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Quand l’amour fait mal et fait rire

À la une, A voir, Les critiques, Paris, Théâtre

photo Frédéric Jessua

Le sujet est éculé mais le spectacle ne l’est pas. Félicité Chaton plonge tête la première dans les atermoiements de la rupture amoureuse pour mieux tenter d’en faire le tour dans tous ses affres, ses paradoxes et débusquer la dérision du dérisoire. Elle livre une performance hilarante et pétaradante nourrie de clown, de philosophie et de musique pop.

Dans la salle Marie Curie du Théâtre de la Reine Blanche, celle qui est littéralement sous les toits, charpente apparente, les échos bruyants de la rue Max Dormoy et du Boulevard de la Chapelle se font entendre de loin en loin avant que la représentation ne commence. Bientôt, on ne les entendra plus. Du moins, on n’y prêtera plus attention tant Félicité Chaton aura pris le pouvoir sur son territoire et capté son auditoire. Pour cette cinquième création de la Compagnie Processes qu’elle a fondé en 2011, Félicité Chaton retrouve le chemin des planches avec un projet on ne peut plus personnel. Après avoir joyeusement empoigné la poésie de Tarkos (“Le Baroque”), adapté Büchner à sa façon (“Le Cas Léonce”), mis en scène Handke avec une précision clinique (“Auto-Accusation”) et Lagarce dans un mélange de gravité et de désinvolture (“Juste la fin du monde”), elle s’attèle à son premier seul en scène en occupant, une fois n’est pas coutume, tous les postes, de l’écriture au jeu en passant par la mise en scène.

Audacieux, risqué, périlleux, son sujet est glissant comme une peau de banane en plein milieu du passage mais notre aventurière sait s’entourer de collaboratrices complices (en l’occurrence Florence Bermond et Sophie Lagier) et de regards extérieurs affutés (Morgane Lory à la dramaturgie, Frédéric Jessua pour le jeu et Laure Desmazières à l’écriture). Mais surtout, et là plus que jamais, elle possède un atout solide : Félicité Chaton est une comédienne ébouriffante. C’est une bourrasque à elle toute seule avec une forte appétence pour le comique. On ne dira jamais à quel point elle est drôle, le paradoxe étant qu’elle s’attèle ici à un ressort dramatique couru dans le répertoire classique, très partagé dans la réalité (qui ne s’est pas déjà fait larguer ?) : le chagrin d’amour. Mais pour parler du chagrin, il faut d’abord parler de l’amour. Pour qu’on mesure la chute. La distance entre le drame et l’insouciance. A peine déguisée derrière une lettre qui la désigne au plateau, F., cousine fictionnelle de Félicité, ne verse pourtant pas dans l’épanchement personnel. C’est en usant d’une distance non seulement salutaire mais théâtrale en diable, qu’elle enfourche son sujet, le dissèque sans mode d’emploi, puisant dans les conseils de l’entourage, dans des lectures édifiantes, de quoi sortir la tête de l’eau autant que matière à spectacle.

Ainsi Les Biches ne brament pas au clair de lune marie les registres, fait de l’éclatement son ADN, à l’image de sa scénographie, légère, diffractée en îlots épars, comme le cerveau de la belle, la chronologie du spectacle, les sons de cloche divergents qui s’engouffrent dans sa traversée du désert. Au fond du trou, l’amoureuse éplorée n’en est pas moins entourée et ces voix qui lui tendent la main dans son parcours de consolation et, éventuellement, de résilience, sont ici incarnées par la comédienne, habile et souple à imiter parlures et postures, jouant de la caricature pour le plaisir de grossir le trait et de tirer la tragédie vers le burlesque assumé. De l’ami metteur en scène à la psy en passant par la bonne copine ésotérique et la soeur qui a besoin d’une baby-sitter, l’armée qui l’accompagne et la soutient se fait entendre aux quatre coins du plateau dans un éparpillement proche de la schizophrénie. Car Félicité Chaton ne craint pas les grands écarts, elle passe sans transition de la figure lyrique et hiératique de la diva prenant les poses sur fond d’opéra (le célèbre air de Haendel, “Lascia ch’io panga”, littéralement “Laisse-moi pleurer” dans “Rinaldo”) à une danse de mercenaire sur “The Winner takes it all” de Abba et déploie un jeu tonique et musical qui engage le corps à 100%, proche de la commedia dell’arte ou du cinéma muet.

Il ne s’agit pas ici de porter un discours construit sur la rupture mais au contraire de mettre en scène le chaos qu’elle produit. Quand l’intellect et la raison ne parviennent plus à surmonter la déflagration, que le cœur et le corps sont en miettes et que tout l’être oscille entre l’envie de prendre le dessus et le désir de se laisser engloutir par la douleur. Etre inconsolable, vouloir s’en sortir et dans le même temps vouloir le rester en un double mouvement contradictoire et violent. Alors, elle raconte, son voyage à Palerme, sa rencontre avec Paolo et toute la panoplie qui va avec, la mer, la vespa, la fête et l’alcool, la première nuit d’amour. On nage en plein film et ces scènes, baragouinées dans un italien de cinéma et campées par une Félicité au maximum de sa puissance comique, sont un morceau de bravoure et d’hilarité. F plonge tête la première dans l’amour, sans garde fou, sans assurer ses arrières, l’horizon et l’été en toile de fond comme une comédie romantique à l’eau de rose un peu trop sucrée pour être vraie et la séparation sonne le glas des ébats, des rires aux éclats et de cette impression d’avoir la vie devant soi. Retour au réel. A la solitude, à l’attente du coup de fil qui ne vient pas, aux questions dans la tête qui tourbillonnent. Pour panser/penser la rupture, Félicité s’entoure de philosophes, sociologues, poètes et écrivain.es qu’elle convoque comme des bouées de sauvetage : Anne Dufourmantelle, Camille Froidevaux-Metterie, Nancy Houston, René Char, Alain Badiou… dans un débordement joyeux, un tourbillon de citations à mouliner. A l’image de son spectacle qui ne sait pas sur quel pied danser et prend le parti d’en faire son moteur dramaturgique, Félicité Chaton se drape dans l’humour qui est une forme de pudeur et la politesse du désespoir, pour mieux mettre à nu la sidération de nos séparations.

Avec ce premier seule en scène de son cru, qui emprunte au stand-up ses adresses public directes, qui se berce de variété et de chansons brisées, d’Amy Winehouse à Patti Pravo, qui passe l’auto-fiction à la moulinette d’un humour ravageur et de références extérieures tous azimuts, de Derrida à Rohmer, Félicité Chaton compose un spectacle patchwork qui n’est jamais aussi bon que lorsqu’il pousse le bouchon trop loin et ose l’excès pour mieux traquer la cocasserie derrière l’apnée de la situation. A l’image des paillettes dont elle se badigeonne corps et visage en surdose comme on se maquille à la truelle pour mieux masquer stupeur, détresse et décadence.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Les biches ne brament pas au clair de lune
Compagnie Processes
Conception, texte et jeu Félicité Chaton
Collaborations artistiques :
Sophie Lagier
Florence Bermond / La Louve aimantée Cie
Costumes Zoé Lenglare
Regards extérieurs :
Laure Desmazières (texte)
Frédéric Jessua (jeu)
Morgane Lory (dramaturgie)
Production : PROCESSES
Avec le soutien : CENTQUATRE-PARIS, Théâtre de l’Echangeur-Public Chéri, Lilas en Scène

Durée : 1h15

Du 9 au 30 mai 2023 (tous les mardis)
Au Théâtre de la Reine Blanche

11 mai 2023/par Marie Plantin
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