Écrit par l’autrice Marion Aubert à la demande du metteur en scène Julien Rocha, Surexpositions (Patrick Dewaere) reparcourt avec frénésie la vie et la carrière de l’acteur le plus insolent et écorché du cinéma français des années 1970.
Sur les plus de trente films tournés par Dewaere, trois ont spécialement retenu l’attention des signataires du spectacle donné au Théâtre de l’Oulle à Avignon : Les Valseuses (1974), dans lequel il se révèle en même temps que son rival, et néanmoins ami, Gérard Depardieu, La Meilleure Façon de marcher de Claude Miller (1976) et Série noire (1979), d’après le roman de Thompson porté à l’écran par Alain Corneau où Dewaere, complètement transcendé, se glisse dans la peau d’un personnage qui sombre dans le crime et la folie. Dans cette pièce, plusieurs scènes légendaires de ces films sont à la fois rejouées et revisitées, sans jamais avoir recours aux outils cinématographiques. Il y souffle un vent de fraîcheur et de liberté, il s’affiche une audace et une marginalité parfaitement assumées, et, enfin, une propension à la destruction qui ne peut être négligée.
Considéré comme l’un des acteurs les plus brillants de sa génération bien qu’institutionnellement boudé, Patrick Dewaere s’est investi corps et âme dans ses rôles jusqu’à même s’oublier, s’abîmer. Il y a exploité démesurément toute la violence et toute la vulnérabilité dont il pouvait abonder. C’est cette générosité, ce don de soi que dévoile et célèbre le spectacle. C’est tout ce qui faisait l’attrait de l’artiste à l’écran comme dans la vie, les deux étant intimement, névrotiquement, imbriqués. Porter cela sur un plateau, c’est tenter de sonder la vérité d’un être et d’une œuvre, c’est aussi les mâtiner d’une franche théâtralité. Le défi est relevé.
Sur scène, s’exposent et s’exaltent avec fulgurance, mais aussi pas mal d’outrance, la soif de liberté, la fureur de vivre, d’aimer, de baiser, de s’exprimer, puis la chute, le drame, l’extrême fragilité. Les quatre comédiens de la compagnie Le Souffleur de verre que sont Margaux Desailly, Johanna Nizard, Fabrice Gaillard et Cédric Veschambre s’emparent avec inventivité d’une figure aussi adorée que mal-aimée et incarnent la radicalité de leur sujet. Ils dépeignent et interrogent également une époque, un esprit, qui par leur ambiguïté morale peuvent heurter la retour actuel à une intransigeante bienséance. Pour autant, Dewaere donne l’impression de réinventer la représentation de la masculinité comme une sorte de prémices du vacillement du patriarcat.
C’est bel et bien le jeu qui prime dans cette proposition traversée de nu, de sexe, d’humour et de drame. La troupe se délecte de passer de rôle en rôle, d’esquisser des gens célèbres, des actrices comme Miou-Miou, Jeanne Moreau ou encore Marie Trintignant, des acteurs, des réalisateurs comme l’inénarrable Bertrand Blier, en dépassant le stade du simple mimétisme. C’est parfois génialement fait, parfois un peu épais. De la formidable légèreté, la pièce tombe dans la tragédie avec sa litanie d’amours contrariées, puis la chute irrattrapable et la mort de son personnage suicidé d’un coup de carabine en pleine bouche à l’âge de trente-cinq ans.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Surexpositions (Patrick Dewaere)
Texte Marion Aubert
Mise en scène Julien Rocha
Avec Margaux Desailly, Johanna Nizard, Fabrice Gaillard, Cédric Veschambre
Création lumière Nicolas Galland
Scénographie Clément Dubois
Costumes Marie-Fred Fillion
Perruques Cécile Kretschmar
Création sonore Benjamin GibertProduction Compagnie Le Souffleur de Verre
Co-production Le Caméléon, scène labellisée – Pont-du-Château / Château Rouge, scène conventionnée – Annemasse / Les Célestins, Théâtre de Lyon / Théâtre Municipal d’Aurillac, scène conventionnée – Aurillac
Avec le soutien de la Ville de Clermont-Ferrand, la SPEDIDAM, le Fonds SACD Théâtre 2021, La Chartreuse de Villeneuve lez Avignon – Centre national des écritures du spectacle, La Maison Jacques Copeau – Pernand-Vergelesses, Le Théâtre du Marché aux Grains, Atelier de Fabrique Artistique, Bouxwiller, La Factory, Fabrique d’art vivant – Avignon.La Compagnie Le Souffleur de Verre est conventionnée avec le ministère de la Culture/Drac Auvergne-Rhône-Alpes et La Région Auvergne.
Durée : 1h50
Festival Off d’Avignon 2022
Théâtre de l’Oulle, La Factory
du 7 au 30 juillet, à 21h40 (relâches les 11, 18 et 25 juillet)Les Célestins / Lyon
du 13 au 23 octobre 2022La Chartreuse / Villeneuve-lez-Avignon
10 décembre 2022Théâtre de Châtillon
3 avril 2023Les Quinconces / Vals-Les-Bains
le 7 avril 2023Le Carreau Scène nationale
13 et 14 avril avril 2023
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