Présentée à la Villette dans le cadre du Festival d’Automne après une première française à Metz, la dernière pièce d’Alice Ripoll place l’eau et la mousse comme éléments centraux d’un étonnant rituel cathartique.
Dans un espace minimal et quadrifrontal, six interprètes dansent aux prises avec l’eau et le savon. Dans Lavagem, l’artiste brésilienne Alice Ripoll joue d’une manière aussi ludique qu’obsessionnelle avec la notion de propreté et délivre, comme dans aCORdo et CRIA, ses précédents travaux, un propos qui au-delà de sa veine spectaculaire contient un indissociable enjeu politique et humain.
Une large bâche en plastique bleue servant aussi bien de tapis de danse que de radeau, de repli, de refuge, des sceaux rouges remplis de liquide mousseux et des serviettes blanches sont autant d’accessoires associés communément à l’action de nettoyer. Appartenant au quotidien le plus trivial, ils se voient mis en lumière et aussitôt poétisés, métaphorisés. Ils stimulent l’imaginaire et les consciences en évoquant les traversées épiques ou tragiques des aventuriers et naufragés ballottés sur les mers.
Plus généralement, les thèmes de la précarité, de l’exclusion, de la discrimination, irriguent en filigrane l’œuvre engagée d’Alice Ripoll qui travaille depuis de nombreuses années avec des artistes issus des favelas et s’inspire des danses et cultures urbaines. La chorégraphe a fondé deux ensembles dont la compagnie REC, en 2009, à Rio de Janeiro, d’où viennent les jeunes danseurs de Lavagem. Dans ce spectacle, ils jouent avec les stéréotypes et mettent à distance par la beauté et la dérision toute forme de préjugés. La performance expose délibérément leurs corps noirs savonnés et a parfaitement vocation à renverser l’inepte stigmatisation dont ils font l’objet.
Si la dimension revendicatrice est perceptible, se laisse surtout découvrir une pièce puissamment physique, esthétique et organique. Sous les yeux des spectateurs et dans un rapport de proximité évident, les corps ruisselants s’entrelacent sens dessus-dessous, s’emmêlent et se démêlent plus ou moins périlleusement sur le sol instable car détrempé. Au cours d’une sorte de rituel purificateur, les danseurs se portent et s’agrègent de façon à former de minces ouvertures leur permettent de jouer une succession de glissades lentes qui font penser à un enfantement. Ainsi, ils renaissent perpétuellement.
Au démarrage, la performance séduit par la tournure rapidement trépidante qu’elle prend. Les interprètes empoignent la bâche pour en fouetter chaque extrémité sur le plateau ou bien détournent les sceaux de leur vocation première pour en faire des tambours ou des chapeaux. Des cris, des rires, des chants, des sauts, des portés, des déhanchés accompagnent et secouent ce désordre inaugural aussi joyeux que furieux. Les corps exultent pleins d’urgence et de vitalité, en toute liberté. Mais le tapage s’estompe. C’est dans une lenteur méticuleuse que les danseurs évoluent et deviennent les artisans d’une fabrique de bulles soigneusement récupérées et déplacées sur des morceaux de tissus blancs. A ce stade, la pièce devient plus flottante et mériterait davantage de développement et de variation pour éviter de s’émousser.
Le festival d’automne qui, pour sa cinquantième édition, fait particulièrement entendre les voix du Brésil à l’occasion du portrait consacré à Lia Rodrigues, – cette autre chorégraphe brésilienne avait elle aussi proposé une belle et intrigante odyssée avec eau et plastique intitulée Pindorama – et toute la constellation d’artistes invités à ses côtés. De spectacles en spectacles, se montre combien la danse peut s’afficher sans lourdeur ni excès de didactisme comme un geste artistique et une arme sociale.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Lavagem
Chorégraphie, Alice Ripoll
Idée originale, Alan Ferreira
Avec Alan Ferreira, Hiltinho Fantástico, Katiany Correia, Rômulo Galvão, Tony Hewerton, Tuany Nascimento
Scénographie, Raquel Theo
Accessoires et visagisme, Cleber de Oliveira
Costumes, Paula Ströher
Lumières, Tomas Ribas, Leandro Olivera Barreto
Assistante scénographie, Thais Peixoto
Assistante artistique, Laura Samy
Assistants musique, Rodrigo Maré, Helena Bittencourt
Direction de production, Natasha Corbelino
Diffusion, Art Happens
Le Festival d’Automne à Paris est coproducteur de ce spectacle et producteur délégué de sa tournée française. La Villette et le Festival d’Automne à Paris le présentent en coréalisation.
Production déléguée de la tournée française Festival d’Automne à Paris
Coproduction Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles) ; PACT Zollverein (Essen) ; Kaserne Basel ; Wiener Festwochen ; Julidans ; Festival de la Cité Lausanne ; Passages Transfestival – Metz ; Romaeuropa Festival ; Teatro di Roma – Teatro Nazionale ; Festival d’Automne à Paris
Coréalisation La Villette (Paris) ; Festival d’Automne à Paris
Remerciements à Alexandre Belfort, Sulamita Costa, Juliana França, André Oliveira, Walace Ferreira, Juliete Schultz, Mauricio Lima, Pedro Bento, Thamires Candida, Dilo Paulo, Diewry Patrick, Lenna Santos de Siqueira, Camila Rocha, Centro Coreográfico da Cidade do Rio de Janeiro, Arnoldo Pereira de Souza, Anita Tandeta, Camila Moura, Renato Linhares, Cecilia Ripoll, Andrea Capella, Casa de Mystérios e Novidades
Avec l’aide de Rafael Machado Fisioterapia, Centro Coreográfico do Rio de Janeiro
Avec le soutien de l’ONDA
Avec le soutien de Dance Reflections by Van Cleef & ArpelsPremière française au Passages Transfestival de Metz
8 septembre 2021 à l’Arsenal à 20hFestival d’Automne à Paris
La Villette – Grande Halle
15 au 19 SeptembreThéâtre Louis Aragon, scène conventionnée d’intérêt national Art et création – danse de Tremblay-en-France
15 et 16 Octobre
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