Avec sa mise en scène de Kévin, portrait d’un apprenti converti écrite par Amine Adjina pour des adolescents, Jean-Pierre Baro questionne la radicalisation religieuse en France. Ses mécanismes et ses violences.
Depuis son adaptation de Woyzeck de Georg Büchner en 2011 – où il raconte l’histoire de son père immigré sénégalais – Jean-Pierre Baro développe un théâtre peuplé d’êtres aux identités problématiques, de personnages tiraillés entre deux cultures et leurs descendants , de jeunes nés dans un autre pays que leurs parents, qui ont reçu d’eux un héritage lacunaire. Une mémoire dont les trous rappellent les pages sombres de l’histoire franco-africaine, et empiètent sur le présent. Dans son adaptation de Disgrâce (2016) du Sud-Africain John Maxwell Coetzee par exemple, Jean-Pierre Baro explore l’impensé colonial. Et, tout en continuant d’explorer les territoires de la fiction, il opte pour une approche plus frontale des questions qui l’occupent.
Créé le 12 octobre 2018 au ! POC ! à Alfortville avant de partir en tournée – il sera programmé la saison prochaine au TQI (Jean-Pierre Baro prend la direction à partir du 1er janvier 2019) – , Kévin, portrait d’un apprenti converti s’inscrit dans cette évolution. Fruit d’une commande de Jean-Pierre Baro à l’auteur et comédien Amine Adjina, cette pièce pour adolescents interroge la radicalisation d’une partie de la jeunesse française à travers un portrait fictif. Celui de Kévin, jeune homme de 17 ans né en France d’un père algérien et d’une mère française qui a quitté le domicile familial. Un garçon qui à force d’être seul, plein de questions auxquelles il ne trouve pas de réponses, trouve refuge parmi un groupe religieux extrémiste. Et dans l’idée de partir combattre en Syrie.
Après être allé à la rencontre des adolescents en venant jouer Master (2014) – sa première création jeune public, dont Amine Adjina assurait l’un des deux rôles dans des salles de classe, le metteur en scène fait venir ces derniers au théâtre. Il ne renonce pas toutefois entièrement à l’adresse directe qui permettait à Master de perturber le quotidien scolaire des collégiens. Dans le rôle de Kévin, Mohamed Bouadla excelle d’un côté comme de l’autre du quatrième mur. Au lieu de diaboliser l’aspirant terroriste qu’il incarne, il suscite chez son jeune public un sentiment d’identification. Un trouble proche, sans doute, de celui qu’a ressenti l’auteur en découvrant qu’un de ses amis en classe de seconde, un certain Peter Shérif, s’était radicalisé et avait rejoint la filière des Buttes Chaumont, dont sont issus les frères Kouachi.
Lorsque que la pièce commence, une partie du mal est déjà fait. Pour sa photo de classe, Kévin troque sa chemise pour un qamis, vêtement porté par les hommes musulmans pour la prière. Il reproche à son père (Mahmoud Saïd) sa passivité qui le cloue devant la télévision. Puis les choses s’accélèrent. Devant son ordinateur, Kévin tente d’apprendre une prière en arabe, il entame une discussion avec une jeune fille (Hayet Darwich qui assume tous les rôles féminins du spectacle) qui lui ressemble, quitte un imam qu’il juge trop modéré pour un autre groupe jamais nommé… Le tout au milieu d’une structure métallique qui, avec ses néons et ses hauts parleurs mêlés à divers objets du quotidien, met le plateau sous le signe du doute. De même que plusieurs décrochages avec le cadre plutôt réaliste du récit, comme l’apparition d’un étrange messager : un Robin des Bois converti à l’islam, qui fait basculer le personnage dans une violence que ni l’école ni la famille ne parviennent à enrayer.
Grâce à cet entre-deux, à un humour qui s’invite à des moments inattendus ainsi qu’à interprétation remarquable, Jean-Pierre Baro et ses comédiens relèvent sur scène le défi qu’Amine Adjina a relevé sur le papier. Celui de « regarder ses propres ‘’montres’’ ». « Que viennent-ils nous montrer ? Et de quoi sont-ils les sombres messagers ? ». Des questions que le théâtre pose ici avec justesse, tout en disant l’urgence d’y répondre.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Kévin, portrait d’un apprenti converti
Texte : Amine Adjina
Mise en scène : Jean-Pierre Baro
Avec : Mohamed Bouadla, Hayet Darwich, Mahmoud Saïd
Création son et régie générale : Adrien Wernert
Création lumières et vidéo : Julien Dubuc
Scénographie et costume : Cécile Trémolières
Régie son : Audray Gibert
Régie lumière et vidéo : Damien Caris
Collaboration à la mise en scène : Charly Breton
Administration, production Les Indépendances
Remerciement au bureau Formart
Production : Extime compagnie
Coproduction : Théâtre National de Bretagne CDN – Centre européen théâtral et chorégraphique, Scène nationale de l’Essonne Agora / Desnos, Espace 1789 Saint-Ouen.
Avec le soutien de : La Ferme du Buisson Scène Nationale de Marne-la-Vallée, de la Ville de Pantin, du conseil départemental de l’Essonne.
Extime Compagnie est conventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Île-de-France et est associée au Théâtre National de Bretagne CDN – Centre européen théâtral et chorégraphique.
Durée : 1h15
Le Grand Bleu, Lille
Le 8 novembre 2018
14h30 / Scolaire
19h / Tout publicVendredi 9 novembre 2018
14h30 / Scolaire
20h / Tout publicThéâtre au fil de l’eau, Pantin
Mardi 13 novembre
20h / Tout publicEspace 1789, Saint Ouen
Mardi 20 novembre
14h / Scolaire
20h/ Tout publicThéâtre de l’Agora, Evry
Jeudi 22 novembre
14h30 / Scolaire
19h / Tout publicVendredi 23 novembre
14h30 / Scolaire
20h / Tout publicMomix, Kingersheim
Mardi 5 février 2019
14h30 / Scolaire
20h / Tout publicLa Coloc’ de la culture, Cournon d’Auvergne
Mardi 12 mars
14h30 / ScolaireVille d’Issoire
Jeudi 14 mars
20h30 / Tout publicThéâtre National de Bretagne, Rennes
Mercredi 24 avril
20h / Tout publicJeudi 25 avril
14h30 / Scolaire
19h30 / Tout publicVendredi 26 avril
14h30 / Scolaire
20h/ Tout public
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