L’adaptation française de ce spectacle venu de Broadway dépeint la vie d’une chanteuse rock transgenre incarnée par le merveilleux Brice Hillairet.
1998 au Off-Broadway, 2001 sur les écrans de cinéma, et désormais 2023 à Avignon, puis Paris, à la rentrée, au Café de la danse, Hedwig and the angry inch poursuit sa route à la conquête du public. Et quel spectacle ! Cette comédie musicale rock multirécompensée comporte certes quelques écueils, mais l’implication de ses comédiens-musiciens-chanteurs vaut le détour. Au Théâtre Le Rouge Gorge, le groupe nous accueille dans un écrin musical et queer renversant. Oreilles sensibles, prière de s’équiper de bouchons car le volume atteint des sommets.
Ni vraiment théâtre, ni vraiment concert, Hedwig and the angry inch assemble différents genres et déploie sur scène une succession de tableaux articulés autour de la vie d’Hedwig. Cette personnalité transgenre a grandi en Allemagne de l’Est, en pleine guerre froide, de l’autre côté du mur. À l’étroit dans son corps d’homme et dans un carcan familial instable, Hansel devient Hedwig, le prénom de sa mère, qui la rebaptise à sa manière. De fil en aiguille, la jeune femme rencontre un soldat américain qui sera son passeport vers la liberté. Après une opération rapide et mal calibrée, Hedwig quitte cette l’Allemagne de l’Est oppressante, direction les scènes rock internationales. Hélas, l’artiste se confronte à la réalité, son travail est ignoré. Elle écrit pour d’autres, se produit partout et nulle part à la fois, sans véritablement parvenir à percer jusqu’à un accident qui la projette en Une des médias.
Accompagnée de son mari Yitzhak (Anthéa Chauvière grimée d’une fausse barbe) et des membres de son groupe « The Angry Inch », Hedwig donne tout sur scène. Le spectacle est ainsi entrecoupé de brefs concerts d’une grande intensité. Au-dessus du groupe, la traduction française des paroles défile sur un écran au décor à chaque fois différent, jouant avec les codes des années 1990, kitsch à souhait. Au centre, Hedwig chante, crie, danse haut perchée sur ses bottes à talons roses, parée de sa tenue tout en jean et coiffée d’une longue perruque blonde. Gagnés par cette prestation frémissante tout au long du show, les spectateurs ne sont nullement avares d’applaudissements et de manifestations d’amour. Moqueuse, Hedwig affirmera à plusieurs reprises que le public d’aujourd’hui « n’est pas aussi bien que celui d’hier. » Demain, la même phrase sera prononcée, forme d’hommage à celles et ceux qui auront sans doute contribué à remplir la salle chaque soir.
Malicieux, touchant, provocateur, Brice Hillairet se glisse à merveille dans les habits d’Hedwig, succédant à son créateur John Cameron Mitchell. Si les scènes de musique et certains traits d’humour s’étirent en longueur, rendant la fin du spectacle un peu rébarbative, Hedwig and the angry inch version française peut aussi s’enorgueillir de multiples atouts qui, loin d’agacer, répandent un air de joie contaminant la foule jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière femme.
Kilian Orain – www.sceneweb.fr
Hedwig and the angry inch
Mise en scène Dominique Guillo
Avec Brice Hillairet, Anthéa Chauvière, Louis Buisset, Antonin Holub, Raphaël Sanchez, Lucie Wendremaire
Direction musicale Raphaël Sanchez
Adaptation Brice Hillairet & Dominique Guillo
Création lumière Jacques Rouveyrollis
Conception sonore Christophe YvernaultProduction et diffusion Oscar Prod
Avec le soutien du CNMDurée : 1h30
Scala Paris
Du 3 décembre 2024 au 4 janvier 2025
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