Le danseur Etoile de l’Opéra de Paris de 35 ans, s’apprête à faire ses débuts vendredi dans le ballet L’Histoire de Manon (inspirée du roman Manon Lescaut) au Palais Garnier. Il revient de loin après plusieurs mois de blessures.
Mathias Heymann était devenu l’ombre de lui-même, après avoir poussé son corps « trop vite, trop fort » ces deux dernières années. Pour s’en remettre, il a dû repasser par le b.a.-ba du ballet. Nommé étoile très jeune, à 21 ans, il avait subi il y a une décennie une opération suite à une fracture au tibia. A l’époque, « on me disait lors des rendez-vous médicaux que je pouvais potentiellement ne plus danser », se rappelle le danseur Etoile.
Engagé dans le Ballet de l’Opéra en 2004, nommé étoile en 2009, il rebondit grâce au succès d’une opération, après laquelle il garde une tige dans le tibia pour assurer la solidité de sa jambe. Le Covid, le danseur le vit bien chez les siens à Marseille; mais une fois de retour sur scène à l’occasion d’un gala au Japon, il se donne à fond, sans trop penser aux risques liés à une longue période de relâchement. « Je ne me suis pas ménagé (…) mon corps, je l’ai poussé trop vite, trop fort », reconnaît-il.
« Déni et colère»
A l’ouverture de la saison en septembre 2021, « le corps et la tête ont lâché… ça a été assez violent », se rappelle le danseur, qui revit le trauma de l’ancienne blessure. Si ces dernières années, la parole s’est libérée autour des blessures des danseurs qui sont mieux accompagnés par des pôles santé, la question reste relativement taboue.
Bien que soutenu par son entourage, Mathias Heymann plonge « dans une forme de déni et de colère. Il fallait passer par une forme d’acceptation et ça a été très long chez moi car je ne comprenais pas trop pourquoi cela m’arrivait », confie-t-il. Une acceptation d’autant plus douloureuse qu’il est l’une des plus brillantes étoiles de sa génération, et était au sommet de sa carrière.
« Il a fallu un certain temps pour que l’ancien moi se libère…et du repos pour laisser le corps tranquille » admet-il. Beaucoup d’angoisse aussi car avec l’âge, « on se pose des questions sur l’avenir, on voit arriver de nouvelles étoiles » à l’Opéra, où la retraite est fixée à 42 ans. Une question le taraude: sera-t-il à la hauteur?
Il y a an, il entame le long processus de retour vers la scène. Ni opération, ni rééducation: sa coach de longue date, l’ancienne danseuse étoile Florence Clerc reprend avec lui les bases de la danse. « On met les chaussons, on accepte l’état de son corps, c’est extrêmement dur », confie-t-il. « Elle me disait: « essaie de retrouver l’état d’esprit que tu avais quand tu as commencé la danse, l’excitation, l’insouciance, la curiosité »», se souvient-il.
En mai, c’est le grand retour: il remonte sur la scène de l’Opéra et danse Le Boléro chorégraphié par Maurice Béjart, où le danseur principal interprète les pas sur une grande table. Il a le « soutien sans faille » du directeur de la danse, José Martinez, qui lui a dit: « peu importe le temps » que ça prendra. Le public lui réserve un triomphe mais « le jour de mon premier spectacle, j’ai cru que je ne monterai jamais sur la table », se rappelle-t-il.
« J’ai eu un moment de tétanie et le regard de ma coach a suffi pour me sortir de cet état; elle m’a pris comme elle le ferait avec un enfant et m’a dit « je fais la barre avec toi s’il le faut » », se souvient-il. Malgré une prise de rôle dans un ballet en trois actes et la chorégraphie complexe de Kenneth MacMillan, il est plus serein. Perfectionniste et discret – il n’est pas sur les réseaux sociaux -, il a été touché par « la vague d’amour » du public. « C’est un très bon rappel des raisons pour lesquelles on fait ce métier », sourit-il.
Rana Moussaoui © Agence France-Presse
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !