Nouvelle relecture d’un ballet classique pour Dada Masilo. Sa Giselle ne donne plus dans le pardon. Impressions.
On pourrait dire que la chorégraphe venue d’Afrique du Sud, Dada Masilo, a trouvé un filon en or. Prendre des classiques du répertoire et leur tordre le cou. Ainsi après un Swan Lake acclamé en 2010, le public a découvert dans le désordre Carmen ou Roméo et Juliette. Avec des fortunes diverses. Mais Dada Masilo a compris plus que tout autre que ces histoires avaient leur place dans la mémoire collective. Son Lac des cygnes se fracassait sur la question de l’homophobie, sa Carmen sur la féminité. Giselle avance elle à grands pas empoignant son destin tragique. Pas de rédemption, pas de pardon. Giselle, cette fille de la campagne, n’est pas dupe. Abusée par les hommes, elle s’imagine un futur sans eux.
C’est là que le travail de Masilo prend une autre ampleur. La danseuse et chorégraphe sait trop bien les clichés véhiculés par la danse. Elle colle assez intelligemment à l’histoire d’origine tout en décalant le point de vue. Sa gestuelle puise aux sources de la danse africaine comme à la modernité des clips. On aime ces sauts suspendus, cette énergie palpable. Les costumes sont autant de détournements avec des faux-culs façon tutu. On s’interpelle sur le plateau avant de le quitter en riant. Durant cette première partie Giselle flotte un peu sur fond de dessin signé William Kentridge. Dommage. La seconde est plus réussie. Giselle a sombré dans la folie. Au point d’en perdre la vie.
Dans la version classique les Willis, esprit de jeunes filles mortes vierges, offrent au regard une danse comme une élégie. Mais chez Dada Masilo le romantisme fait long feu. Remplacée par une guérisseuse zulu, la reine des Willis frappe du pied, convoque des esprits. Giselle comme possédée entre dans cette transe. Elle ne pardonnera pas cet homme –tous les hommes. Le temps d’un duo, magnifique entre Dada Masilo et Lwando Outyulwa se conjuguent la peur et l’espoir. La compagnie manque parfois de cohésion mais la simple présence de Dada/Giselle, lumineuse, suffit à transporter la salle. Giselle n’est pas Swan Lake ; ou du moins n’en a pas la force chorégraphique. Mais à sa façon obstinée Dada Masilo raconte une –autre- histoire du mouvement.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
DADA MASILO – Giselle – 2017 – 12 danseurs – Chorégraphie Dada Masilo – Musique Philip Miller – Dessins William Kentridge – Costumes Donker Nag Helder Dag, Those Two Lifestyle – Lumières Suzette le Sueur – Crédit photographique Stella Olivier
Production Dada Masilo/The Dance Factory. Coproduction Joyce Theater’s Stephen and Cathy Weinroth Fund for New Work, Hopkins Center- Dartmouth College, Biennale de la danse de Lyon 2018, Sadler’s Wells – Londres, La Bâtie / Festival de Genève.Grande Halle de la Villette Paris jusqu’au 21 décembre
www.lavilette.comdu 27 au 29 mars 2019 Comédie de Valence
2 et 3 avril Théâtre de Sète
6 avril Juvisy-sur-Orge
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