Christian Schiaretti poursuit son travail autour de l’œuvre d’Aimé Césaire. Après une saison au Congo, il met en scène La tragédie du roi Christophe avec 37 comédiens et musiciens au plateau. Marc Zinga dans le rôle-titre porte haut la parole du poète antillais, la mise en scène manque d’originalité.
Seul le Théâtre National Populaire de Villeurbanne peut se permettre aujourd’hui de produire un tel spectacle, avec autant d’artistes sur scène. Christian Schiaretti ne faillit pas à la mission qui est la sienne, dans la droite ligne de ses illustres prédécesseurs, de faire vivre le grand répertoire théâtral. La pièce d’Aimé C2saire est une grande fresque historique sur un pan de l’histoire d’Haïti, elle est rarement montée et pour cause. On se souvient de celle de Jacques Nichet en 1996 au Festival d’Avignon, avec cet autobus échoué sur le plateau de la cour d’honneur, au milieu des vieilles pierres du Palais des Papes. Il était facile d’y voir les murs de la citadelle Laferrière érigée par le roi Christophe (aujourd’hui classée patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO.)
La pièce raconte comment le noir Henri Christophe, s’impose face au mulâtre Alexandre Pétion qui défendit la capitale Port-au-Prince lorsque le pays se scinde en deux après le départ des français. Cette tragédie de la décolonisation est une métaphore de l’échec de l’instauration d’une démocratie dans un pays libéré du joug de l’oppresseur. Sous couvert d’offrir la liberté, le roi Christophe impose la tyrannie à son peuple. Sous la plume d’Aimé Césaire, le roi Christophe n’est pas qu’un personnage ridicule, il est aussi un funeste dictateur. Et dans ce rôle, Marc Zinga est impressionnant, fort comme un roc. Dommage que Christian Schiaretti lui demande de jouer en force. C’est d’ailleurs l’un des gros défauts du spectacle, les acteurs qui jouent souvent face public, poussent la voix pour faire entendre le texte. La poésie de Césaire n’a pas besoin de cela.
Entendre les mots du poète antillais est plus qu’utile aujourd’hui. Au début de la pièce il rend hommage aux grandes figures de la révolution haïtienne que sont Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines. Sa pensée humaniste traverse la pièce. « Tous les hommes sont des hommes. Il n’y a ni Blancs ni Noirs » dit Christophe à sa femme. « Et voilà pourquoi il faut en demander aux nègres plus qu’aux autres : plus de travail, plus de fois, plus d’enthousiasme, un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas ! » Malheureusement le texte de Césaire se dilue dans un spectacle sans originalité qui ne parvient à prendre sa vitesse de croisière. Il est rythmé par les chansons de Fabrice Devienne qui occupe le fond de la scène avec ses musiciens. La voix mélodieuse de la chanteuse camerouanise Valérie Belinga apporte les couleurs d’Haïti. Mais ces moments de grâce sont très rares. Le décor est constamment plongé dans le noir. On ne sent pas la chaleur de ce pays qui aime faire la fête, et qui sait se relever des pires tragédies. La scénographie est assez pauvre. Par deux fois les rideaux noirs laissent apparaître un monumental orgue avec ses tuyaux, et de la terre est déversée sur le plateau lorsque l’on évoque la construction de la citadelle.
Heureusement la générosité de tous les comédiens est profondément touchante et notamment ceux du collectif Béneeré qui regroupe des artistes burkinabés et africains. On sent chez eux une vraie fierté de porter cette parole noire sur une scène de théâtre, face à un public en grande majorité blanc.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La Tragédie du roi Christophe
de Aimé Césaire / mise en scène Christian Schiaretti
avec Marc Zinga, Stéphane Bernard, Olivier Borle , Paterne Boghasin, Mwanza Goutier, Safourata Kaboré*, Marcel Mankita, Yaya Mbile Bitang*, Halimata Nikiema*, Bwanga Pilipili, Emmanuel Rotoubam Mbaide*, Halimata Nikiema, Aristide Tarnagda*, Mahamadou Tindano*, Charles Wattara*, Rémi Yameogo*, Marius Yelolo, Paul Zoungrana* et des figurants (distribution en cours)
* collectif Béneeré
Valérie Belinga chant
Fabrice Devienne piano
Henri Dorina basse
Jaco Largent percussion
dramaturgie et conseils artistiques Daniel Maximin
musique originale Fabrice Devienne
production Théâtre National Populaire
co-réalisation Théâtre des Gémeaux
Durée : En création — Spectacle TNP
Grand théâtre, salle Roger-Planchon
1ère partie: 1h50
2ème partie: 1hTNP de Villeurbanne
Du 19 janvier au 12 février 2017Les Gémeaux, Sceaux
du 22 février au 12 mars 2017
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !