Avec le compositeur Jean-Baptiste Cognet, Clément Bondu mène depuis plusieurs années une odyssée musicale sur les dérives, sur les tragédies de notre monde. Sa seconde partie, Les Adieux (Nous qui avions perdu le monde), est la bouleversante quête d’un « lieu acceptable ». Le metteur en scène sera présent cet été au Festival d’Avignon avec les élèves de l’Ecole supérieure d’art dramatique de Paris, et présentera Dévotion. Dernière offrande aux Dieux morts.
Entrer en scène, pour Clément Bondu, ressemble à un exercice d’arrachement. Dans la faible lueur qui éclaire son arrivée dans la pénombre presque totale du plateau, tout dans ses gestes lents, dans sa manière d’investir seulement le petit espace central où l’appelle un micro, évoque les promenades solitaires qu’il lui a fallu interrompre pour arriver là. Pour venir se dresser face à nous et parler. Pour décrire une traversée des continents dont rien ne dit si elle a vraiment été vécue ou si elle a été rêvée. À moins de lire le dossier du spectacle, où l’artiste dit son besoin, à un moment de sa vie, de partir voir ailleurs si c’était pareil ou différent d’ici. Quitte à se mettre en danger. Ou peut-être, sûrement même, en quête de danger autant que d’espoir.
Seconde partie de l’épopée musicale de Clément Bondu et de Jean-Baptiste Cognet, Les Adieux (Nous qui avions perdu le monde) est un poème aux accents de fin du monde. Un oratorio qui, comme L’Avenir créé cette saison aux Plateaux Sauvages, a la majesté déchirante du dernier souffle. Sa grande fragilité, qu’expriment aussi à leur belle manière rock et mélancolique les huit musiciens qui rejoignent Clément Bondu les uns après les autres. À commencer par le compositeur Jean-Baptiste Cognet, dont le piano fait office de paysage. De même que la batterie de Yann Sandeau, la guitare électrique de Franck Rossi-Chardonnet, la basse, la contrebasse et les synthétiseurs de François Morel, la flûte de Fanny Rivollier et enfin les violoncelles d’Elsa Guiet, de Lydie Lefebvre et d’Amandine Robillard.
Quasi-immobile, Les Adieux est une parenthèse dans le voyage de Clément Bondu. C’est la preuve que pour l’artiste, qui interrompt un moment son récit pour en formuler l’idée, le monde et la parole sont séparés. Et que si cette dernière peut servir aux hommes, c’est tout au plus pour garder des traces de leurs tentatives, de leurs courses contre l’inévitable qu’ils ont en partage. Glissée discrètement dans ses descriptions de la Russie, de la Chine, du Mexique ou encore de Cuba, qu’il dit « hantées par les souvenirs du communisme », cette réflexion éclaire une chose essentielle dans le travail de Clément Bondu : sa recherche d’un endroit de réparation. Ou du moins d’apaisement des douleurs que suscitent le simple fait d’être en vie.
Si certaines étapes de son long parcours poétique peuvent sembler un peu trop frontales dans leur critique de la société de consommation, du spectacle et d’autres désastres, Clément Bondu réussit à ne jamais se faire lanceur d’alerte. Sa prose intemporelle, rimbaldienne, sa voix profonde et pourtant distante, sa présence à la fois très incarnée et tremblante font de sa parole rescapée des bas-fonds un chant du cygne qui semble ne jamais devoir se finir. Et qui, de fait, se poursuit chez l’artiste de création en création. Au point de se réunir en une seule phrase qui peut être, pour celui qui la reçoit, un lieu proche de celui que recherche Clément Bondu. Un espace d’accalmie.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Les Adieux (Nous qui avions perdu le monde)
Texte, conception et interprétation : Clément Bondu
Composition : Jean-Baptiste Cognet
Interprétation musicale : Jean-Baptiste Cognet (guitares, piano), Franck Rossi-Chardonnet (guitare électrique), François Morel (basse, contrebasse, synthétiseurs), Yann Sandeau (batterie), Fanny Rivollier (flûte, synthétiseurs) et Aëla Gourvennec, Lydie Lefebvre, Amandine Robillard (violoncelles)
Création et régie lumières, régie générale : Clémentine Pradier
Régie son : Gaspard Charreton et Matthieu Plantevin
Administration : Henri Brigaud
Chargé de diffusion : Olivier Talpaert / En votre compagnie
Production : Memorial (Année zéro)
Coproduction : L’Onde (Vélizy)
Avec le soutien de : La Chartreuse-CNES (Villeneuve-lez-Avignon) ; La Comédie de Reims-CDN ; le 104-PARIS ; la Spedidam, La Mouche-Saint-Genis-Laval, Théâtre de la Cité internationale-Paris
Le texte et la partition musicale de la première partie Le jeune homme aux baskets sales ont été lauréats de l’aide à l’écriture de l’association SACD-Beaumarchais, catégorie « art lyrique » en 2016
Durée : 1h30Théâtre de la Cité Internationale
Du 28 au 30 mars 2019
Théâtre de Châtillon
Octobre 2019
L’Onde Théâtre – Centre d’art (Vélizy-Villacoublay)
Novembre 2019
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