Les interprètes de l’institution strasbourgeoise nous propulsent dans l’écriture novatrice du chorégraphe américain grâce à leur énergie débordante en interprétant Quintett, Trio et Enemy in the Figure.
Le dynamisme et la grâce de ses chorégraphies, portées par une technique classique libérée, ont fait de William Forsythe une figure de proue de la danse du XXe siècle. Le Ballet de l’Opéra du Rhin interprète trois des pièces majeures de l’ancien directeur du Ballet de Francfort : Quintett (1993), Trio (1996) et Enemy in the Figure (1989). Témoignant de la vivacité de son oeuvre, elles se déploient comme des installations vivantes aux atmosphères différentes, lancées dans le même élan.
« Jesus’ Blood Never Failed Me Yet ». La phrase de Gavin Bryars résonne, entêtante, mélancolique. La voix chevrotante se répète, les cordes et cuivres s’intensifient, alors que les corps s’étirent et s’étendent sur la scène. Quintett, entrée au répertoire de l’Opéra national du Rhin en 2017, déploie des corps aussi élastiques que toniques. Les développés arabesques et les portés s’enchaînent avec fluidité, comme entraînés par les hyper-extensions des bras. La danse déboule sur cette boucle inlassable, la malaxe et l’étend. Parfois, elle est portée par la musique, parfois elle menace presque de la transpercer, de casser sa répétition parfaite, à coups de courses effrénées à travers la pièce. Répartis sur la scène, les interprètes en costumes disparates (robe rouge, bleue ou pantalons noirs fluides) se rencontrent, se percutent, lancés, puis relancés dans un élan perpétuel, nourrissant leur propre dynamique. Un air de nostalgie plane sur cet ensemble, où les danseuses et danseurs paraissent composer un tableau vivant.
Dans Trio, les élans de Forsythe apparaissent sur un ton ludique. Cette pièce, tout juste entrée au répertoire de l’Opéra national du Rhin, fait virevolter deux danseurs et une danseuse en pantalons et chemises souples à motifs. Chacun et chacune indique au public une partie du corps, un bras, une hanche, qu’il ou elle entoure avec ses mains. À partir de ce point de départ, ils s’élancent dans une danse énergique, rapide, portée par le lyrisme d’un quatuor à cordes de Beethoven. Portés, jeux de main et tours prennent presque la forme d’un jeu, entre prouesses techniques et complicité entre les interprètes.
Avec Enemy in the Figure, le vocabulaire du chorégraphe américain se révèle à travers une scénographie imposante, aux airs d’oeuvre plastique monumentale. Cette architecture énigmatique, qui joue du clair-obscur, forme des espaces d’où émergent plusieurs petites scènes. Devant une grande structure en bois, sorte d’énorme panneau ondulé qui traverse le plateau en diagonale, le solo d’un danseur en costume à franges explose. Il saute avec vigueur, tourne sur lui-même, lance les jambes en grands battements. Alors qu’une danse occupe l’avant-scène, un trio de danseuses en justaucorps blancs apparaît en même temps en fond de scène pour esquisser quelques pas à l’unisson, composant un nouveau tableau éphémère. Au fil de ce programme, l’énergie fougueuse et les gestes francs du Ballet de l’Opéra national du Rhin font rayonner l’écriture de Forsythe.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Programme William Forsythe
Avec les interprètes du Ballet de l’Opéra national de RhinQuintett
Pièce pour 5 danseurs
Chorégraphie William Forsythe
En collaboration avec Dana Carpersen, Stephen Galloway, Jacopo Godani, Thomas McManus, Jones San Martin
Musique Gavin Bryars
Costumes Stephen Galloway
Décors et lumières William ForsytheTrio
Pièce pour 3 danseurs
Chorégraphie et scénographie William Forsythe
Musique Ludwig van Beethoven
Lumières Tanja Rühl
Costumes Stephen GallowayEnemy in the Figure
Pièce pour 11 danseurs
Chorégraphie, scénographie, lumières et costumes William Forsythe
Musique Thom WillemsDurée : 1h40 (entracte compris)
Vu en mars 2025 à l’Opéra national du Rhin, Strasbourg
La Filature, Scène nationale de Mulhouse
les 14 et 16 mars
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