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Kaldûn : Derrière le bagne, l’utopie

Coup de coeur, Les critiques, Lille, Paris, Sartrouville, Théâtre

 

photo Christophe Raynaud de Lage

Avec Kaldûn, Abdelwaheb Sefsaf fait entrer son théâtre musical dans l’Histoire. Celle de trois révoltes populaires, dans trois continents, dans les années 1870. Portée par une écriture ciselée, par des chants puissants et un engagement fort et juste de tous ses interprètes, cette fresque très vivante réussit à faire poindre derrière le bagne l’utopie.

Après deux spectacles autofictifs, Si loin si proche (2019) et Ulysse de Taourirt (2021), Abdelwaheb Sefsaf quitte les rives de l’écriture et du jeu à la première personne. Avant même que s’ouvre sur le premier tableau de Kaldûn un rideau rouge comme on n’en fait plus, c’est un récit de type historique qui s’annonce à nous avec ces mots projetés sur le tissu : « BIENVENUE ! Exposition universelle de Paris 1889 ». Le passé toutefois, dès l’apparition des premiers comédiens, se manifeste sous des traits légèrement accentués, avec un soupçon de caricature. Dans l’attitude trop docte pour être honnête de celui qui se présente comme le docteur Jacobus X, on peut reconnaître l’humour à la fois critique et tendre que pratique Abdelwaheb Sefsaf depuis la création de sa compagnie de théâtre musical Nomade in France en 2011. La femme et l’homme en costumes exotiques qu’il désigne comme des « Canaques », invitant à regarder de près leur intimité, se meuvent avec un mélange de rétivité et de lascivité qui n’est guère plus naturaliste que la sienne.

Le chanteur, comédien et metteur en scène, également directeur depuis 2023 du Théâtre de Sartrouville – CDN, ne s’est pas effacé dans Kaldûn. Il a beau ne plus parler en son nom et diriger sur d’autres son regard, celui-ci est inchangé. Il affirme d’ailleurs cette subjectivité en se faisant narrateur de sa propre fresque, en prenant en charge ses transitions qui souvent nous font changer de continent et nous mènent vers une foule de personnages différents. Qu’elles soient parlantes ou chantantes, les nombreuses apparitions d’Abdelwaheb Sefsaf pourraient sembler brechtiennes mais ne le sont pas : son verbe haut, coloré et ses chansons en arabe et en français sont davantage pour l’ensemble des interprètes un moteur épique, un encouragement à avancer dans les tourmentes de l’Histoire qu’une rupture. Avant d’embarquer sa grande distribution – la plus ample qu’il ait dirigée à ce jour – composée de huit comédiens et de sept musiciens de l’ensemble Canticum Novum, il définit une fois pour toutes son geste : « Rien de ce que vous avez entendu et allez entendre n’a été inventé. Les mots peut-être, mais pas les faits. Le décor, la musique, la mise en scène peut-être aussi et en cela il s’agit bien d’une création théâtrale mais les faits, eux, sont seulement relatés ».

Kaldûn redonne ainsi à l’Histoire tous ses vertiges, tous ses tremblements. Les trois révoltes populaires dont il y est question, qui éclatent dans les années 1870 en France, en Kabylie et en Nouvelle-Calédonie, sont une matière de choix pour qui veut redonner vie au passé, tout en révélant les liens qu’entretient avec lui le présent. Cela surtout parce que les trois luttes se rencontrent, produisant son lot de haines mais aussi d’amitiés dignes des meilleures fictions. En choisissant de commencer son vaste récit une fois achevées et perdues la Commune de Paris et la révolte d’El Mokrani en Algérie un an plus tard, au moment où les insurgés des deux côtés de la Méditerranée se voient forcés à l’exil en Nouvelle-Calédonie, Abdelwaheb Sefsaf prenait le risque d’ancrer sa pièce dans la seule des trois réalités qui lui était étrangère, ainsi qu’à son équipe. Cette décision, parce qu’elle a poussé l’auteur et metteur en scène à un travail approfondi de documentation et de terrain avec tous ses collaborateurs, les incitant à imaginer des manières inédites de créer et de partager leur travail, est d’une justesse dont témoigne à chaque instant la délicatesse de Kaldûn.

