Julien Gosselin s’est fait un spécialiste de l’adaptation de romans. Après Les particules élémentaires au Festival d’Avignon en 2013, il entraine le public dans un nouveau marathon avec l’adaptation de 2666 de Roberto Bolaño. Une fresque littéraire et policière qui s’appuie un fait divers horrible : les meurtres et les viols non élucidés de centaines de mexicaines dans les années 90. Un combat pour les spectateurs, on pique quelque fois du nez, mais l’inventivité et la maitrise de Julien Gosselin nous ramènent toujours au centre de l’action.
Cela débute comme une enquête littéraire. Des critiques, des universitaires partent à la recherche d’un écrivain allemand Archimboldo. Le jeu sur la scène et les séquences vidéo se complètent à merveille (malgré un petit décalage dans le son qu’il serait bon de régler car cela peut devenir perturbant). Julien Gosselin guide le spectateur du plateau vers l’écran – comme avait si bien su le faire Cyril Teste dans son Nobody l’année dernière et comme n’a pas réussi à la faire Ivo van Hove dans la Cour avec Les Damnés.
On voyage beaucoup dans cette fresque de 12 heures. De Barcelone dans le milieu gay des années 80 (la deuxième partie) à Santa Teresa au Mexique. On s’arrête à Harlem dans la troisième partie lorsque l’on suit le reportage d’un journaliste sportif du « Block Dawn » envoyé couvrir un match de boxe à Santa Fe (excellente prestation d’Adama Diop). Sur sa route il se confronte aussi aux mystérieuses disparitions de ses femmes mexicaines.
La très belle scénographie d’Hubert Colas évolue tout le temps grâce à trois scènes en mouvement qui définissent l’espace de jeu. La musique jouée en direct par Guilaume Bachelé et Remi Alexandre est excellente; mélange d’électro, de techno et de transe. Pendant la quatrième partie douloureuse de l’énumération des viols et des meurtres au Mexique, elle nous a permis de fermer les yeux pour s’évader face à l’insoutenable violence des mots. Julien Gosselin a eu l’intelligence de ne pas rajouter d’images à la description macabre de Roberto Bolaño dont le texte est projeté sur écran – il suffit à lui-même – il est entrecoupé de scènes sur l’enquête de ce fait divers hallucinant.
Le spectacle est parfois éprouvant, on décroche de ce marathon, Julien Gosselin n’épargne pas le public. C’est une volonté. Il ne faut pas céder face à la fatigue, quitter le spectacle, pour mieux le retrouver. Car à la fin, on recolle facilement les morceaux. La dernière partie féérique fonctionne comme un conte et permet de retrouver le personnage du début, l’écrivain allemand Archimboldo, de son vrai nom Hans Ritter. On apprend tout de son histoire , de sa jeunesse dans l’Allemagne nazie à sa fuite en Italie et au Mexique.
La mise en scène de Julien Gosselin est inventive malgré les mouvements répétitifs des éléments scéniques qui ralentissent le rythme et donc allongent le temps. La détermination de la troupe est contagieuse (même si parfois le jeu des comédiennes est un peu forcé). Elle nous entraine dans ce spectacle qui au-delà de son aspect « performance » est une réflexion puissante sur la violence dans nos sociétés.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
2666 de Roberto Bolaño
Adaptation et mise en scène Julien Gosselin
Scénographie Hubert Colas
Musique Guillaume Bachelé et Rémi Alexandre
Lumière Nicolas Joubert
Vidéo Jérémie Bernaert, Pierre Martin
Son Julien Feryn
Costumes Caroline Tavernier
Avec Rémi Alexandre, Guillaume Bachelé, Adama Diop, Joseph Drouet, Denis Eyriey, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Carine Goron, Alexandre Lecroc, Frédéric Leidgens, Caroline Mounier, Victoria Quesnel, Tiphaine Raffier
Production Si vous pouviez lécher mon coeur
Coproduction Le Phénix Scène nationale de Valenciennes, Théâtre national de Strasbourg, Festival d’Avignon, Odéon-Théâtre de l’Europe, Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées, MC2: Grenoble Scène nationale, Stadsschouwburg Amsterdam, La Filature Scène nationale de Mulhouse, Le Quartz Scène nationale de Brest
Avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication, Dicréam, SACD Beaumarchais et Adami
Avec l’aide des ateliers du Théâtre national de Strasbourg pour la réalisation des décors
Résidence à la FabricA du Festival d’Avignon
D’après 2666 Copyright © 2004, The Heirs of Roberto Bolaño, tous droits réservés.
2666 de Roberto Bolaño, traduction Robert Amutio, est publié aux éditions Bourgois (2008).
Durée: 11h30 avec 4 entractes18 et 25 juin 2016 (intégrales) / Phénix, Valenciennes
8, 10, 12, 14 et 16 juillet (intégrales) / La FabricA, Festival d’Avignon
Odéon Théâtre de l’Europe – aux ateliers BErthier du 10 septembre au 16 octobre 2016
Du 26 novembre au 8 décembre au TNT de Toulouse
Le 7 janvier 2017 au Quartz à Brest
Les 14 et 15 janvier à la MC2 de Grenoble
Du 11 au 26 mars au TNS
Le 6 mai 2017 à la Filature de Mulhouse
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