœur de comédiens-performeurs parmi lesquels le Québécois Emmanuel Schwartz, Robert Bouvier et Mounir Margoum, dont la fougue bouillonnante fait écho à la colère populaire accompagnant les mouvements insurrectionnels qui firent naître, en 1848, l’union des nations, et qui aujourd’hui portent à nouveau l’idéal de voir se réinventer le monde.

Au flux de mots s’adjoignent le chant, la musique, la percussion, le rock punk de Karoline Rose et les doux aigus du contre-ténor Rodrigo Ferreira, la danse, l’image vidéo ; tout cela dans un fatras maladroit bourré de tics et de lourdeurs. Massives et verbeuses, les trois heures interminables de cette grande rétrospective historique et politique de l’Europe, aux prises de paroles intempestives et aux idées à l’emporte-pièce, font l’effet d’un rouleau compresseur.

Elles trouvent pour seule respiration l’intervention scénique d’une personnalité concernée par le sujet. Une fausse bonne idée qui a le mérite de « faire le buzz ». Lors de la première du 6 juillet, l’ancien président de la République François Hollande s’y est collé. D’autres grands témoins seront invités à répondre aux questions de l’assemblée participative que constituent les acteurs. Nous avons vu Susan George se prêter à l’exercice. Avec une aimable générosité, l’écrivaine franco-américaine et présidente d’Attac, n’a semble-t-il pas assez profité de son temps de parole balisé pour évoquer son militantisme altermondialiste, mais a fait entendre l’utopie européenne.

Si le spectacle ne manque incontestablement pas de convictions défendues avec énergie et intensité, son propos est finalement inaudible, indigeste, noyé sous les décibels, dans l’outrance et le superficiel de l’ensemble. Faible esthétiquement et dramaturgiquement, la représentation n’est pas à la hauteur de l’ambition qu’elle affiche.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Nous, l’Europe
de Laurent Gaudé, publié aux éditions Actes Sud
Conception, musique, mise en scène Roland Auzet
Avec Robert Bouvier, Rodrigo Ferreira, Olwen Fouéré, Vincent Kreyder, Mounir Margoum, Rose Martine, Dagmara Mrowiec-Matuszak, Karoline Rose, Emmanuel Schwartz, Artemis Stavridi, Thibault Vinçon
Et le Choeur et la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon et quarante choristes amateurs
Et chaque soir un grand témoin : Aurélie Filipetti, Susan George, Aziliz Gouez, Ulrike Guérot, François Hollande, Pascal Lamy, Eneko Landaburu, Enrico Letta, Luuk van Middelaar, Geneviève Pons
Scénographie Roland Auzet, Bernard Revel, Juliette Seigneur, Jean-Marc Beau
Lumière Bernard Revel
Chorégraphie Joëlle Bouvier
Vidéo Pierre Laniel
Musiques électroniques Daniele Guaschino
Costumes Mireille Dessingy
Collaboration artistique Carmen Jolin
Assistanat mise en scène Victor Pavel

Production déléguée L’Archipel Scène nationale de Perpignan
Coproduction Act-Opus Compagnie Roland Auzet, Compagnie du Passage Neuchâtel (Suisse), Scène nationale de Saint-Nazaire, Théâtre Prospero – Le Groupe de la Veillée (Canada), MC2: Grenoble Scène nationale, Théâtre-Sénart Scène nationale, Festival d’Avignon, Opéra Grand Avignon, Théâtre de Choisy-le-Roi Scène conventionnée pour la diversité linguistique, MA Scène nationale de Montbéliard, Teatr Polski de Bydgoszcz (Pologne), Châteauvallon Scène nationale
Avec le soutien de la Fondation Orange, l’Institut français établissement public en charge des relations culturelles internationales, Fondation Hippocrène et Services de la culture du Canton et de la Ville de Neuchâtel, Syndicat intercommunal du Théâtre région de Neuchâtel, Loterie Romande, Centquatre-Paris et pour la 73e édition du Festival d’Avignon : Spedidam
Avec la participation artistique du Jeune théâtre national

Durée : 2h45

Festival d’Avignon 2019
Cour du lycée Saint-Joseph
6 7 | 9 10 11 12 13 14 juillet à 22h

Châteauvallon Scène nationale, Ollioules
le 18 juillet

Maison de la Culture d’Amiens
les 7 et 8 octobre

L’Archipel Scène nationale de Perpignan
les 9 et 10 janvier 2020

MC2: Grenoble
du 14 au 16 janvier

Théâtre du Passage, Neuchâtel (Suisse)
les 23 et 24 janvier

Odyssud, Blagnac
les 28 et 29 janvier

MA Scène nationale Pays de Montbéliard
le 3 février

Théâtre-Cinéma Paul Eluard, Choisy-le-Roi
le 6 février

Théâtre Olympia, Centre dramatique national, Tours
du 11 au 14 février

Le Théâtre Scène nationale de Saint-Nazaire
les 3 et 4 mars 

Le Parvis scène nationale Tarbes Pyrénées, Ibos
le 10 mars

Théâtre Molière – Sète Scène nationale archipel de Thau
le 13 mars

Théâtre-Sénart Scène nationale, Lieusaint
les 17 et 18 mars

Théâtre Gérard-Philipe TGP Centre dramatique national de Saint-Denis
du 25 mars au 2 avril