Deux ans après le début de la pandémie de Covid-19, et après la mobilisation de plusieurs collectifs de jeunes artistes dans la foulée des occupations du printemps dernier, l’association des 38 Centres Dramatiques Nationaux livre ses réflexions, et ses préconisations sur l’insertion professionnelle des jeunes artistes dramatiques.
La Fédération des pirates et le collectif urgence émergence ont multiplié depuis plusieurs mois des initiatives pour faire entendre la voix des émergent.e.s ou des immergé.e.s, terminologie préférée par les « pirates » qui ont publié cet été leur manifeste. Il manquait à ce débat la voix de l’institution, celle des 38 Centres Dramatiques Nationaux, qui ont demandé à Cécile Backès, l’ancienne directrice de la Comédie de Béthune, de se pencher sur le dossier. Sous l’égide de Robin Renucci, elle vient de rendre public son rapport, financé par la direction générale de la création artistique du ministère de la Culture.
La metteure en scène y dresse un état des lieux de l’offre publique en matière de formation professionnelle et des différents dispositifs d’insertion. Elle en analyse les forces et les faiblesses, et formule des préconisations pour rendre ces formations plus justes, plus efficientes, et mieux adaptées à la réalité du métier, ainsi qu’aux désirs des jeunes.
Dès le lycée, l’information sur le métier d’artiste dramatique dans la sphère publique n’est pas suffisamment accessible. Parcoursup offre, selon elle, peu de renseignements sur les différents cursus proposés. Cécile Backès rappelle que moins de 2% des candidats parviennent à intégrer une École supérieure. « Il n’y a qu’en médecine où l’écrémage est aussi drastique », note-t-elle. Et si l’insertion des jeunes s’opère avec de bons résultats à l’occasion de leurs premières années d’activité, de nombreux clivages existent, « entre ceux qui ont fait les prestigieuses Écoles supérieures et les parcours qui s’inventent autrement, entre ceux qui “savent se vendre” et ceux qui se cherchent trop pour le faire, entre ceux qui ont des moyens sociaux, financiers et culturels et ceux à qui ils font défaut ».
L’absence d’une politique de formation continue
Dans les conservatoires, où les approches pluridisciplinaires gagnent du terrain et le travail collectif est davantage envisagé, il manque encore trop de liens entre l’institution et le milieu professionnel. Quant aux Écoles supérieures, les trois années de cursus intensif sont avant tout consacrées à l’acte artistique. Il manque de professeurs, surtout dans les conservatoires. Et tous déplorent l’absence d’une véritable politique de formation continue qui serait transgénérationnelle et pas seulement limitée aux jeunes. Il existe tout de même des offres de formation professionnalisante de haut niveau, rappelle Cécile Backès. À commencer par les dispositifs « jeunes troupes » déployés dans environ un tiers des Centres Dramatiques Nationaux, qui permettent d’accompagner les premières années d’activité des jeunes artistes, en les associant de façon immersive à la vie quotidienne du théâtre (participation aux créations « maison », travail hors les murs et ateliers de transmission avec le public…). Par ailleurs, il existe aussi de plus en plus d’initiatives personnelles, via des collectifs notamment, qui réinventent l’accès aux métiers d’arts dramatiques. Ces dernières se sont multipliées à l’occasion de la crise sanitaire.
Cécile Backès a dressé une liste de préconisations qui seront discutées dans des groupes de travail. Citons, entre autres, une enquête sur les métiers, pour construire des propositions adaptées à la formation professionnelle tout au long de la vie ; une charte commune aux Écoles supérieures et conservatoires, afin de prévenir les discriminations, les violences sexistes et le harcèlement ; un chantier sur la formation professionnelle, pour mettre en œuvre des formations par alternance avec des CDN, encourager le développement du dispositif « jeunes troupes », rendre pérenne leur financement, intégrer les auteurs à la formation et implanter les futures équipes qui le souhaitent sur les territoires concernés. Le chantier est vaste. Cette première étude devrait poser les bases d’un changement à venir.
Igor Hansen-Love –www.sceneweb.fr
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