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Représenter la Shoah et penser la judéité

A voir, Les critiques, Nanterre, Théâtre

photo Géraldine Aresteanu

Avec Kaddish -mémoires, Margaux Eskenazi et la Belle Troupe des Amandiers ont créé un spectacle dense et passionnant, d’une théâtralité réjouissante. Autour de la judéité et de la représentation de la Shoah, l’œuvre d’Imre Kertesz y déploie son humour et sa profondeur de réflexion tout en tissant des liens avec notre présent.

A l’heure où les grands formats théâtraux sont menacés par les coupes budgétaires, les spectacles mettant en scène des promotions de jeunes interprètes offrent de précieux recours. Il y a eu Jean-François Sivadier revisitant la tragédie antique avec les anciens du Conservatoire National, spectacle qui tournera largement en France l’année prochaine. A Nanterre Amandiers, c’est la Belle Troupe qui achève maintenant sa formation de 3 ans avec un spectacle créé par Margaux Eskenazi autour de l’œuvre de l’auteur hongrois nobélisé, Imre Kertesz. Encore une fois, le théâtre en sort grandi par la combinaison entre une théâtralité aux mille facettes et le mouvement riche de réflexions qu’elle produit. Le talent des artistes metteur.se.s en scène n’y est sans doute pas pour rien, tout comme celui des jeunes comédien.ne.s qui paraissent y vivre de premières expériences exaltantes.

Si elle n’était pas jeune, elle aussi, on dirait volontiers de Margaux Eskenazi qu’elle est arrivée à maturité. Dans l’art d’entrelacer les niveaux de narration, le présent et le passé, les registres et les genres, les thèmes et les références, elle crée dans ce spectacle un tourbillon théâtral parfaitement maîtrisé, dans lequel on ne se perd jamais. Autour de 4 textes de l’auteur hongrois qu’elle convoque ici (Être sans destin, Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, Le Refus et Dossier K , disponibles aux Editions Actes Sud), elle a structuré son spectacle en deux thématiques successives – la judéité et la représentation artistique des camps de la mort – tout en nouant ensemble la représentation de la vie de Kertesz, celle de ses œuvres et le processus de création de ce spectacle dans son parcours personnel et dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas. Sur ce dernier point, le plus polémique sans doute, dans la continuité de son travail « écrire en pays dominé », elle tente de nouer son habituelle démarche décoloniale avec ce souci de la réconciliation qu’elle avait par exemple déjà déployé dans Et le cœur fume encore autour de la guerre d’Algérie.

Kertesz bien sûr, mais aussi Césaire, Rivette et les monuments littéraires et cinématographiques construits autour de la Shoah (Lanzmann, Levi, Nuit et brouillard…) traversent Kaddish-mémoires qui prend pour colonne vertébrale le roman autobiographique de l’auteur hongrois – Être sans destin. Écrit sur deux décennies, avec le recul du temps passé, il a pour protagoniste le narrateur Georgi, adolescent comme Kertesz au moment de sa déportation, qui traverse l’expérience concentrationnaire avec la naïveté de la jeunesse. Le récit produit ainsi l’ironie de celui qui ne voit pas la tragédie qui déferle mais aussi un humour grinçant qui a parfois fait polémique. La Belle troupe en tire des scènes tour à tour drôles et émouvantes – le pittoresque d’époque, les scènes familiales, l’humour de Kertesz… – et, comme l’auteur, flirte avec les limites jusqu’à traiter des trains de la déportation en mode comédie musicale. En contrepoint, l’accompagnement de Malik Soarès, qui reprend le flolklore yiddish et klezmer en lap steel guitare (il joue avec les guitare sur les genoux) assure une atmosphère aux belles nuances de sombre.

Maîtresse dans l’art de l’entrelacement, Margaux Eskenazi multiplie donc les rôles pour les jeunes interprètes et les interprètes pour les rôles, lance des motifs qui interrogent avant de les expliciter plus tard, fait cohabiter au plateau scènes du passé et regard extérieur porté sur ces scènes, personnages intra et extradiégétiques, et construit ainsi une pièce fleuve, à la fois instructive, émouvante et stimulant la réflexion. Jamais l’attention ne s’y relâche, sans cesse à courir après le sens qui se construit. Jamais l’émotion n’est bien loin non plus. Avec ce travail, la metteuse en scène ouvre une nouvelle ère de son travail, autour de sa propre judéité, après avoir tourné dix ans autour du pot, raconte-t-elle. Kaddish-mémoires en constitue une très prometteuse ouverture, pour les comédien.ne.s et la metteuse en scène donc, une première étape remarquable à laquelle on ne peut souhaiter qu’une longue vie.

Eric Demey -www.sceneweb.fr

Kaddish-mémoires

Ecriture et mise en scène
Margaux Eskenazi
Avec les comédien.ne.s de La Belle Troupe
Rosa-Victoire Boutterin,
Jules Chagachbanian,
Lawrence Davis,
Elise de Gaudemaris,
Raphaëlle de la Bouillerie,
Jeanne Fuchs,
Axel Godard,
Gabriel Gozlan-Hagendorf,
Emmanuel Pic,
Nawoile Saïd-Moulidi,
Paul Thouret,
Myrthe Vermeulen

et Malik Soarès

Direction musicale – composition et interprétation Malik Soarès

Scénographie & Costumes Sarah Barzic et Loïse Beauseigneur

Dramaturgie Guillaume Clayssen

Conseiller historique Nicolas Morzelle

Création lumières Marine Flores

Assistanat à la mise en scène Siloë Saint-Pierre

Stagiaire costumes Lilas Daoussi

Production
Théâtre Nanterre-Amandiers – CDN

Coproduction
Le Cercle des AmandiersAvec la participation artistique du
Jeune théâtre national

La Belle Troupe est soutenue par
Direction Régionale des Affaires culturelles (DRAC) Ile-de-France
Crédit Agricole Ile-de-France Mécénat
La Fondation de France
La Fondation Groupe Forvia

Durée : 2h30 sans entracte

Théâtre Nanterre-Amandiers – CDN
du 18 au 22 juin 2024
Mar, mer à 19h30 / jeu, ven à 20h30 / sam à 18h

21 juin 2024/par Eric Demey
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