Tania Bruguera met en scène la deuxième pièce de Samuel Beckett dans une forme originale entre performance et arts plastiques où le vertigineux dispositif scénographique prend le pas sur une lecture plutôt aseptisée du texte.
Les spectateurs montent une imposante structure cylindrique sur échafaudages, implantée dans l’atelier de construction des décors de Nanterre-Amandiers, pour observer de haut une Fin de partie jouée comme dans un puits sans fond. Cellule d’isolement d’un hôpital psychiatrique, chambre froide ou mortuaire dont les parois sont recouvertes de tentures blanches immaculées qui s’apparentent à de géantes camisoles, les évocations cliniques et claustrophobiques ne manquent pas d’insister sur l’état d’enfermement spatial et psychologique des personnages beckettiens condamnés au vide, à l’inertie et à la finitude.
L’intérêt du spectacle réside nettement dans la proposition plastique à la forte symbolique et dans la place atypique accordée au public. Debout pendant plus d’une heure, celui-ci plonge sa tête dans un rideau entaillé pour apercevoir la pièce d’une perspective tout à fait inhabituelle. La fente n’est pas sans rappeler le sexe féminin et la névrose souvent exprimée par Beckett au sujet de l’enfantement. Ce sont d’ailleurs des gamins et non des vieillards qui sont prisonniers au côté de Hamm et de Clov non pas dans des poubelles mais des tuyaux stylisés.
Reste la question de la lecture que fait Tania Bruguera une fois affranchie des didascalies réputées intouchables du pointilleux dramaturge. Ni classique ni révolutionnaire, elle est simplement, dommageablement, sans enjeux. On ne sent ni le cynisme virant parfois au comique grinçant ni la profonde tragédie que contient le texte. Le jeu lisse et monocorde des comédiens ne rend pas compte de la puissance des rapports de force, de dépendance et de soumission comme l’éventuel plaisir ambivalent qu’éprouvent les personnages à s’y livrer. Assez vite, un sentiment d’ennui advient. Endgame.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Tania Bruguera
Endgame
de Samuel Beckett
Mise en scène et scénographie, Tania Bruguera
Avec Brian Mendes, Jess Barbagallo et deux comédiens franciliens
Architectes, Dotan Gertler Studio
Voix, Jacob Roberts, Chloe Brooks
Lumières, Rui Monteiro
Son, Rui Lima, Sergio Martins
Assistant mise en scène, Mitchell Polonsky
Production BoCA Biennial (Lisbonne/Porto) // Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme New Settings // Coproduction São João National Theatre (Oporto) ; Colectivo 84 ; Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles) ; Kampnagel (Hambourg) ; Estudio Bruguera ; Nanterre-Amandiers, centre dramatique national ; Festival d’Automne à Paris // Coréalisation Nanterre-Amandiers, centre dramatique national ; Festival d’Automne à Paris // Avec le soutien de l’Onda // Spectacle créé le 20 avril 2017 à BoCA Biennial (Lisbonne/Porto)
Durée : 1h20Festival d’Automne
Nanterre-Amandiers, centre dramatique national
22 septembre au 1 octobre 2017
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !