Enfin présenté à Avignon, Le Sacrifice de la chorégraphe et danseuse Dada Masilo livre une proposition trop polie et lisse pour emporter totalement.
Après deux années de report lié à la pandémie de Covid-19, l’artiste sud-africaine Dada Masilo présente enfin Le Sacrifice au Festival d’Avignon. Avec cette pièce, celle qui s’est formée en danse classique et contemporaine et qui est, notamment, passée par l’école PARTS (Performing Arts Research and Training Studios) de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker, prolonge ce qui lui a permis d’asseoir son travail : se saisir de classiques du répertoire du ballet pour les revisiter, les réinvestir. Ces œuvres patrimoniales (citons Le Lac des cygnes, Carmen, Romeo et Juliette ou, encore Giselle), Dada Masilo les remanie en passant notamment par des danses africaines et par d’autres plus contemporaines.
Ainsi, Le Sacrifice, en étant directement inspiré du Sacre du printemps – ballet dont la création en 1913 au théâtre des Champs-Élysées par les Ballets russes sur la musique d’Igor Stravinsky déclencha un furieux scandale – puise à loisir dans le répertoire twsana. Ayant des origines tswana, la danseuse et chorégraphe explique approcher pour la première fois cet héritage culturel – qui est pourtant très présent à Johannesburg (l’Afrique du Sud comptant nombre d’immigrés de cette ethnie).
Le spectacle va ainsi déplier à l’envi les influences, passer de l’une à l’autre. Sur un plateau nu où l’espace de danse est dessiné par un carré de lumière, et où le fond de scène accueille la projection en ombres de branches d’arbres – renvoi à la nature –, Dada Masilo est d’abord seule en scène. Seins nus, elle interprète la jeune fille qui sera sacrifiée et qui, bientôt, sera rejointe par neuf autres danseuses et danseurs. En petits groupes ou tous ensemble, vêtus de costumes harmonisés (soulignant la fluidité des mouvements), la troupe enchaîne les séquences. Embrassant les influences et les références par leurs rythmes et mouvements, certaines peuvent évoquer la transe, d’autres l’expression de l’exultation, de la lutte, de l’abandon ou, encore, de la célébration.
Par l’intitulé même du spectacle, Dada Masilo signale son choix de resserrer sa proposition chorégraphique sur l’idée du sacrifice. Ce rituel archaïque, en ce qu’il envoie à la mort l’un des semblables des protagonistes, est ici esthétiquement plutôt séduisant. Accompagnés par un trio de musiciens et une chanteuse, les interprètes s’investissent sans fard. Emmenée par une Dada Masilo à l’interprétation impeccable – et qui aime particulièrement se singulariser du reste de la distribution en signalant sa position de cheffe de troupe –, l’équipe séduit par son énergie, sa précision.
Pourtant, l’ensemble laisse en grande partie de marbre. La beauté formelle, la belle implication et la virtuosité de tous les artistes en scène, musiciens comme danseurs, la joliesse recherchée dans les costumes, la musique live composée pour l’occasion, l’alternance entre plusieurs registres de danse : tout cela ne parvient pas à donner corps ou propos véritables à ce Sacrifice. Étrangement, l’énergie ne passe pas la rampe. La faute, qui sait, à une écriture manquant de solidité dramaturgique et où l’enchaînement trop rapide des motifs empêchant chacun de se déployer peut virer au catalogue. La responsabilité, aussi, à une facture générale qui se révèle beaucoup trop lisse. Sans aspérités, comme trop « produit » (à l’image de la musique qui verse un brin dans le sirupeux), ce Sacrifice manque singulièrement de chair et de souffle. Et si les belles images sont là, si Dada Masilo et sa troupe brillent par leur précision et leur engagement, l’émotion, elle, peine à surgir.
Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr
Le Sacrifice
Chorégraphie Dada Masilo
Avec Sinazo Bokolo, Lwando Dutyulwa, Thuso Lobeko, Dada Masilo, Songezo Mcilizeli, Thandiwe Mqokeli, Refiloe Mogoje, Steven Mokone, Lebo Seodigeng, Tshepo Zasekhaya, et les musiciens Tlale Makhene, Leroy Mapholo, Ann Masina, Nathi Shongwe
Musique Ann Masina, Tlale Makhene, Leroy Mapholo, Nathi Shongwe
Costumes David HuttProduction The Dance Factory (Johannesbourg)
Une commande de The Prince Claus Fund Next Generation Award 2018 (Pays-Bas), The Joyce Theatre (New York), Foundation’s Stephen and Cathy Weinroth Fund for New Work (USA)
Avec le soutien de Bühnen Köln/Tanz Köln, Ruhrfestspiele Recklinghausen GmbH (Allemagne), Maison de la Danse (Lyon), La Villette (Paris)
En partenariat avec France Médias MondeDurée : 1h15
Festival d’Avignon 2022
Cour du Lycée Saint-Joseph
du 18 au 25 juillet , à 22hThéâtre des Salins, Martigues
le 5 octobreBonlieu, Scène nationale d’Annecy
du 15 au 17 novembreL’Onde Théâtre Centre d’Art, Vélizy-Villacoublay
le 19 novembrePoints communs, Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise
les 1er et 2 décembreLa Villette, Paris
du 7 au 10 décembreThéâtre de Suresnes Jean Vilar
le 13 décembreThéâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines
les 15 et 16 décembreThéâtre Equilibre, Villars-sur-Glâne
le 16 janvier 2023DeSingel, Anvers
du 20 au 22 janvierThéâtre de Caen
du 25 au 28 janvier
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