Le Malandain Ballet Biarritz est de passage au Théâtre de Chaillot avec un programme Stravinsky réunissant un irradiant Oiseau de feu et un Sacre du printemps plus discutable. L’épure et la lumière s’offrent comme deux lignes de force à une lecture moins viscérale que spirituelle de ces deux pièces emblématiques.
Chorégraphiées pour une vingtaine de danseurs, L’Oiseau de feu que signe Thierry Malandain et Le Sacre du printemps chorégraphié par Martin Harriague, également concepteur de l’espace et des lumières, offrent aux artistes de la compagnie formés et rompus au style néoclassique, l’occasion de s’illustrer avec autant de virtuosité que de liberté dans de forts beaux ensembles aux lignes fluides et aérées. Maintes fois revisitées depuis leurs créations respectives par Fokine et Nijinski pour les Ballets Russes, les œuvres se voient débarrassées au fil du temps des clichés et artifices issus du pittoresque et de la tradition. Comme l’ont fait avant eux nombre d’illustres chorégraphes, le duo Malandain / Harriague dégage les deux pièces de référentiels temporels et spatiaux trop prononcés pour les amener élégamment vers l’universalité et la spiritualité.
Dans le dépouillement d’un plateau nu, se forme d’abord une foule de figures graves et moribondes pour autant non dénuées de sensualité. Filles et garçons sont uniformément vêtus de longs jupons noirs. Ils et elles tournent le dos aux regards et dissimulent ainsi leurs visages. Les corps sont courbés comme cassés, écrasés, puis se laissent aller à des mouvements collectifs entre raideur et souplesse. Dans cet environnement qui suinte le malheur, l’oiseau qui donne son titre à la première pièce paraît comme un sauveur providentiel, fine et splendide silhouette tout en rouge et or, à la gestuelle précise et flamboyante qui donne un relief quasi cubiste au mouvements de son plumage.
Plusieurs interprétations accompagnent les différentes versions de L’Oiseau de feu. L’œuvre de jeunesse, désavouée par Stravinsky lui-même qui va en réécrire plusieurs versions successives, s’inspire d’un conte traditionnel russe mêlant exotisme romantique et légendes populaires. Chez Malandain, son fabuleux pouvoir réside dans sa capacité à transformer, transcender même, l’existence d’un couple (et à travers lui de toute une communauté) qu’il extrait de l’opacité malheureuse pour le faire cheminer vers la lumière et accéder à la félicité.
Dans Le Sacre réinventé par l’artiste associé Martin Harriague, l’irrépressible scansion rythmique de la partition accompagne la répétition de petits sauts saccadés et de secousses spasmodiques. Mais la pièce a du mal à véritablement accrocher, captiver. Il manque sans doute une certaine sauvagerie, un certain érotisme, à la chorégraphie de Martin Harriague dont le propos ne creuse pas les thèmes du désir et de la sexualité débridés qui collent parfois de façon crue à la partition volcanique du Sacre. Si l’amour humain dans son aspect physique n’y est que peu représenté, en revanche, la primitivité et la cruauté sont assez bien de mise lorsque s’orchestre par exemple un affrontement viril entre deux chefs de clans ou lorsqu’une frêle ballerine passe de bras en bras et tournoie dans le vide pour finir sur un autel composé de monolithes autour duquel s’organise une ronde effrénée.
Rare élément de décor dans un espace minimaliste : un piano vétuste face auquel s’installe un pianiste pour entonner la sinueuse mélopée inaugurale d’habitude prise en charge par le basson. Les danseurs sortent de l’instrument en horde rampante et grouillante, avant de retrouver, cette fois debout et bien ancrés dans le sol, la dynamique tribale de la partition. Ils dansent sous un énorme projecteur qui symbolise à nouveau l’appel de la lumière et le besoin d’élévation et de délivrance. Spirituel plus qu’animal, c’est ainsi que ce présente ce Sacre dont l’issue du rituel sacrificiel est l’envol de l’élue. Cette fin est significative d’une lecture si ce n’est naïve, en tout cas volontairement optimiste et idéalisée, parfois même teintée de religiosité, des deux opus stravinskiens.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
L’Oiseau de feu
MUSIQUE Igor Stravinski
CHORÉGRAPHIE Thierry Malandain
COSTUMES Jorge Gallardo
LUMIÈRES François Menou
RÉALISATION COSTUMES Véronique Murat, assistée de Charlotte Margnoux
MAÎTRES DE BALLET Richard Coudray & Giuseppe Chiavaro
Ballet pour 22 danseursLe Sacre du printemps
MUSIQUE Igor Stravinski
CHORÉGRAPHIE ET SCÉNOGRAPHIE Martin Harriague
LUMIÈRES François Menou et Martin Harriague
COSTUMES Mieke Kockelkorn
RÉALISATION COSTUMES Véronique Murat, assistée de Charlotte Margnoux
RÉALISATION DÉCOR/ACCESSOIRES Frédéric Vadé
ASSISTANTES CHORÉGRAPHE Françoise Dubuc, Nuria López Cortés
Ballet pour 18 danseursCOPRODUCTION CHAILLOT-THÉÂTRE NATIONAL DE LA DANSE – PARIS, DONOSTIA KULTURA – VICTORIA EUGENIA ANTZOKIA -DONOSTIA / SAN SEBASTIÁN (ESPAGNE), THÉÂTRE DES SALINS, SCÈNE NATIONALE – MARTIGUES, LE CRATÈRE – SCÈNE NATIONALE ALÈS, OPÉRA DE REIMS, LA RAMPE – SCÈNE CONVENTIONNÉE ECHIROLLES, THÉÂTRE ST QUENTIN-EN- YVELINES – SCÈNE NATIONALE, FESTIVAL DE DANSE CANNES – CÔTE D’AZUR FRANCE
PARTENAIRES THÉÂTRE OLYMPIA D’ARCACHON, LE PARVIS – SCÈNE NATIONALE DE TARBES PYRÉNÉESDurée : 1h20
Chaillot – Théâtre national de la danse
Jeu 04 nov 2021 — 19h30
Ven 05 nov — 20h30
Sam 06 nov — 20h30
Dim 07 nov — 15h30
Mar 09 nov — 20h30
Mer 10 nov — 20h30
Jeu 11 nov — 19h30
Ven 12 nov — 20h30Festival de danse Cannes – Côte d’Azur France
Mardi 07 décembre 2021
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