Dans une production aux moyens spectaculaires que met en scène Andreas Kriegenburg, les Huguenots de Meyerbeer font à l’Opéra national de Paris un grand retour propret et inégalement passionné.
Disparu de l’affiche après 1120 représentations, Les Huguenots retrouve la scène parisienne au moment opportun où les opéras de son compositeur connaissent une sorte de regain d’intérêt de la part d’importantes maisons lyriques européennes. La disparition de l’ouvrage s’explique sans doute par la difficulté à réunir toutes les conditions pour produire et distribuer idéalement ce type de Grand Opéra à la française aux dimensions généreuses (cinq actes et ballet) et à l’écriture vocale redoutablement exigeante.
Virtuose, la partition l’est assurément avec ses changements d’atmosphères et de tonalités. Bien que longuette, elle n’est pas non plus exempte de force dramatique. Son sujet – le massacre de la Saint-Barthélemy et les jours qui le précèdent- est même théâtral en diable. Nombre d’orgies et de boucheries émaille du livret de Scribe. Pour en restituer tout le sel, il faut bien plus qu’une fresque élégante, de jolis tableaux un peu figés mais bien réglés, ce dont se contentent le metteur en scène allemand Andreas Kriegenburg et son scénographe Harald B. Thor. Les décors défilent comme un livre d’images. Sûrement prompt à éblouir l’œil, leur travail manque indéniablement de souffle et d’invention. Le sujet historique est mystérieusement transplanté dans un avenir lointain mais costumé à la mode d’antan. L’anachronisme est à n’y rien comprendre. Si dans ses intentions, le metteur en scène prétend donner à voir et à entendre l’actualité du propos, notamment la montée des fanatismes religieux, sur scène, cela n’est pas perceptible. Le plateau baigne dans un blanc immaculé, ce qui est semble être l’antithèse d’une intrigue aussi sombre et sanglante. Stoïque, la Cour du Comte de Nevers chante le vin, l’amour et la jeunesse dans un vaste espace étagé où se donne une sorte de cocktail mondain d’abord guindé puis tournant à la bouffonnerie. Quant aux violents combats qui opposent les protestants (de noir vêtus) et les catholiques (dans un camaïeu de rouge pourpre fuchsia violacé), tout en raideur et en lenteur, ils ne sont guère crédibles. La pièce n’est-elle pas faite de tension, de passion ? Nous n’en trouverons pas plus chez Michele Mariotti, chef pourtant doué qui connaît bien l’oeuvre pour l’avoir déjà dirigée. Sa direction jolie mais dénervée fait s’appesantir les cinq heures de représentations alors que beaucoup de coupes ont été opérées. Les masses chorales sont excellentes mais réduites comme les solistes à un immobilisme conventionnel. Restent les figurants et les danseuses qui animent l’ensemble avec conviction et élégance.
La distribution réunie a premièrement dû faire face au remplacement de ses deux chanteurs vedettes annoncés ; Diana Damrau et Bryan Hymel ayant tardivement déclaré forfait. Par bonheur, Lisette Oropesa a pris le rôle de Marguerite de Valois et y est absolument fabuleuse. Délicate autant qu’agile dès le radieux« Ô beau pays de Touraine » qu’elle chante en barbotant pieds nus dans les bassins des jardins de Chenonceaux agitant avec vivacité sa longue rouge. La jeune soprano fait preuve d’un panache hors-pair et d’une irrésistible séduction à chacune de ses apparitions. Le ténor Yosep Kang qui campe Raoul est quand à lui plutôt en peine, frôlant la catastrophique à l’amorce de nombreux aigus plus criés que chantés. Au moins, se fait-il entendre… car toutes les voix ne sont pas toujours suffisamment audibles. Ermonela Jaho est une Valentine sensible, touchante, mais limitée en volume. Il faut souligner l’abattage des nombreux seconds rôles. Karine Deshayes en excellent page, Florian Sempey solide Comte de Nevers, Nicolas Testé amusant Marcel. Mais ces Huguenots très attendus ne sont pas le fastueux succès escompté.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
OPÉRA EN CINQ ACTES 1836
MUSIQUE Giacomo Meyerbeer (1791-1864) LIVRET Eugène Scribe, Émile Deschamps
En langue française Surtitrage en français et en anglais
DIRECTION MUSICALE Michele Mariotti Łukasz Borowicz (24 oct.)*
MISE EN SCÈNE Andreas Kriegenburg*
DÉCORS Harald B. Thor*
COSTUMES Tanja Hofmann*
LUMIÈRES Andreas Grüter*
CHORÉGRAPHIE Zenta Haerter*
CHEF DES CHŒURS José Luis Basso
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris
MARGUERITE DE VALOIS Lisette Oropesa
RAOUL DE NANGIS Yosep Kang
VALENTINE Ermonela Jaho
URBAIN Karine Deshayes
MARCEL Nicolas Testé
LE COMTE DE SAINT-BRIS Paul Gay
UNE DAME D’HONNEUR, UNE JEUNE FILLE CATHOLIQUE, UNE BOHÉMIENNE Julie Robard-Gendre*
COSSÉ, UN ÉTUDIANT CATHOLIQUE François Rougier
LE COMTE DE NEVERS Florian Sempey
TAVANNES, PREMIER MOINE Cyrille Dubois
MÉRU, DEUXIÈME MOINE Michał Partyka
THORÉ, MAUREVERT Patrick Bolleire*
RETZ, TROISIÈME MOINE Tomislav Lavoie
UNE JEUNE FILLE CATHOLIQUE, UNE BOHÉMIENNE Élodie Hache
BOIS-ROSÉ, VALET Philippe Do*
UN ARCHER DU GUET Olivier Ayault**
QUATRE SEIGNEURS John Bernard**, Cyrille Lovighi**, Bernard Arrieta**, Fabio Bellenghi**
*Débuts à l’Opéra national de Paris ** Artistes des Chœurs de l’Opéra
Durée: 5h (2 entractes)OPÉRA BASTILLE
du 28 septembre au 24 octobre 2018 Avant-première le 25 septembre 2018, réservée aux moins de 28 ans
Retransmission en direct dans les cinémas et sur Culturebox le 4 octobre 2018 et sur France 3 ultérieurement
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