Avec des spectacles à la danse et à la musique percutantes, la chorégraphe distille une réflexion politique sur notre rapport à un monde en crise. En 2024, elle a présenté sa première pièce de groupe, Bless This Mess, à l’énergie inépuisable.
Plutôt du genre hyperactive, Katerina Andreou confie : « Quand j’étais petite, j’ai fait du ballet, puisque qu’en tant que fille, je n’ai pas pu faire un autre sport. Je crois que certaines frustrations viennent de là. » Derrière l’écran d’ordinateur, où elle est attablée dans une cuisine, on découvre son grand sourire chaleureux et sa frange ondulée. Celle-là même qui rebondit, souvent couverte de sueur, dans le solo Mourn Baby Mourn (2022), lorsqu’elle ne rebondit sur place ou ne se déplace pas sur le côté à l’occasion d’une course effrénée dans un parking, autour d’une voiture et de néons rose fuchsia, comme dans Rave to Lament (2021).
Sur scène, Katerina Andreou est un peu teufeuse, guerrière, sportive aussi. Après avoir fait des études de droit pour devenir avocate à Athènes et une reconversion pour devenir professeure de danse pour les enfants, elle intègre le Master ESSAIS en création chorégraphique du Centre national de danse contemporaine (CNDC) d’Angers, alors dirigé par Emmanuelle Huynh. Dans le circuit pro, elle danse pour Anne Lise Le Gac ou Lenio Kaklea, et est repérée lors d’une ouverture studio au festival DañsFabrik, à Brest. C’est le début d’une série de soli, jusqu’à Bless This Mess, sa première pièce de groupe, où elle danse aux côtés de trois interprètes.
La musique comme dramaturgie
À chaque spectacle, Katerina Andreou ne crée pas que la danse, mais aussi la musique : « Je travaille le son dès le début de mes spectacles. C’est pour moi un outil qui fait dramaturgie. D’abord, j’écoute beaucoup de musiques différentes, je ‘dig’, comme une DJ ; puis, j’expérimente avec la musique, je l’accélère, je la décélère. » Pour Bless This Mess, elle travaille à partir d’une interprétation de Jean Rondeau de la pièce Vertigo de Pancrace Royer : « On a l’impression qu’il fait du headbang sur un clavecin. J’ai adoré le type d’attention et de colère qu’il a réussi à transmettre par son interprétation d’un instrument très peu expressif. »
Sur scène, elle s’élance avec Lily Brieu Nguyen, Baptiste Cazaux et Mélissa Guex sur une mélodie de clavecin lancée à 130 bpm. Sur ce son assourdissant, ils dansent sans jamais défaillir, avec la même intensité du début à la fin, mais sans s’épuiser non plus : « L’objectif n’est pas de dépasser nos limites physiques. Notre énergie se régénère, comme une dynamo. » Si cette danse inéluctable fait penser aux espaces festifs de la rave, elle ne cherche pas à capturer la fête, mais s’interroge sur notre monde : « J’avais lu dans un journal en Grèce : ‘On est trop près du feu pour comprendre ce qui brûle’. Cette métaphore décrit complètement mon état d’urgence, d’angoisse et de frustration. J’avais envie de parler de la confusion dans laquelle nous sommes plongés et de notre incapacité à comprendre vraiment ce qu’il se passe. C’était peut-être un début pour nous sortir de l’immobilité. Très simplement. »
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Les coups de coeur 2024 de Belinda Mathieu
Le plus dense : Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione de Anne Teresa De Keersmaeker et Radouan Mriziga
Le plus déconstruit : Fun Times de Ruth Childs
Le plus convivial : Cabaret Brouillon de Loïc Touzé
Le plus énergique : Bless This Mess de Katerina Andreou
Le plus céleste : In absentia de François Chaignaud et Geoffroy Jourdain
Le plus touchant : About Love and Death (élégie pour Raimund Hoghe) d’Emmanuel Eggermont
Le plus sonore : Voice Noise de Jan Martens
Le plus délirant : La Grande Nymphe de Lara Barsacq
Le plus humide : Mille et Une Nuits de Sorour Darabi
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