À l’origine créé par le metteur en scène Johanny Bert en version itinérante à destination des adolescents, Le Processus de Catherine Verlaguet est recréé pour la scène, dans l’idée de s’adresser aussi aux parents. Très frontale, l’approche de l’avortement qui y est faite supporte mal le passage du lycée au théâtre.
S’ils naissent d’une rencontre avec un auteur et son écriture, c’est dans la confrontation ou dans le dialogue entre corps et objets que les spectacles de Johanny Bert prennent très souvent véritablement vie. Pour le metteur en scène, comédien et plasticien directeur de la compagnie Théâtre de Romette, chaque création est l’occasion de repenser ce mélange des formes, des langages. En faisant appel à des artistes de disciplines diverses (théâtre, danse, musique…), et en leur mettant dans les mains, entre les jambes ou ailleurs des matières et des choses elles aussi toujours différentes, l’artiste est aujourd’hui aussi réputé dans le milieu du théâtre que dans celui de la marionnette. Dans Hen, son cabaret et « insolent » où un pantin à la grande bouche et aux yeux bien ronds lui permet d’aborder la question du genre avec légèreté et intelligence, c’est nettement du côté de la marionnette que penche Johanny Bert. Dans Le Processus, créé au Théâtre de la Croix Rousse avec lequel il débute une collaboration en tant qu’artiste complice, il s’en remet au contraire entièrement au théâtre. Une tentative qui confirme que sa force, sa singularité, réside dans le croisement des langages.
Seule en scène, accompagnée seulement de films d’animation réalisés par Inès Bernard Espina projetés sur une toile tendue en fond de scène, par la musique de Marc de Frutos et les lumières de Felix Bataillou, la comédienne Juliette Allain se lance d’emblée dans le texte de Catherine Verlaguet. Laquelle, nous apprend Johanny Bert dans le dossier de son spectacle, lui donne à lire Le Processus tandis qu’ils travaillent ensemble pour la première fois, sur Une Épopée où elle est l’un des quatre auteurs à qui le metteur en scène a fait une commande d’écriture. « Catherine a aussi écrit ce texte en pensant à la voix et au corps d’une actrice en particulier. Le fait qu’un auteur, une autrice propose un texte directement à un metteur en scène est une démarche moins courante et elle compte dans l’histoire de ce projet », explique-t-il. Cette genèse explique la centralité du texte dans la création, autrement dit de sa forme beaucoup plus classique que celles auxquelles nous a jusque-là habitués Johanny Bert.
Le sujet de la pièce est sans doute aussi pour beaucoup dans la timidité formelle de la proposition : à travers les mots de Claire, adolescente de 15 ans fictive mais au langage et à l’histoire des plus réalistes, il y est question d’avortement. Tombant enceinte après son premier rapport sexuel, la jeune héroïne décide de mettre un terme à sa grossesse précoce. « Le fait que Catherine me propose ce texte en tant qu’homme m’a bien sûr interpellé », exprime le metteur en scène. Très actuelle, au centre de nombreux débats théâtraux, cette question de la légitimité à traiter au plateau de sujets qui pour des raisons d’origine, de genre ou autre ne concernent pas personnellement les artistes n’est toutefois jamais formulée dans Le Processus. Or interroger cette distance, en jouer, aurait pu permettre au metteur en scène de trouver une forme singulière, une distance pour donner à entendre le monologue de la jeune fille, qui depuis la découverte de sa grossesse jusqu’à l’intervention qui y met fin se déroule sans grandes surprises, aussi bien sur le plan de la structure que de la langue.
D’abord créé en version itinérante, à destination des adolescents, Le Processus passe avec difficulté l’épreuve du plateau. Présentée comme une recréation, avec le même texte et la même comédienne, la nouvelle version du spectacle que nous avons pu découvrir au Théâtre de la Croix Rousse, perd sans doute du naturel et de l’immédiateté de la première forme – nous ne l’avons pas vue – sans gagner beaucoup en force théâtrale. La pièce peine alors à parvenir aux personnes moins directement touchées par le sujet que son public au départ cible, les adolescents. Les qualités pédagogiques, informatives du texte de Catherine Verlaguet font barrage à la subjectivité du spectateur, ainsi qu’à son émotion. Si Johanny Bert a su en découdre avec bien des tabous, celui-ci lui résiste, et reste pour l’essentiel replié dans son secret.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Le Processus
Texte Catherine Verlaguet
Mise en scène Johanny Bert
Avec Juliette Allain
Assistante à la mise en scène Delphine Léonard
Création film d’animation Inès Bernard Espina
Création sonore Marc de Fruto
Création lumières Felix Bataillou
Création costumes Pétronille Salomé
Dessin scénographie Amandine Livet
Régie générale et lumière Gilles Richard
Administration, production, diffusion Mathieu Hilléreau, Les Indépendances
Assistant de production Thomas Dégroïde
Production : Théâtre de Romette
Coproduction : Théâtre de la Croix-Rousse, Théâtre Le Forum, Fréjus / La Filature – Scène nationale, Mulhouse.
Avec le soutien de La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon (résidence d’écriture).
Le Théâtre de Romette est conventionné par la DRAC Auvergne-Rhône- Alpes, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Ville de Clermont-Ferrand.
Le Théâtre de Romette est associé de la Maison des Arts du Léman de Thonon-Evian-Publier.
Johanny Bert est artiste compagnon au Bateau Feu – Scène nationale, Dunkerque.Durée : 55 mins
Tournée 2024
du 15 au 19 janvier – Ligue de l’enseignement des Landes
1, 2 février – Lycée Jacques Cœur, Bourges
du 12 au 16 février – Théâtre Cornouaille, Quimper
du 11 au 15 mars – La Buire – Ville de L’Horme
du 25 au 29 mars – La Fabrik – St Symphorien / Coise
du 17 au 19 juin – Espace Molière – Metz-Talange
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