Dans un trio qui prend la forme d’une conférence sur la danse, Martine Pisani et ses deux comparses danseurs Michikazu Matsune et Théo Kooijman racontent la carrière de la chorégraphe, en croisant leurs parcours. Des réflexions sur l’histoire de la danse et la conservation des oeuvres émergent, malgré une mise en scène flottante où point le malaise.
Sur la scène, autour d’une petite table en bois, il y a Martine Pisani et Michikazu Matsune. La première est une chorégraphe marseillaise, connue pour sa danse facétieuse, délibérément imparfaite déployée depuis les années 1990. Le second est un performeur originaire de Kobe, installé en Autriche depuis la fin des années 1990, aussi adepte d’humour et de poésie. Dans Kono atari no dokoka (« Quelque part par ici »), titre qui fait écho à l’une des pièces de la chorégraphe, ils tissent des liens entre leurs esthétiques, leurs démarches artistiques et leurs histoires en cultivant une fantaisie commune. Et à travers ces parcours croisés, se dessine un pan de l’histoire de la danse.
Atteinte d’une sclérose en plaque depuis plus de vingt ans, Martine Pisani ne peut pas se lever de son siège. Les corps des autres ont pris le relais, pour continuer à faire vivre sa danse, à s’en souvenir, à la montrer. Sous la forme d’une conférence amusante, Kono atari no dokoka apparaît comme une tentative collective de reconstituer son œuvre. Et cela avec une dimension biographique, où chacun raconte l’histoire de l’autre (sauf Martine Pisani, qui se contente d’intervenir régulièrement pour les corriger). Michikazu Matsune esquisse quelques pas et sauts maladroits, quant à Théo Kooijman, interprète historique de la chorégraphe, il dévoile plusieurs gestes que Pisani a répertoriés dans ses carnets, plus décalés les uns que les autres : « basilic fané », « équilibre précaire », « être perdu », « chute »…
Mais c’est la parole, qui domine dans ce spectacle, sur la danse plus que dansé. Sur un écran, façon diapositive, défilent les dates-clefs de la vie de chacun, des vidéos de danse (notamment celle de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’Albertville de 1992 chorégraphiée par Philippe Découflé, pixelisées car les droits étaient trop chers), mais aussi des anecdotes sur les chorégraphes phares de leur époque (tel le post-moderne américain Merce Cunningham qui déjeune dans un restaurant macrobiotique). Malgré l’air pince-sans-rire et l’espièglerie des trois comparses, joli écho à l’écriture de Martine Pisani, leurs intentions peinent à nous parvenir, noyées dans un ensemble flottant et teinté de malaise. À travers ces histoires, c’est la pérennité des œuvres en danse et leur mémoire qui questionnent pourtant. Que reste-t-il de la danse de Martine Pisani ? Et comment faire exister la mémoire d’une majorité de chorégraphes, qui n’ont pas voulu ou pu organiser la conservation de leurs œuvres ? À travers cette pièce, Martine Pisani pose ces réflexions, tout en affirmant sa place dans cette histoire, dans son registre moins virtuose, plus discret et instable que d’autres.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Kono atari no dokoka
Conception Michikazu Matsune en dialogue avec Martine Pisani
Basé sur les premières œuvres de Martine Pisani
Avec Theo Kooijman, Michikazu Matsune, Martine Pisani
Lumière Ludovic Rivière
Video Michikazu Matsune, Maximillian Pramatarov
Conseil artistique Miwa Negoro, Ludovic Rivière, Anne LengletProduction Studio Matsune, La compagnie du solitaire
Coproduction Festival d’Avignon, Tanzquartier Vienne, Maison de la Culture d’Amiens, fabrik Potsdam, Spring Performing Arts Festival (Pays-Bas)
Avec le soutien du ministère de la Culture Drac Île-de-France, Département des affaires culturelles de Vienne (Autriche), ministère des Arts, de la Culture, du Service civil et des Sports d’Autriche, Forum culturel autrichien, Fond Transfabrik (France, Allemagne) et de l’Onda
Avec l’aide de La Briqueterie Centre de développement chorégraphique national, Les Laboratoires d’Aubervilliers, Centre national de la danse (Pantin)
Studio Matsune est financé par le Département des affaires culturelles de Vienne et par le ministère des Arts, de la Culture, du Service Civil et des Sports d’Autriche.
La compagnie du solitaire est subventionnée par le ministère de la Culture Drac Île-de-France au titre de l’Aide au projet.Durée : 1h10
Festival d’Avignon 2023
Collection Lambert
du 8 au 15 juillet, à 23hMaison de la Culture d’Amiens
les 9 et 10 avril 2024
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