Eric Lacascade revient à ses premiers amours. Fan de Tchekhov, il présente une version de Vania agrémentée de scènes de L’homme des bois. Une mise en scène généreuse et rigoureuse.
Un morceau de country en boucle rembobiné à foison par un acteur en slip qui accueille le public, la première scène du spectacle nous met tout de suite en condition. Eric Lacascade a souhaité créer « un sas de décompression entre la vie réelle et la vie ensemble« . L’effet est réussi, c’est joyeux. Tous les personnages descendent du haut de la salle qui reste éclairée et se retrouvent sur scène pour un banquet de l’amitié. Les bouchons de champagne sautent. L’enivrement fait son effet. Le groupe se mue en basse-cour. C’est le temps de l’insouciance. Mais très vite la réalité va reprendre le dessus. La violence et le chaos refont surface dans cette famille au cœur de la nuit. La scénographie va alors évoluer. Eric Lacascade donne du champ et de la profondeur. La salle s’éteint et les éclairages se font plus intimes pour mieux capter l’âme des personnages et leurs doutes.
On ne sait pas pourquoi Tchekhov a appelé sa pièce Vania. Il aurait pu tout aussi bien l’appeler Astrov, tant le discours politique et environnemental du docteur est important. Aujourd’hui cela nous parait évident. Mais lorsque Tchekhov écrit la pièce en 1897 on est au début de l’ère de l’industrialisation. La destruction de la planète par l’homme n’est pas à l’ordre du jour. Eric Lacascade pas voulu le marquer plus que cela. « J’ai demandé aux acteurs d’être au service de cette parole et au service de la parole poétique« . Il s’est entouré d’un belle troupe, avec beaucoup de fidèles comme Alain d’Haeyer (Vania), Jérôme Bideaux (Astrov), des compagnons du Nord rencontrés lorsqu’il dirigeait à Lille le Ballatum avec Guy Alloucherie. Ce qui donne lieu un petit clin d’œil en patois durant la pièce.
On peut regretter des petits baisses de tension dans le spectacle, certains moments se font un peu plus bavards que les autres, notamment lorsque les personnages évoquent les banalités de leurs relations amoureuses. Mais on retrouve tout le talent de metteur en scène d’Eric Lacascade qui sait animer l’espace et le chorégraphier.
On n’est cependant pas plus emballé que cela par le croisement des deux textes. Cela rallonge un spectacle déjà long (2h40) dont on s’échappe par moment et dont on perd le fil de la narration. On est heureusement récupéré lors de la dernière scène, lorsque Vania est désespéré et seul dans la maison vide. Il joue un air de bandonéon et lance un dernier cri dans l’obscurité.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Oncle Vania
d’après Oncle Vania et L’Homme des bois d’Anton Tchekhov
d’après la traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan
adaptation, mise en scène Éric Lacascade
collaboration artistique Daria Lippi, Éric Didry
scénographie Emmanuel Clolus
lumières Philippe Berthomé
costumes Marguerite Bordat
son Marc Bretonnière
assistante à la mise en scène Noémie Rosenblatt
avec Jérôme Bidaux (Astrov), Jean Boissery (Orlovski), Arnaud Chéron (Fédor), Arnaud Churin (Téléguine), Alain d’Haeyer (Vania), Stéphane E. Jais (Jeltoukhine), Ambre Kahan (Éléna), Millaray Lobos Garcia (Sonia), Jean-Baptiste Malartre (Sérébriakov), Maud Rayer (Maria Vassilievna), Laure Werckmann (Youlia)
production déléguée Théâtre National de Bretagne/Rennes
coproduction Compagnie Lacascade ; Théâtre de la Ville – Paris ; Maison de la Culture de Bourges
La traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan est publiée aux éditions Babel Actes-Sud.
Rennes, Théâtre National de Bretagne, du 18 février au 1er mars
Théâtre de la Ville de Paris, du 5 au 22 mars 2014
Théâtre national de Bordeaux Aquitaine, du 26 au 29 mars 2014
Brest, Le Quartz, du 2 au 4 avril 2014
Lille, Théâtre du Nord, du 9 au 18 avril 2014
Douai, L’Hippodrome, les 6 et 7 mai 2014
Maison de la Culture de Bourges, du 14 au 16 mai 2014
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