Le metteur en scène complète son Atlas de l’anthropocène et s’intéresse, avec l’érudition et l’humour qui le caractérisent, aux origines et au devenir de l’oryctolagus cuniculus.
Au septième épisode, le concept de la série est désormais bien rôdé. Armé de sa traditionnelle présentation PowerPoint, arrimé à son habituel pupitre, Frédéric Ferrer est prêt à dégainer sa nouvelle cartographie, comparable à celles qui, depuis douze ans, viennent peu à peu nourrir, et enrichir, son Atlas de l’anthropocène, comme miroir des dérèglements planétaires causés par l’espèce humaine. Après s’être penché sur le devenir des 90 canards en plastique lâchés par la Nasa dans un glacier du Groenland (À la recherche des canards perdus) et interrogé sur les vikings (Les Vikings et les satellites), après avoir suivi la progression géographique du moustique-tigre (Les Déterritorialisations du vecteur), analysé le Pôle Nord (Pôle Nord), envisagé les possibilités de vivre ailleurs (WOW !) et scruté l’histoire de la morue (De la morue), le patron de la compagnie Vertical Détour a décidé de soulever Le problème lapin, cet animal qui « déborde, divise, hystérise » et dont il réussit à faire le symbole inattendu des errements de l’Homme.
Pour aborder cet épineux sujet, l’artiste prévient d’emblée les habitués : cette fois, il n’y aura pas de plan, et, cette fois, il ne sera pas seul, mais accompagné par Hélène Schwartz qui l’a aidé à « penser lapin » et à traquer les origines et le devenir de l’oryctolagus cuniculus, aussi appelé lapin commun ou lapin de garenne – à ne surtout pas confondre avec le lièvre, « ce lapin qui ne creuse pas », le lapin de l’Assam, le lapin des îles Amami ou encore le lapin américain. En une heure chrono, le tandem ambitionne de répondre à une trentaine de questions – soit une moyenne de deux minutes par thème – sur les plus de 150 qu’il a imaginées ou dit avoir reçues de la part de spectateurs plus curieux que les autres. De fil en aiguille, de réponses pressées en digressions travaillées, on apprend alors que le lapin a six millions d’années, que son goût pour les carottes est un fantasme hollywoodien, qu’il a envahi les îles Kerguelen, mais aussi l’Australie qui comptait, dans les années 1950, 600 millions de lapins pour 9 millions d’habitants, qu’il a attaqué l’ancien Président des Etats-Unis Jimmy Carter, que sa dynamique de reproduction correspond à une suite de Fibonacci – et entretient donc un rapport avec le nombre d’or –, mais aussi que l’Homme tente, depuis plusieurs dizaines d’années, de l’exterminer en disséminant des virus mortels comme ceux responsables de la myxomatose et de la maladie virale hémorragique.
Pétrie d’érudition – car placée, comme toujours, sous le sceau de la vérité, malgré le caractère parfois improbable de certaines révélations –, cette septième cartographie a aussi, à l’image des précédentes et du lapin lui-même, le goût savoureux du débordement. Débordement de connaissances dans sa manière de les amener de proche en proche, sans franchement donner l’impression d’y toucher, et de construire petit à petit un dédale intellectuel où, sommet de prouesse, Frédéric Ferrer ne se perd, et ne nous perd, jamais ; débordement scénique dans sa façon de mettre en scène la vraie-fausse rivalité du duo de conférenciers, où Hélène Schwartz s’amuse à jouer l’assistante trublionne qui, si elle est chargée de monter une clôture sur scène ou d’y transporter des monceaux de lapins en peluche, tient à ce que le fruit de son travail, ainsi que sa personne, soient respectés, et valorisés à leur juste valeur. Sous-tendu par un humour très fin, Le problème lapin, sans jamais chercher, et c’est là toute sa force, à se prendre au sérieux, pointe également, par la bande, la cruauté et l’irrationalité de l’Homme dans son rapport avec la nature et les autres composantes du vivant. Parti « problème », le lapin devient alors, au long des connaissances engrangées, une victime, voire une partie de la solution pour aider l’espèce humaine à régler de vrais problèmes qu’elle a, bien souvent, elle-même engendrés.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Le problème lapin, cartographie 7, ou comment le lapin pose des questions vraiment très intéressantes pour comprendre tout un tas de choses du monde d’aujourd’hui (Homo sapiens, l’écologie, le virus et la parenthèse)
de Frédéric Ferrer, avec la complicité d’Hélène Schwartz pour mener l’enquête et penser lapin
Avec Frédéric Ferrer et Hélène Schwartz
Régie générale et construction Paco Galan
Accessoires et Scénographie Margaux Folléa
Costumes Anne Buguet
Masques Sébastien Baille et Einat LandaisProduction Compagnie Vertical Détour
Coproduction Maison des Métallos
Avec le soutien du Département de la Seine et Marne et de la DRAC Île-de-France – Ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre du plan de relance.La compagnie Vertical Détour est conventionnée par la Région Île-de-France et la DRAC Île-de-France – Ministère de la Culture et de la Communication. Elle est accueillie en résidence au Centre de Réadaptation de Coubert – établissement de l’UGECAM Île-de-France.
Durée : 1h15
Rond-Point, Paris
du 10 au 27 janvier 20247 et 8 février 2024
Centre Culturel André Malraux – Scène nationale / Vandœuvre-lès-Nancy (54)19 avril 2024
Le Manège, Scène nationale transfrontalière / Maubeuge (59)16 mai 2024
Les Quinconces L’espal – Scène nationale / Le Mans (72)
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