Né en 2018 à Tunis, où il a aussi été joué à l’occasion festival Carthage Dance (14-20 juin 2019), c’est à présent à Marseille que le spectacle de danse Khouyoul vient déposer son utopie. Sa quête d’une communauté intergénérationnelle harmonieuse. Au-delà des différences culturelles.
À la tête du Festival de Marseille depuis 2016, le Belge Jan Goossens affirme cette année la conviction qu’« un autre festival est possible ». La certitude qu’à rebours des programmations hors-sols, sans surprises, d’une grande majorité des événements artistiques estivaux, il est nécessaire d’inventer de nouvelles manières de programmer. De construire un moment artistique « inspiré par sa ville, à la fois européen et méditerranéen, résolument cosmopolite, inclusif et émancipateur au sens artistique et citoyen, en dialogue avec une grande diversité de publics », dit-il dans l’édito de l’édition 2019 (14 juin – 6 juillet).
Dans ce texte bref, précis, aux accents de manifeste, Jan Goossens exprime une conviction qu’il s’est forgée non seulement à Bruxelles en tant que directeur du Théâtre Royal Flamand (KVS) de 2001 à 2016, mais aussi lors de voyages à l’étranger. En Tunisie notamment, où les chorégraphes, danseurs et commissaires d’expositions Selma et Sofiane Ouissi, dont il suit et accompagne le travail depuis de nombreuses années, ont créé en 2007 la biennale d’art contemporain en espace public Dream City. Festival dont il a été le commissaire artistique en 2017, et dont il prépare la prochaine édition, prévue en novembre 2019.
Parce que toute relation artistique se doit selon Jan Goossens d’être réciproque, dialoguée, deux spectacles témoignent cette année à Marseille de cette longue et riche amitié : Le Moindre Geste de Selma et Sofiane Ouissi, et Khouyoul – « chevaux », en arabe – de la compagnie chorégraphique Kabinet K basée à Gand. Une recréation à Tunis de la pièce Horses (2016) par les chorégraphes Joke Laureyns et Kwint Manshoven à la demande de l’association L’Art Rue, qui en plus du festival Dream City accueille à l’année des artistes en résidence, organise des rencontres, des débats et des ateliers, programme des spectacles dans son lieu situé en pleine médina… Toujours dans un esprit de partage avec toutes les populations du territoire. Avec une attention particulière envers les plus jeunes, également au cœur du travail de la compagnie flamande.
Sur une musique profonde, entraînante, interprétée en direct par Mahmoud Turki (luth), Imen Mourali (kanoun, percussions, guitare) et Alaa Eddine El Mekki (saxophone, clarinette), un adulte et un petit garçon posent d’emblée les termes de la quête menée conjointement par Kabinet K et L’Art à travers Khouyoul. Celle, lit-on dans le dossier de presse du Festival de Marseille, « d’une alliance singulière avec l’autre, d’une communauté harmonieuse, dans un spectacle de danse animé d’une énergie indomptable ». Le petit et le grand se toisent. Sans un mot, ils courent et s’arrêtent net. Ils se jaugent. Ils font mine de s’ignorer puis se jettent l’un sur l’autre. Ils se regardent d’un air de défi et tout d’un coup, après une course ou une roulade, les voilà qui se sourient.
Les cinq autres enfants – tous Tunisiens, habitants de la médina – arrivent, ainsi que les deux autres adultes. Des artistes de Kabinet K, dont l’habitude du travail avec des enfants est sensible à chaque geste. Dans toutes les pirouettes, dans tous les câlins et toutes les acrobaties qu’ils réalisent ensemble près d’une heure durant. Avec à peine quelques secondes de pause ici et là, le temps de reprendre un peu de souffle. Juste assez pour poursuivre l’intense, l’urgent dialogue en cours. La construction d’une complicité par-delà les tailles, les poids et les cultures très différentes de chacun. La création d’un collectif avec un vocabulaire, avec des codes bien à lui mais ouverts à l’interprétation et au rêve de tous. Khouyoul fait de la pluralité un objet unique, comme Jan Goossens à Marseille. Comme Selma et Sofiane Ouissi de l’autre côté de la Méditerranée. Dans la joie, il relie.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Khouyoul
Chorégraphie : Joke Laureyns et Kwint Manshoven
Danseurs : Aya Abid, Mohamed Ouissi, Nawress Azzabi, Rihem Nefzi, Yassine Najmaoui, Zakaria Ouissi, Fetah Khiari, Jihed Blagui, Sabrina Ben Hadj Ali
Création musicale et musique live : Mahmoud Turki (luth), Imen Mourali (kanoun, percussions, guitare), Alaa Eddine El Mekki (saxophone, clarinette)
Coaching musical : Thomas Devos, Bertel Schollaert
Scénographie : Dirk de Hooghe, Kwint Manshoven
Direction technique et régie son : Mohamed Hédi Belkhir
Lumière : Bastien Lagier
Assistantes de production : Insaf Mejri, Mariem Chakroun
Production : L’Art Rue (Tunis) ; kabinet k (Gand)
Coproduction : Théâtre National Tunisien (Tunis)
Soutien : Communauté flamande ; Ville de Gand ; Nesma Mobile*
Crédit photo : Safa Ben Brahim et Kurt Vander Elst
Le programme “Déconstruire la violence par l’Art” est co-financé par l’Union Européenne. Avec le soutien de l’Onda – Office national de diffusion artistique.Durée : 55 mins
Festival de Marseille – Friche La Belle de Mai
Du 24 au 26 juin 2019
www.festivaldemarseille.com
NT Gent – Gand (BE)
1 et 2 octobre 2019
Hetpaleis – Anvers (BE)
Les 4 et 5 octobre 2019
Festival Dream City – Tunis
Les 12 et 13 octobre 2019
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