Après le Théâtre des Doms à Avignon, c’est au Festival Impatience que le Group Nabla présente sa première création, J’abandonne une partie de moi que j’adapte. Un subtil questionnement de la notion de bonheur, basé sur le célèbre documentaire Chronique d’un été (1960).
L’héritage des années 60, depuis quelques temps et plus encore le cinquantenaire de Mai 68, donne matière à penser à de nombreux artistes de théâtre. On connaît par exemple l’intérêt de Julie Deliquet pour cette période. On se rappelle de Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon (2010) du collectif l’Avantage du Doute, repris cette année lors de l’Occupation du Théâtre de la Bastille par la compagnie. Ou encore du reenactment de l’occupation de l’Odéon pendant un mois par un Comité d’Action révolutionnaire orchestré en avril dernier par le Birgit Ensemble avec les élèves de troisième année du Conservatoire National. Avec J’abandonne une partie de moi que j’adapte, le jeune Group Nabla, en compétition au Festival Impatience, confirme que ce morceau d’Histoire sied particulièrement aux collectifs.
Née à la sortie de l’école de théâtre de Liège, l’ÉSACT, la compagnie belge s’y attaque en partant de Chronique d’un été de Jean Rouch et Edgar Morin. Un film qui, précise une voix off en guise d’introduction, « n’a pas été joué par des acteurs mais vécu par des hommes et des femmes qui ont donné des moments de leur existence à une expérience nouvelle de cinéma-vérité ». Pour la metteure en scène Justine Lequette et les comédiens Léa Romagny, Rémi Faure, Benjamin Lichou et Jules Puibaraud, le choix de cette œuvre impose de trouver une manière de traduire au plateau une spontanéité. Un ancrage dans ce que le présent a de plus intime : les doutes des individus. Leurs croyances, leurs utopies.
Ils y réussissent avec talent en mêlant au scénario du film de 1960 des matériaux contemporains : la pièce Je te regarde d’Alexandra Badea et deux documentaires de Pierre Carles, Christophe Coello et Stéphane Coxe sur le travail. Le Group Nabla se révèle ainsi maître dans l’art de réactiver les questions d’hier et de les mettre au diapason d’aujourd’hui. Un décor modulable où trône une bibliothèque leur suffit. Les questions – « Êtes-vous heureux ? » par exemple, ou « comment te débrouilles-tu avec la vie ? » – qu’ils déclinent à travers une succession de scénettes ont beau être des plus sérieuses, les quatre artistes les abordent avec une légèreté réjouissante. Avec une évidente joie d’être au plateau, qui doit beaucoup à l’implication de tous les comédiens dans l’écriture du spectacle.
Au fil de ses habiles allers-retours entre les époques, J’abandonne une partie de moi que j’adapte, se dessinent quelques changements, qui touchent surtout au vocabulaire et aux attitudes. Et beaucoup de stagnations. Après un saut temporel par exemple, le monologue néolibéral d’un patron marque en effet une parfaite continuité avec les souffrances ouvrières et étudiantes exprimées auparavant. Lesquelles auguraient un vent nouveau…
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
J’abandonne une partie de moi que j’adapte
Un projet initié et mis en scène par Justine Lequette
Ecriture collective
Avec : Rémi Faure, Benjamin Lichou, Jules Puibaraud, Léa Romagny
Assistant à la mise en scène : Ferdinand Despy
Création lumière : Guillaume Fromentin
Projet issu de Solo Carte Blanche de l’ESACT
Production : Création Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles
Coproduction : Group Nabla
Avec le soutien de L’ESACT, La Chaufferie-Acte1, Festival de Liège
Avec le soutien de Eubelius & Wallonie-Bruxelles InternationalRemerciements : Nathanaël Harcq, Annah Schaeffer, Astrid Akay et Jo De Leuw
Durée : 1h10
Festival Impatience – Théâtre de Gennevilliers
Les 11 et 12 décembre 2018Théâtre Paul Eluard (Choisy-le-Roi)
Le 2 avril 2019Théâtre de L’Aire Libre (Rennes)
Les 4 et 5 avril 2019Théâtre des Quatre Saisons (Gradignan)
Le 2 mai 2019
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