Le théâtre à la télévision, c’est très souvent barbant. Cela donne une image figée du spectacle vivant. Avec ce documentaire de Jean-Michel Ribes sur ses neuf saisons passées à la tête du Théâtre du Rond-Point, c’est tout le contraire qui se produit. L’émission de près de deux heures est jouissive, rythmée, et très diverse. Certains y verront peut-être une certaine condescende dans le propos, un manque de recul. Mais le propos est avant tout de fêter le théâtre, et on a bien besoin en ce moment de ce type d’hommages, d’autant que l’on est littéralement embarqué dans un fabuleux kaléidoscope où se côtoient des extraits bien choisis des spectacles, des interviews courtes, des sketchs, et des chansons. Le spectateur assidu du Rond-Point se replonge avec délectation dans ses souvenirs. Et le néophyte va y découvrir une maison qui bouge, pas poussiéreuse pour un sou, et très imaginative.
photos Brigitte Enguerand
Jean-Michel Ribes a fait appel à une multitude d’artistes pour témoigner à leur manière de l’amour qu’ils portent à cette maison. Certains utilisent la chanson, comme Christine Murrillo qui interprète au tout début l’hymne du Rond-Point (avec David Lescot à la trompette) ou encore François Morel et Pierre Notte. Les fameuses « Brèves de comptoir » de Jean-Marie Gourio figurent en bonne place et viennent ponctuer l’émission. Des témoignages d’intellectuels nous éclairent sur leur vision du théâtre. Le psychanalyste Boris Cyrulnik explique que «la fonction du théâtre est de turlupiner ». Pour le philosophe Michel Onfray le Rond-Point est « Une République libertaire ». Pour Daniel Mesguish l’endroit « fait l’effet de fatiguer le théâtre », au sens où l’entend Borges : « les hébreux fatiguent le désert ».

@ Jean-Claue Gallotta
L’émission est entrecoupée d’extraits des spectacles qui ont marqué ces dernières saisons. « Batailles » avec Pierre Arditi et François Bérléand. « Les diablogues » avec François Morel et Jacques Gamblin. « Tatouage » d’Alfredo Arias. « Questo boui feroce » de Pipo Delbono. «L’homme à la tête de chou » de Jean-Claude Gallotta d’après l’album de Gainsbourg, et réinterprété par Bashung peu de temps avec sa mort. « O Carmen » d’Olivier Martin-Salvan. « L’illusion comique » d’Olivier Py avec un numéro hillarant de Michel Fau dans le rôle de tante Geneviève. La magie de « Boliloc » de Philippe Genty avec le merveilleux Christian Hecq – désormais à la Comédie Française. « La pulle » d’Emma Dante…
Pierre Richard se souvient de ses premiers pas au Rond-Point, lorsqu’il renversa un verre de champagne sur les pieds de Madeleine Renaud. On apprend que le lieu a d’abord été une patinoire avant de devenir le théâtre que l’on connaît sous l’impulsion de Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault. Muriel Robin dans un sketch très drôle interpelle le directeur (Pierre Arditi) en lui demandant pourquoi il n’y a pas d’auteurs morts dans la programmation. Pierre Lescure le directeur du Théâtre Marigny évoque la profusion de la programmation du Rond-Point (il n’est pas rare que trois spectacles y soient donnés le même soir) et souligne qu’elle « incite à la création des auteurs et multiplie le plaisir des spectateurs». Quand au metteur en scène et ancien directeur des Tréteaux de France Marcel Maréchal, il lâche carrément que c’est « le plus haut lieu du théâtre en France », et rappelle qu’en ces temps de disette économique, le Rond-Point génère 62% de recettes propres.

Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr



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