La révolte de Nouméa en Nouvelle-Calédonie, en 1878, est le carrefour qui rassemble tous les personnages, célèbres et inconnus – nous avons par exemple Louise Michel incarnée par l’excellente Johanna Nizard, le chef militaire Aziz El Haddad (Fodil Assoul) et Ataï (le danseur hip hop et slameur kanak Simanë Wenethem) – de la fresque dont les matériaux très hétérogènes sont portés par un même souffle. Derrière les relations qui se tissent entre l’héroïne française et les personnalités kabyles et kanaks, très différentes des rapports de domination qu’entretiennent les gouvernements de leurs pays, on perçoit la vie du groupe d’interprètes, eux aussi issus d’horizons éloignés. Cette existence du groupe est surtout sensible lorsqu’un comédien se détache des autres pour porter le monologue, souvent enflammé pour la défense de la liberté d’un peuple et toujours adressé directement au public, d’un de ses personnages : toutes les têtes, toutes les oreilles se tournent alors vers lui. Chacun à son tour, les comédiens deviennent ainsi conteurs pour les autres.

L’écoute qui circule au sein du groupe est ainsi, comme le regard singulier d’Abelwaheb Sefsaf sur le passé, un motif majeur du foisonnant Kaldûn. La belle attention accordée à la moindre parole, dès lors qu’elle véhicule des valeurs humanistes, relie entre eux les fragments bien découpés du spectacle autant sinon davantage que sa progression presque chronologique. « Presque » car, dans l’effort qu’elle mène pour aller de 1873 à son point de départ en 1889, la troupe est parfois interrompue par l’irruption d’un passé plus proche, comme lorsque la comédienne Lauryne Lopès de Pina quitte la Nouvelle-Calédonie du XIXème pour faire un saut dans celle du XXème, évoquant la guerre civile qui éclate en 1984 quand les Blancs de Nouvelle-Calédonie refusent aux Kanaks leur indépendance. Kaldûn relie les injustices entre elles pour mieux tisser contre elles son réseau de résistance où les grandes colères ne vont pas sans des joies aussi immenses.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Kaldûn [création]
texte et mise en scène Abdelwaheb Sefsaf
avec avec Fodil Assoul, Laurent Guitton, Lauryne Lopès de Pina, Jean-Baptiste Morrone, Johanna Nizard, Malik Richeux, Abdelwaheb Sefsaf, Simanë Wenethem
Canticum Novum Emmanuel Bardon, Henri-Charles Caget, Spyridon Halaris, Léa Maquart, Artyom Minasyan, Aliocha Regnard, Gülay Hacer Toruk

assistanat à la mise en scène Jeanne Béziers
dramaturgie Marion Guerrero
composition musicale Aligator – Sefsaf/Baux
direction musicale Georges Baux
arrangements et adaptation musicale Henri-Charles Caget
scénographie Souad Sefsaf
lumière Alexandre Juzdzewski
vidéo Raphaëlle Bruyas
son Jérôme Rio
construction décor Les Ateliers d’Ulysse
régisseur général Arnaud Perrat

production déléguée compagnie Nomade in France / producteurs associés Canticum Novum (direction
Emmanuel Bardon) et le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN

coproduction la Comédie de Saint-Étienne–CDN, Le Sémaphore–Cébazat, Scène nationale Bourg-en-Bresse,
le Théâtre des Célestins – Lyon, La Comédie de Colmar – CDN, ADCK Centre culturel Tjibaou – Nouméa
(Nouvelle-Calédonie), Studio 56 Ville de Dumbéa (Nouvelle-Calédonie), Théâtre Molière Scène nationale de
Sète Archipel de Thau, Le Carreau Scène nationale de Forbach, ACB – Scène nationale de Bar-Le-Duc, Festival
Détours de Babel, Espace Culturel des Corbières / avec le soutien du CNM / Nomade In France et Canticum
Novum sont conventionnés par le ministère de la Culture (DRAC Auvergne Rhône-Alpes), la Région Auvergne
Rhône-Alpes, la Ville de Saint-Étienne et le Département de la Loire
théâtre musical dès 14 ans

Durée : 2h20 sans entracte

19 octobre 2023 [création]
Théâtre Molière, Scène nationale de Sète Archipel de Thau

Vu à La Comédie de Saint-Etienne – CDN en 2023

du 10 au 19 janvier 2025
Théâtre de La Tempête, Paris

du 30 au 31 janvier
Théâtre de Sartrouville et des Yvelines-CDN

du 5 au 6 février
Scène nationale de Bourg-en-Bresse

du 5 au 7 marsThéâtre du Nord – CDN, Lille

18 novembre 2023/par Anaïs Heluin
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