Nommé danseur étoile de l’Opéra de Paris suite à une représentation de Casse-Noisette en 2009, Karl Paquette revient sur cette œuvre phare de sa carrière et l’adapte pour le plus jeune âge, dans le même esprit que Mon Premier Lac des cygnes. Accompagné de la même équipe artistique, il supervise une version réduite mais néanmoins exigeante qui place en son centre la féérie originelle du ballet de Tchaïkovski.
Adapter des œuvres mythiques de la danse classique pour le jeune public, tel est le pari renouvelé de Karl Paquette après le succès de Mon Premier Lac des cygnes. L’ancien danseur étoile de l’Opéra de Paris, qui a fait ses adieux en décembre 2018, puise à nouveau dans le répertoire du compositeur russe Tchaïkovski et dans les chefs-d’œuvre chorégraphiques de Marius Petipa pour se concentrer sur un monument de féérie : Casse-Noisette. Le ballet, taillé sur mesure pour enchanter les fêtes de fin d’année, se refait une jeunesse en ce printemps du XXIème siècle et tend la main aux enfants dès 6 ans grâce à une version réduite, agrémentée d’une voix off qui ouvre le bal(let) et le ponctue afin d’en faciliter la compréhension narrative. Si à l’origine Casse-Noisette tire son intrigue d’un conte d’Hoffmann adapté ensuite par Alexandre Dumas, c’est Clément Hervieu-Léger, sociétaire de la Comédie-Française qui en signe et en fait ici le récit de sa diction précise et de son timbre léger. Déjà présent sur le projet précédent comme le reste de l’équipe artistique qui avait fait ses preuves sur Mon Premier Lac des cygnes, il en met l’argument à hauteur d’enfant en respectant sa trame et sa structure mais en misant sur l’épure pour une meilleure réception et compréhension. Et ainsi laisser au public, débarrassé de la mission de suivre le fil, le loisir de se laisser bercer pleinement par la beauté des tableaux chorégraphiques.
Il était une fois. L’histoire commence comme tous les contes. Une invitation à entrer dans le monde de l’imaginaire. A croire et rêver les yeux ouverts. Au plateau, un livre géant laisse échapper les personnages dans un décor de luxe et de réveillon tapissé de portraits peints dans le style de Fragonard. Un sapin immense, un lustre majestueux, des candélabres sur la grande table, la pièce qui dévoile ses atours au lever du rideau est inondée de lumières douces et hospitalières. C’est la nuit de Noël, les enfants trépignent d’impatience, les invités arrivent par grappes et cet homme mystérieux, Drosselmeyer, entre en dernier, un sac chargé de cadeaux à la main. La distribution fait la joie des enfants, une poupée par-ci, un petit cheval par-là, un livre et… pour Clara, notre héroïne tout de rose framboise vêtue, une figurine de bois, un Casse-Noisette couleur pistache. Plus tard, quand ils danseront un pas de deux aérien, la jeune fille et son Casse-Noisette devenu prince, Anastasia Hurska et Ivan Delgado del Rio, leurs interprètes délicieux, uniront leurs couleurs en un mélange gourmand et assorti, fait de déboulés et développés, tout en jambes et bras infinis, ponctués de tendres portés. Mais pour l’heure, l’ambiance est à la fête de famille et la magie s’invite déjà puisque Drosselmeyer régale l’assemblée fascinée de tours de passe-passe, une boule en or qui disparaît, une canne qui bouge toute seule, une pointe d’illusionnisme qui annonce la féérie enchanteresse à venir. Car la soirée s’achève, chacun part dans sa chambre se coucher. Tout le monde sauf… Clara qui, épuisée, s’endort sur le canapé. La nuit est là, les rêves prennent vie et les jouets s’animent. Une armée de souris débarque d’un côté conduite par son roi, d’un autre une troupe de soldats, épée en main, menée par Casse-Noisette fait homme. Dans le tumulte de la bataille Clara s’enfuit et quitte l’écrin cocon du salon de la maison pour des horizons merveilleux.
