Le metteur en scène suisse Milo Rau vient de prendre la direction du NTGent, il est auteur d’un manifeste qui entend rompre avec la confortable stagnation d’un paysage théâtral qui peine à se renouveler, Milo Rau revendique un nouveau théâtre radicalement contemporain, économique, démocratique, en prise directe avec le monde et le présent. Dans son dernier spectacle, La Reprise – Histoire(s) du théâtre (I), présenté au Festival d’Avignon, puis à Nanterre en septembre dans le cadre du Festival d’automne, il porte à la scène le meurtre homophobe d’Ihsane Jarfi. En s’emparant du fait divers, il interroge l’essence même du théâtre et sa capacité à représenter l’extrême violence.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Né en 1977 à Berne, Milo Rau appelle inlassablement le réel à la barre. Pour cet élève de Bourdieu, metteur en scène et essayiste, journaliste et réalisateur, le théâtre ne peut être qu’un «sport de combat». Obsédé par la question de la violence dans la société, il la met en scène dans des procès et des reenactments, puissantes reconstitutions qui travaillent les spectateurs au corps. C’est ainsi qu’il évoque Les Derniers Jours des Ceausescu (2009), donne à entendre la Déclaration de Breivik (2012), le tueur norvégien de l’île d’Utoya, et provoque le réel dans Les Procès de Moscou (2013) et Le Tribunal sur le Congo (2015). Lors de ces performances, il convoque de véritables acteurs de la société civile et organise leur confrontation dans des procès fictifs, aux enjeux cependant bien réels. Éminemment provocateur, son interventionnisme se heurte à la censure, aussi bien en Roumanie, en Russie, que dans son propre pays, la Suisse. Avec sa société de production International Institute of Political Murder, il crée un espace utopique, véritable catalyseur des contradictions de la société. Hate Radio et The Civil Wars ont été présentés à Nanterre-Amandiers en 2015, ainsi que The Dark Ages en 2016, puis Empire et Five Easy Pieces en 2017.
Le Nouveau Manifeste de Gand
Un: Il ne s’agit plus seulement de dépeindre le monde. Il s’agit de le changer. Le but n’est pas de représenter le réel, mais de rendre la représentation elle-même réelle.
Deux: Le théâtre n’est pas un produit, c’est un processus de production. La recherche, les castings, les répétitions et les débats connexes doivent être accessibles au public.
Trois: Le statut d’auteur revient entièrement à ceux qui participent aux répétitions et à la performance, quelle que soit leur fonction – et à personne d’autre.
Quatre: L’adaptation littérale des classiques sur scène est interdite. Si un texte source – qu’il s’agisse d’un livre, d’un film ou d’une pièce de théâtre – est utilisé au début du projet, il ne peut pas dépasser plus de 20% du temps de la représentation.
Cinq: Au moins un quart du temps de répétition doit avoir lieu à l’extérieur d’un théâtre. Un espace de théâtre est un espace dans lequel une pièce a été répétée ou exécutée.
Six: Au moins deux langues différentes doivent être parlées sur scène dans chaque production.
Sept: Au moins deux des acteurs sur scène ne doivent pas être des acteurs professionnels. Les animaux ne comptent pas, mais ils sont les bienvenus.
Huit: Le volume total de la scénographie ne doit pas dépasser 20 mètres cubes, c’est-à-dire qu’il doit pouvoir être contenu dans une camionnette qui peut être conduite avec un permis de conduire normal.
Neuf: Au moins une production par saison doit être répétée ou exécutée dans une zone de conflit ou de guerre, sans aucune infrastructure culturelle.
Dix: Chaque production doit être montrée dans au moins dix endroits dans au moins trois pays. Aucune production ne peut être retirée du répertoire NTGent avant que ce nombre ait été atteint.
Gand, le 1er mai 2018
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