Comme un livre d’images, le spectacle égrène ses tableaux scénographiques (très belles toiles peintes de Nolwenn Cleret) tous plus féériques les uns que les autres, d’un paysage de glace au royaume sucré de la fée Dragée. Les costumes, somptueux et élégants, complètent le faste des décors. Les robes et jupes à volants de la première scène forment des bouquets colorés, vert, bleu, orange, jaune, associés à toutes les nuances de rose, et ondoient au rythme des déplacements des danseuses, composant et recomposant des harmonies chromatiques splendides. Les souris jouent la carte figurative et les interprètes disparaissent sous les têtes à fourrure et museau pointu des rongeurs gris mais néanmoins tout jolis. Les danseuses du corps de ballet deviennent flocons de neige virevoltants, bonbons roses meringués ou fleurs des prés valsant dans des chorégraphies de groupe géométriques et millimétrées où la grâce rivalise avec la technique. Lignes, frises, diagonales, colonnes, la perfection classique de l’exécution est au rendez-vous mais l’humour s’invite de-ci de-là, au gré d’un moonwalk du roi des Souris, d’un petit vieux titubant sur ses jambes flageolantes, de danses exotiques en clin d’oeil aux folklores espagnol, chinois, russe. Tout est pensé pour se mettre à portée des petits sans déroger à la qualité.
Tout flatte l’œil, le besoin de croire à la perfection et de s’enivrer de beauté. Il faut bien sûr aimer l’esthétique papier glacé, les pointes et les tutus, les sourires en masques et les figures classiques séculaires, sinon l’indigestion guette. Mais il n’y a pas à dire, le moindre tissu de costume, le moindre accessoire et détail, des perruques poudrées aux jouets des enfants, la magnificence de la chorégraphie et de la mise en scène (réglées par le maître de ballet de l’Opéra de Paris Fabrice Bourgeois), alternant scènes de groupes, pas de deux et solos en une harmonie permanente, une composition picturale mouvante et chatoyante, jusqu’à la neige qui tombe en paillettes, tout contribue à faire de ce Casse-Noisette en version simplifiée un émerveillement de tous les sens. Car la splendeur première de ce ballet reste avant toute chose la musique emblématique de Tchaïkovski et ses airs célèbres, puissamment ancrés dans l’imaginaire collectif. Russe, romantique, ardente, toute en nuances, cultivant les entrelacements d’ambiances différentes, elle entraîne spontanément dans son tourbillon dansant et s’illustre à merveille dans le mouvement.
Marie Plantin – wwww.sceneweb.fr
Il était une fois Casse-Noisette
Direction artistique KARL PAQUETTE, danseur étoile de l’Opéra de Paris
Adaptation du livret et narration CLÉMENT HERVIEU-LÉGER, de la Comédie-Française
Chorégraphie et mise en scène FABRICE BOURGEOIS, Maître de ballet de l’Opéra de Paris
Décors NOLWENN CLERET
Costumes XAVIER RONZE
Lumières LOUIS BOURGEOIS
Adaptation, réalisation sonore OLIVIER NICOLAS
Consultant magie MEHDI OUAZZANI
Bande son : Casse-Noisette
London Symphony Orchestra – Direction Sir Charles Mackerras
Production du Théâtre du ChâteletSOLISTES
Drosselmeyer/Le roi des souris/autres interventions
Karl Paquette, danseur étoile de l’Opéra de Paris
Clara Anastasia Hurska
Le Prince/Casse-Noisette Iván Delgado del Río
CORPS DE BALLET
Julien Robert (doublure de Karl Paquette)
Philippine Flahault (fée Dragée – doublure de Anastasia Hurska)
Greig Matthew (doublure de Ivan Delgado del Rio)
Alice Hidalgo, Anne-Elisabeth Dubois, Clémentine Rousse,
Dora Princ, Emma Le Masson, Enzo Cardix, Félicie Cunat,
India Rose, Kana Koguchi, Léa Salomon, Louise Ducreux
Maï Ishihara, Manon Boulac, Margaux Gaudy-Talazac, Margherita Venturi
Martin Arroyos, Matteo Manzoni, Nicolas Rombaut
Olivia Lindon, Pierrick DefivesDurée : 1 h 40 avec entracte
A partir de 6 ansDu 19 au 30 avril 2023
Au Théâtre du Châtelet
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